L’heure des résolutions approche. Arrêter de boire, de fumer, déménager en Norvège, en Bretagne, à Pantin, vous séparer, vous engager comme réserviste pour se préparer à la guerre avec Poutine. Quelle décision prendre ? Comment savoir si c’est la bonne ?
Dans le prochain numéro du « Nouvel Obs », celui du 31 décembre, vous lirez 20 récits de grandes décisions. François Hollande raconte l’envoi de troupes au Mali, Laure Murat nous parle de son retour en France, à cause de Donald Trump, après 20 ans passés à Los Angeles, Christine Angot retrace l’instant précis où elle a décidé d’aller sonner chez sa belle-mère (la femme de son père incestueux) accompagnée d’une caméra, l’écrivaine Maria Pourchet décrit l’intense délibération avant une rupture amoureuse. Et que nous dit la philo ?
Une décision rationnelle est une décision qui maximise le bien en tant que principe (dans une logique déontologiste), qui maximise le bien individuel de tous (dans une logique utilitariste), et qui aura été pensée avec une certaine éthique (prudence d’Aristote, méthode de Descartes).
- Pour maximiser le bien en tant que principe,
c’est très simple, il faut s’imaginer vivre observé. Selon l’impératif catégorique, concept élaboré par Kant, toute conduite morale, forgée par la raison d’un individu, doit pouvoir être élevée au rang de maxime universelle.
- Pour maximiser le bien individuel de tous,
il faut relire le philosophe Jeremy Bentham, et apprendre par cœur la première phrase de son « Introduction aux principes de la morale et de la législation », que voici : « la nature a placé l’humanité sous le gouvernement de deux maîtres souverains, la douleur et le plaisir. C’est à eux seuls d’indiquer ce que nous devons faire aussi bien que de déterminer ce que nous ferons ».
(Mais, question annexe, comment évaluer cette douleur et ce plaisir ?
Au XIXe siècle, l’économiste britannique Francis Edgeworth a conçu un instrument appelé hédonimètre qui enregistre la sensation et la durée d’une expérience. C’était oublier que dans l’évaluation d’une expérience le « moi mémoriel » prime toujours sur le « moi expérimentant », comme le rappelle un autre économiste, Daniel Kahneman. Or ce « moi mémoriel » ne prend jamais en compte la durée d’un plaisir ou d’une douleur. Ses deux critères d’évaluation sont : un, le pic d’intensité, deux, la dernière sensation subie. C’est la règle redoutable dite du peak-and-rule qui nous influence. Méfiez-vous donc des décisions basées sur vos souvenirs.)
- Enfin, prenez soin d’avoir une certaine éthique.
Dans l’« Ethique à Nicomaque », Aristote parle de la délibération comme d’un problème de géométrie. Lorsque la figure peut être tracée, la décision peut être commise. Pour bien faire, Aristote avance les notions de prudence (« voir la vérité dans les choses à faire ») et de sagacité (« intelligence de l’instant »).
Vous voilà prêt à prendre une bonne résolution qui tiendra au moins sept jours.
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