Miniaturisés et isolés, les moteurs cachés dans des vélos de course sont devenus quasiment silencieux. Mais pas au point de faire taire la rumeur de l'utilisation de ces dispositifs de fraude technologique dans le peloton professionnel, rumeur relancée en cette intersaison cycliste par la publication d'un livre et par une enquête judiciaire.
Cette dernière, révélée par
Le Canard enchaîné dans son édition du 20 décembre et confirmée depuis au
Monde, est menée, au moins depuis l'été 2017, par des enquêteurs spécialisés dans les infractions financières, sous la direction du Parquet national financier. Faute d'inscription d'un délit spécifique dans la loi française pour la fraude technologique, qui n'est pas associée au dopage, les gendarmes vont donc devoir prouver qu'il y a eu, de la part des coureurs professionnels ciblés, escroquerie ou tentative d'escroquerie. Ces faits sont passibles de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende.
Si les soupçons de la justice française concernent des événements récents, deux hommes pensent que la propulsion motorisée des cyclistes sur les cols du Tour de France remonte au siècle dernier : l'inventeur hongrois Istvan Varjas et le journaliste français Philippe Brunel, ce dernier auteur d'un livre paru mercredi 10 janvier (
Rouler plus vite que la mort, Grasset, 198 pages, 18 euros) dans lequel il affirme explicitement soupçonner Lance Armstrong d'avoir été le premier utilisateur du système mis au point par M. Varjas.
Résurrection de Lance ArmstrongLa thèse : en septembre 1998, ce dernier, décrit comme aussi génial dans ses inventions que robuste sur un vélo, met au point un moteur discret, de la taille d'une clé USB, capable de fournir 140 watts pendant cinq minutes. Suffisant pour produire, en montagne, l'effort qui vous offre un Tour de France, pour peu que son propriétaire soit déjà doté de l'arsenal chimique en vogue à l'époque – EPO notamment –, comme c'était le cas de Lance Armstrong, depuis privé de ses sept victoires pour dopage.
A la fin de l'année 1998, poursuit Istvan Varjas, un ami le persuade de céder l'exclusivité de son invention à quelqu'un qu'il ne connaît pas, et qui lui versera 300 000 dollars puis, deux années plus tard, 2 millions de dollars (250 000 euros puis 1,7 million d'euros). Sept mois après la première transaction, Lance Armstrong connaît sa résurrection sur les routes du Tour de France.
En l'absence de preuves, le journaliste relève de troublantes concordances de dates entre les emplois du temps des deux hommes ; la façon métronomique de grimper de l'Américain, sans effort apparent ni rupture de rythme ; s'étonne de la géométrie d'un cadre Trek utilisé par Lance Armstrong, propice à dissimuler un moteur.
Mais Philippe Brunel, comme avant lui les journalistes de la chaîne américaine CBS, est contraint de s'en tenir là.
" Je n'ai recueilli qu'un faisceau de faits convergents. Rien qui épuise le mystère ", admet le journaliste.
Des policiers du FBI, qui ont longuement interrogé Istvan Varjas dans le cadre d'une enquête ouverte aux Etats-Unis, tentent encore de démêler le vrai du faux. Interrogé par
Le Monde, Lance Armstrong s'est contenté d'une pirouette :
" J'ai regardé mon calendrier, et nous ne sommes pas le 1er avril ! "
Clément Guillou
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire