Covid-19 : quatre questions pour comprendre la saturation des hôpitaux
L’afflux de patients atteints du SARS-CoV-2 éprouve, comme au printemps, le système hospitalier français.
Si la menace sanitaire liée au nouveau coronavirus semblait se dissiper en été, elle est redevenue très concrète à l’automne. Moins de six mois après le déconfinement, les hôpitaux français font désormais face à un nouvel afflux de patients atteints du Covid-19. Cette « deuxième vague » fait déjà craindre un risque de saturation des services de réanimation, spécialisés dans la prise en charge des cas graves. Le point sur la situation à l’hôpital en quatre questions.
1. A quel point la deuxième vague touche-t-elle les hôpitaux ?
Au début du mois d’août, un peu plus de 5 000 personnes étaient hospitalisées en lien avec le Covid-19. Ce nombre a triplé en dix semaines, dépassant 16 000 au 25 octobre. Cela représente déjà plus de la moitié du nombre de patients qui avaient été pris en charge au plus fort du pic épidémique du printemps (un peu plus de 32 000 au 14 avril).
Ce sont surtout les malades admis en service de réanimation, atteints de formes graves du Covid-19, qui inquiètent. Au cœur de l’été, on dénombrait moins de 100 nouvelles entrées hebdomadaires en réanimation, alors qu’elles étaient 1 904 dans la semaine du 20 au 26 octobre, selon Santé publique France (SPF).
Depuis septembre, les services concernés se remplissent à vue d’œil malgré les progrès faits dans la prise en charge de la maladie au cours des derniers mois. Environ 2 600 patients étaient hospitalisés en réanimation au 25 octobre, un nombre qui est encore loin du pic d’avril (environ 7 000 patients au pire de la crise), mais qui pose déjà des problèmes dans de nombreux services concernés.
2. Quelle est la capacité d’accueil en réanimation ? Pourrait-on l’augmenter ?
En temps normal, on compte environ 5 000 places en réanimation sur l’ensemble de la France. Mais le coronavirus SARS-CoV-2 ne se diffuse pas de manière homogène dans les territoires, c’est pourquoi certains hôpitaux sont débordés depuis des semaines.
Au rythme où le virus se diffuse, le risque de voir les services spécialisés saturés dès le mois de novembre est réel. Un peu plus de la moitié des lits disponibles sont en effet déjà occupés, alors que le nombre de patients présents en « réa » a doublé toutes les trois semaines environ depuis le début de septembre.
Des solutions restent envisageables pour renforcer dans l’urgence les capacités d’accueil des hôpitaux. Cela avait été le cas au printemps pour rendre jusqu’à 7 000 lits de réanimation disponibles pour les patients. Peut-on aller plus loin ? Dès la fin juin, le ministre de la santé avait annoncé la possibilité d’« armer a minima 12 000 lits en réanimation » dans le cas d’une deuxième vague à l’automne. Mais le 15 octobre, Olivier Véran a tempéré son propos, en expliquant que l’« objectif n’est pas d’avoir un nombre de réas extensible à l’infini ».
Ce chiffre de 12 000 lits était un calcul théorique, additionnant les capacités simultanées de toutes les régions, avec un renfort de 24 000 infirmières et 10 500 aides-soignants supplémentaires : des moyens humains qui sont loin d’être disponibles cet automne.
Les renforts déployés pendant la première vague s’appuyaient notamment sur des transferts entre régions, qui ne pourront pas être réitérés alors que le virus circule partout en France. De même, les recrutements ponctuels semblent plus complexes qu’au printemps. « C’est très différent de mars, où tout le monde voulait aider, de nombreux soignants en ont marre, ils sont épuisés, la première vague les a cassés, on voit la lassitude », confiait récemment au Monde Stéphane Gaudry, à l’hôpital Avicenne, à Bobigny, relevant que les appels à candidatures reçoivent très peu de réponses.
3. Pourquoi cet afflux de patients inquiète-t-il autant ?
Ce que les soignants souhaitent éviter en premier lieu, en cas de progression continue de l’épidémie, serait de devoir procéder à un tri des patients, c’est-à-dire de ne pas être capables, faute de place, d’admettre en réanimation ceux qui – atteints du Covid-19 ou d’autres maladies graves – devraient l’être en temps normal. Pour ces malades, les conséquences sont graves et directement dommageables.
Les effets de l’afflux de patients Covid vont bien au-delà, dans une sorte de jeu de dominos. Au printemps, la crise sanitaire a accaparé bon nombre de ressources au détriment des autres pathologies : cancers, maladies cardiaques ou neurologiques, diabète… La plupart des interventions chirurgicales jugées non urgentes ont été déprogrammées et les rendez-vous de suivi ont été annulés. Ces dommages collatéraux sont difficiles à mesurer, mais ses effets se sont fait sentir après le confinement. Le report d’actes de soin peut s’accompagner d’une aggravation de l’état des patients.
Face à l’augmentation des patients atteints du Covid-19 en octobre, les déprogrammations ont déjà commencé. Le Grand Est a déclenché le « plan blanc » le 26 octobre, permettant des réquisitions de personnel et de blocs hospitaliers, alors que des déprogrammations massives ont été ordonnées dans les hôpitaux publics et privés d’Ile-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes.
4. Est-ce une situation inhabituelle à l’approche de l’hiver ?
Chaque année, des tensions apparaissent dans le système hospitalier français, face aux infections saisonnières de l’hiver, en raison notamment du manque de lits de réanimation. Par exemple, à l’automne 2019, en pleine épidémie de bronchiolite, le manque de place en réanimation pédiatrique avait conduit déjà à des transferts de jeunes patients d’Ile-de-France vers d’autres régions.
La lutte contre le SARS-CoV-2 représente à elle seule un poids considérable pour les services hospitaliers. Pour avoir un point de comparaison, la grippe saisonnière « classique » engendre en moyenne chaque année entre 1 000 et 2 500 admissions en service de réanimation, selon SPF. Or depuis le début de l’année 2020, le Covid-19 a engendré de l’ordre de 30 000 entrées en réanimation. Par ailleurs, un pic de mortalité très net a été enregistré en mars et avril. L’Institut national de la statistique et des études économiques estime qu’il y a eu 27 300 morts « en trop » sur la période du 10 mars au 8 mai par rapport à la moyenne des années précédentes.
S’il n’est pas nouveau que des hôpitaux soient surchargés en fin d’année, l’épidémie due au coronavirus pourrait, faute de réaction suffisante, les déborder dans des proportions bien plus grandes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire