Clément Viktorovitch est politologue et pour lui, la rhétorique, c'est pas seulement l'art de convaincre, c'est aussi l'art du karaté : il faut rendre coup pour coup à son adversaire, le percuter avec ses arguments jusqu'à ce qu'il se soumette. Il en parle dans son livre Le Pouvoir rhétorique et on lui a demandé quelques conseils pour convaincre. 1. Pendant un dîner de famille Clément Viktorovitch : C'est une situation dans laquelle on ne veut pas se fâcher avec les personnes qui nous entourent. Je conseille d'essayer de minimiser le désaccord par un truc tout bête : "Là-dessus, tu as raison. Je suis d'accord avec toi." Avec ce petit procédé, on peut minimiser les conflits et éviter qu'à Noël, notre oncle devienne un adversaire plutôt qu'un interlocuteur. Par ailleurs, c'est quelque chose qu'on retrouve en politique. Ça permet de montrer une apparence d'ouverture. 2. Pendant un rendez-vous galant Clément Viktorovitch : Ici, l'enjeu est de mettre en avant la meilleure image possible. En rhétorique, on sait que les mots prononcés produisent un effet indépendant de la phrase dans laquelle ils sont placés. C'est ce qu'on appelle la fonction proférentielle du langage. Par exemple, si je dis à la personne avec qui j'espère conclure "Je ne suis pas quelqu'un d'égoïste" ou "Je ne trompe jamais la personne avec qui je suis", les deux mots qu'elle aura à l'esprit, c'est "égoïste" et "tromper". Il faut donc se méfier des phrases négatives et tourner ce qu'on dit en positif. Par exemple, "J'essaie toujours de faire attention aux autres." Ce conseil peut être déployé au quotidien : plutôt que "Ne stresse pas", dites "Rassure-toi". 3. Pendant une négociation salariale Clément Viktorovitch : Ici, l'un des points cruciaux, c'est doser la modalisation, l'ensemble des mots avec lesquels on marque la certitude ou l'incertitude. Si je dis à mon patron "Je pense que j'ai fait une excellente année, de combien comptez-vous m’augmenter ?", il va se braquer. Mais si ma pression n'est pas assez importante, elle ne lèvera pas ses réticences. Si je dis : "Je pense que j'ai pas trop mal travaillé cette année, je me demandais si éventuellement on pouvait évoquer une petite augmentation de salaire", c'est beaucoup trop facile de répondre non. Il faut lever les réticences sans susciter de résistance : "Je pense que j'ai fait une bonne année, pouvons-nous envisager une augmentation ?" Ça veut pas dire qu'on va répondre oui, mais ça minimise les chances qu'on réponde non. 4. Pendant une présentation en public Clément Viktorovitch : On a souvent tendance à rentrer dans nos discours avec une approche descriptive : "Bonjour, je vais vous parler de rhétorique et expliquer pourquoi c'est important". Je n'ai même pas fini mon introduction et tout le monde est déjà endormi. En rhétorique, on conseille plutôt de commencer avec une accroche "ex abrupto", l'accroche la plus abrupte possible. On peut utiliser une anecdote : "J'aimerais l'histoire d'un petit garçon qui avait peur de prendre la parole jusqu’à ce qu'il décide d’apprendre la rhétorique. Ce petit garçon, c'est moi et aujourd'hui, j'aimerais vous transmettre ce que j’ai appris." C'est cliché, c'est des grosses ficelles, mais parfois, il vaut mieux des grosses ficelles que pas de ficelle du tout. |
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