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lundi 29 juillet 2019

Affaire Benalla : dans le téléphone « perdu », des messages comme « Tous des cons Alexandre sois zen et fort » le 29.07.2019



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Affaire Benalla : dans le téléphone « perdu », des messages comme « Tous des cons Alexandre sois zen et fort »


L’ex-chargé de mission disait l’avoir égaré... les enquêteurs ont retrouvé plusieurs messages échangés avec l’Elysée, tous supprimés.

Par  et   Publié aujourd’hui à 10h02, mis à jour à 19h39
« Monsieur le Président, hier après-midi j’ai été invité par la Préfecture de Police à observer de l’intérieur la manifestation du 1er-Mai, j’ai donc été équipé d’un casque et intégré à une équipe de policiers en civil et accompagné par un major de police. En fin d’après-midi nous nous sommes retrouvés place de la Contrescarpe, où la situation a plus que dégénéré, je ne me suis alors pas cantonné à mon rôle d’observateur (…) La scène assez violente a été filmée et même si on ne m’identifie pas très nettement je suis reconnaissable. Cette vidéo tourne actuellement sur les réseaux sociaux. Alexandre. »
Ce message, Alexandre Benalla dit l’avoir adressé via Telegram à Emmanuel Macron dans la nuit du 1er au 2 mai 2018, soit quelques heures après l’épisode de la Contrescarpe. Le jeune chargé de mission l’a ensuite transféré, peu après 9 heures du matin, à Alexis Kohler. Discrètement entendu par l’Inspection générale de la police (IGPN), les 17 et 18 avril 2019 (Patrick Strzoda l’a été en mars), le secrétaire général de l’Elysée a montré aux enquêteurs le numéro de téléphone expéditeur du message. Il s’agit du « 06 » de M. Benalla, mais pas n’importe lequel : celui correspondant à son fameux portable « personnel » – un appareil resté à ce jour introuvable.

Lire notre enquête : Benalla, une zone d’ombre dans les comptes de campagne de Macron

« Je l’ai perdu (…). Je ne l’ai plus (…). Je ne souhaite pas donner d’éléments sur ce téléphone », répétait M. Benalla lors de sa première garde à vue, le 21 juillet 2018. Il s’était présenté aux policiers de la brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP) avec son seul téléphone professionnel. (…) Les données de son autre portable, le personnel, auraient été conservées « sur une clé USB », ajoutait-il le 5 octobre 2018, mais « il faut que je la trouve (…) dans mes affaires qui sont en Normandie ». Lors d’un nouvel interrogatoire, le 19 février 2019, l’ex-adjoint au chef de cabinet de l’Elysée expliquait que la clé « s’était perdue dans[ses] déménagements successifs ». Il remettait pourtant aux enquêteurs la copie imprimée du message transféré le 2 mai à M. Kohler.
Aidés par le témoignage de ce dernier et les réquisitions adressées par les juges à l’opérateur téléphonique, les enquêteurs ont retrouvé la trace du téléphone. Et découvert que le 22 juillet 2018, à l’issue de la première garde à vue de M. Benalla, le portable soi-disant « perdu » retrouve son activité et entre en correspondance à 22 h 01 avec le chef de cabinet de Brigitte Macron, Pierre-Olivier Costa. « L’assertion de M. Benalla, le 21 juillet 2018 : “Cet appareil, je l’ai perdu”, est fausse », concluent dès lors les enquêteurs.

« Un article va sortir »

« Je n’ai aucune explication sur la discrétion entretenue sur ce téléphone », répond M. Kohler sur procès-verbal. L’examen détaillé de la ligne livre un début de réponse. On y découvre plusieurs messages de soutien de l’Elysée. Ainsi, celui – supprimé mais récupéré – reçu de Jean-Luc Minet, le commandant militaire en second de la présidence de la République, au lendemain des incidents du 1er-Mai :
  • « Tous des cons Alexandre sois zen et fort c’est le patron qui décide et à 30 000 kilomètres [Emmanuel Macron se trouve alors en voyage officiel en Australie] il ne décide rien te concernant », écrit Minet.
  • « Merci pour ton soutien », répond le chargé de mission, un brin rassuré, avant d’effacer soigneusement cet échange.
Pendant deux mois et demi, Alexandre Benalla guette la presse et les réseaux sociaux. Rien. « Profil bas ça va se calmer. Dans un mois on n’en parle plus… », écrit-il le 4 mai à son complice de la Contrescarpe Vincent Crase. Mais le 18 juillet dans l’après-midi, sur le même téléphone, Alexandre Benalla prévient le directeur général de la gendarmerie nationale, Richard Lizurey « Bonjour Richard, je tiens à t’informer qu’un article va sortir dans Le Monde sur le 1er-Mai. Amitiés. Alexandre. » Réponse du général : « Bjr Alexandre. Comme quoi les journalistes sont bien informés par nos amis… Amitié. Richard. »
Il est 17 h 26, l’information n’est pas encore mise en ligne, mais pour Benalla c’est déjà un complot : « Le Monde, ça traduit un certain état d’esprit… », écrit-il au DGGN. « Oui exactement », acquiesce le patron de la gendarmerie. Quatre messages supprimés, eux aussi.


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