Suis-je techno réac ou enfant de prof ? C’est la question qui m’est venue à l’esprit après un échange un peu enlevé avec mon fils à propos de son téléphone portable. Je considère que c’en est un. Lui, non, puisqu’il s’agit d’un antique spécimen à touches et qu’à ses yeux la fonction d’usage d’un téléphone ne peut se limiter à téléphoner. Tout lui est bon pour le déconsidérer. Il a même prétexté que la rigidité de sa coque en faisait « une arme par destination » interdite au collège.
Cette discussion m’a un peu troublé. Je travaille pour un journal dit progressiste et je sens bien que mon interlocutrice Marie-Alix de l’association « Parents unis contre le portable avant 15 ans », qui a trouvé en ma personne une oreille attentive, ne fréquente pas exactement les mêmes chapelles que moi. Par ailleurs, bien que volontaire, ma faible assiduité sur les réseaux m’a toujours donné des scrupules, professionnellement du moins. J’ai récemment téléchargé TikTok pour la troisième fois afin de mieux comprendre la vie secrète des jeunes mais, c’est plus fort que moi, je ne parviens pas à l’ouvrir. Pire, quand je procrastine sur internet, c’est dans un mélange de ringardise (j’ai plusieurs alertes en cours sur Leboncoin) et de sociopathie (chercher sur Google Earth des espaces à faible fréquentation humaine pour mes vacances).
Mon grand garçon se moque de moi, mais j’ai pu constater lors de récentes vacances (très déconnectées) qu’il suivait les pas du « padre ». Il ne supporte que lui sur la plage, moi éventuellement et, « péniblement », son petit frère. Bref ce jeune homme à peine adolescent est déjà une cause perdue pour Instagram.
Quelque part, je dois l’avouer, cela me rassure. Dans ma pratique de journaliste et de parent d’élèves, ce que je constate vient trop souvent confirmer mes pires projections technophobes. Lors d’un récent conseil d’administration du collège de Junior, les délégués des élèves, d’abord intimidés, ont vidé leurs sacs expliquant à la fois combien leurs téléphones étaient « toute leur vie » et à l’origine des nombreuses algarades qui pourrissent la vie de l’établissement. Au même CA, alors que je m’étonnais du calme des enfants d’une enseignante présents dans une salle contiguë pendant la réunion, celle-ci me fit cette réponse ingénue : « Je leur ai mis un film sur mon ordi, comme il n’y a aucun écran à la maison, c’est un peu la fête. »
Cela me remit deux statistiques en tête. Les enfants d’enseignants surperforment scolairement. Les abstinents numériques également. Un beau sujet de réflexion.
Gurvan Le Guellec
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