Refuser les permissions de sortir,
c’est vouloir maintenir les personnes détenues en dehors de la société !
c’est vouloir maintenir les personnes détenues en dehors de la société !
A midi, les sirènes des syndicats de policiers vont hurler sous les fenêtres du ministère de la Justice et devant les palais de justice pour demander plus de moyens, une légitime défense de principe et dénoncer « une rupture » avec la justice, fantasme né du prétendu « laxisme » de la politique pénale.
Face à l’extrême violence exercée contre un policier dans l’exercice de ses fonctions le 5 octobre, l’émotion est légitime. Son instrumentalisation ne l’est pas, pas plus que l’empressement d’un gouvernement à répondre à l’emballement médiatique. Autant d’errements que l’on croyait révolus.
Les syndicats de policiers font le choix de la démonstration de force et prétendent répondre au malaise réel de leur profession en profitant de ce fait dramatique pour accuser la Justice, sa ministre de tutelle et ses acteurs.
C’est par un raccourci relevant de la manipulation qu’ils tentent d’attribuer à l’institution judiciaire la responsabilité du geste d’un individu. Cette récupération corporatiste incriminant une politique pénale laxiste et une justice hors des réalités ne résiste pas à l’analyse.
Parce qu’elle s’inscrit dans un processus de (re)socialisation, la permission de sortir, est une étape bien souvent indispensable dans le parcours d’une personne détenue. Elle permet d’effectuer une démarche administrative, une recherche d’emploi, de maintenir les liens familiaux ou tout simplement de réapprendre la vie dehors. Ces permissions de sortir sont strictement encadrées par la loi et font l’objet d’un examen individualisé par une instance collégiale : la Commission d’Application des Peines. Les débats qui s’y déroulent appréhendent de manière concrète la situation de la personne détenue, ses antécédents, son projet, les conditions dans lesquelles peuvent se dérouler la sortie. Le risque de non-réintégration, toujours irréductible, est évalué aussi finement que possible en fonction de tous ces éléments. Accuser le juge en surfant sur sa prétendue irresponsabilité relève de la manœuvre : la responsabilité du juge est d’appliquer la loi, d’examiner la situation dans son intégralité, en pesant les variables qu’il maîtrise sans pouvoir prédire ce que nul ne peut savoir.
Depuis 2010, le nombre des permissions de sortie ne cesse de baisser pour atteindre le chiffre historiquement bas de 48 481 en 2014 (contre 62 266 en 2010) alors que le nombre de personnes détenues, a, quant lui fortement augmenté (+ 9 % entre les 1er janvier 2010 et 2015). Ces chiffres en disent long sur un contexte de mises en cause répétées de la justice qui tarit les aménagements, mais aussi sur des orientations politiques qui persistent à faire de l’emprisonnement la référence principale. Au contraire, il est urgent de rappeler que l’accompagnement et le travail de réinsertion, notamment par le biais des aménagements de peine et des permissions de sortir, permettent de lutter contre la récidive et ainsi d’assurer la protection de la société.
Sur l’ensemble des permissions de sortir accordées chaque année c’est à peine 0,5 % des personnes qui ne réintègrent pas, à l’heure, leur établissement, dans des circonstances bien différentes de cette cavale dramatique.
A en croire certains, il faudrait donc généraliser les escortes ou priver presque 50 000 personnes condamnées du droit à bénéficier d’une permission de sortir et d’envisager un avenir en dehors de la prison ? Refuser de préparer la réinsertion des personnes condamnées pour faire de la prison une peine d’élimination sociale est une erreur.
Nous syndicats de professionnels de la Justice et associations appelons à résister à l’appel des sirènes et à réaffirmer, dans un système pénal, la nécessité des mesures d’individualisation des peines qui assurent le retour progressif des personnes détenues dans la société, dans l’intérêt de tous.
Paris, le 14 octobre 2015
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