Inceste et violences sexuelles : les premières propositions attendues de la Ciivise
Sept mois après sa mise en place et un mois après le lancement de la plateforme téléphonique destinée à recueillir les témoignages de victimes d’inceste, la Ciivise, Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, a rendu ses premières conclusions sous la forme de trois recommandations :
Assurer la sécurité de l’enfant dès les premières révélations
Recommandation 1 : Prévoir la suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement du parent poursuivi pour viol ou agression sexuelle incestueuse contre son enfant. »
Une préconisation qui semble frappée au coin du bon sens et qui pourtant est loin d’être une pratique courante dans nos tribunaux. Car au nom de la présomption d’innocence, un élémentaire principe de précaution, mettre l’enfant à l’abri de l’abuseur présumé, en attendant que la justice ait diligenté son enquête et statué sur les accusations de viols ou d’agressions sexuelles, est battu en brèche. La Ciivise relève qu’un tiers du très grand nombre d’appels ou de mails reçus depuis le début de ses travaux sont des appels à l’aide d’un parent protecteur, très majoritairement des mères, qui se retrouve contraint par la justice de confier l’enfant au parent accusé, qui a vu son enfant placé suite à une plainte devant la justice pénale ou pire, qui a perdu son droit de garde au profit de l’agresseur présumé. La parole des enfants violés se libère fréquemment quand les parents sont séparés et la justice tend à soupçonner les mères de manipuler leur progéniture pour accabler leur ex conjoint. Or, souligne la Ciivise, « Non seulement les fausses dénonciations sont extrêmement marginales, mais surtout il n’est plus à prouver que les violences sexuelles faites aux enfants font l’objet d’une sous-révélation massive […]. Pourtant, le réflexe reste celui-ci : « attention, c’est peut-être un mensonge, une manipulation. ». La commission déplore donc que « La suspicion systématique des professionnels à l’égard des mères qui dénoncent des violences sexuelles commises sur leur enfant » soit « un obstacle majeur au repérage et à la protection des enfants victimes de violences sexuelles. »
La Ciivise estime que, chaque année, 22000 enfants sont « victimes de violences sexuelles commises par le père » et relève qu’en 2020, « seules 1 697 personnes ont été poursuivies pour viol incestueux sur mineur ou pour agression sexuelle sur mineur, quel que soit le lien de parenté avec la victime », et qu’en 2018, seules 760 personnes ont été condamnées pour ces faits. La commission se demande donc « où sont les 22 000 enfants victimes ».
Voir aussi : La Commission Inceste recommande de suspendre le droit de visite au premier soupçon (AFP)
Et elle enfonce le clou : « Croire l’enfant, c’est avant tout un principe de précaution. »
La commission souligne aussi « ce déni de la réalité des violences sexuelles faites aux enfants » par la justice met les mères dans une position impossible, puisque l’injonction judiciaire de confier l’enfant à un père présumé dangereux, et que ce dernier ne veut pas voir, s’oppose au devoir de protection et de bon soin incombant à tout bon parent.
Ne pouvant se résoudre à confier leurs petits à la personne suspectée de les avoir violés ou agressés sexuellement, de nombreuses mamans se retrouvent donc poursuivis, condamnées et parfois incarcérées pour non-représentation d’enfants.
La Ciivise déplore que cet état de faits fasse la part belle à la stratégie des agresseurs qui, d’après les professionnels de la commission est toujours la même : « isoler sa proie, créer un climat de peur, passer à l’acte, inverser la culpabilité, imposer le silence, rechercher des alliés et assurer son impunité ». Et de citer des exemples de menaces proférées par des violeurs présumés : « si tu portes plainte, tu ne reverras plus ta fille » ou « Si tu parles, on va te retirer les enfants. C’est toi qui iras en prison. »
La Ciivise argumente donc que « Pour protéger les victimes et faire reculer l’impunité des agresseurs, il faut à la fois une législation et des pratiques professionnelles protectrices. Car le risque que courent la société et les professionnels n’est pas d’inventer des violences, mais de laisser passer des enfants victimes sous leurs yeux sans les protéger. »
Ce qui l’amène à une deuxième recommandation :
Assurer la sécurité du parent protecteur
Recommandation 2 : Suspendre les poursuites pénales pour non-représentation d’enfants contre un parent lorsqu’une enquête est en cours contre l’autre parent pour violences sexuelles incestueuses. Assurer la sécurité durable du parent protecteur et de l’enfant
Enfin, l’autorité parentale étant « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant (article 371-1 du Code civil), c’est-à-dire sa protection et la prise en compte de ses besoins fondamentaux », et les violences sexuelles incestueuses étant « à l’évidence une transgression gravissime de l’autorité parentale », la Ciivise est amenée à une troisième préconisation :
Assurer la sécurité du parent protecteur et de l’enfant
Recommandation 3 : Prévoir, dans la loi, le retrait systématique de l’autorité parentale en cas de condamnation d’un parent pour violences sexuelles incestueuses contre son enfant.
La commission insiste sur le fait qu’il est « impératif de tirer les conséquences civiles de la condamnation pénale » et que « lorsqu’un parent est déclaré coupable de violences sexuelles incestueuses sur son enfant, il est établi qu’il ne respecte pas les devoirs attachés à l’autorité parentale. »
Auteur(s): Laurence Beneux, journaliste pour FranceSoir
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