« Il fait une chaleur à crever, et il n’y a pas de flotte. 一 Ça, je le sais, figurez-vous !
一 Non, vous n’avez pas idée, monsieur Fuller. Quand je dis “il fait une chaleur à crever”, ce n’est pas une métaphore. Les gens crèvent réellement. »
Ce petit dialogue est extrait du roman « Aqua™ » de l’écrivain Jean-Marc Ligny,
figure de la « cli-fi » (pour climate-fiction). Il résume un espoir : que les images du dôme de chaleur au Canada (et celles de la famine à Madagascar) dissipent enfin notre dissonance cognitive.
Chaque année apporte sa déclinaison saisonnière de la catastrophe climatique : incendies si intenses qu’ils créent des phénomènes inconnus, canicules si violentes que les météorologues manquent d’outils d’analyse, ouragans si nombreux qu’on ne sait plus les nommer… Malgré les « COP », les « conventions citoyennes », les « grands plans de ceci » et les « objectifs de cela », la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère continue de s’élever. Elle était de 354 ppm en 1990. Elle dépasse aujourd’hui les 410 ppm. Peut-être cette mesure sera-t-elle demain une façon de nous situer dans le temps, comme l’est aujourd’hui la naissance du Christ.
Et pourtant, nous continuons à nous réjouir du « retour de la consommation », érigé en quasi-devoir civique. Nous savons qu’un réchauffement climatique est en cours, nous savons qu’il est directement lié à notre mode de vie, mais nous ne croyons pas ce que nous savons.
Depuis des années, des penseurs dits « décroissants » soulignent que la « croissance verte » est un pari risqué. Pour fabriquer des trucs, il faut de la matière et de l’énergie et pour fabriquer beaucoup de trucs, il faut beaucoup de matière et d’énergie (même quand ces services sont dits « dématérialisés »). Puisque cette énergie demeure très largement fossile, nous ne couperons pas à une réduction des flux de matière et d’énergie, ce qui peut ne jamais arriver si nous gardons le PIB pour boussole.
Cet horizon de la sobriété commence à se répandre dans l’opinion publique, mais étrangement, ce sont d’autres veines de pensée qui captent l’attention : la collapsologie et le jancovicisme. A l’étranger, en revanche, le
degrowth suscite un regain d’intérêt, y compris académique. C’est une enquête sur ce mouvement que
vous pouvez lire cette semaine dans « l’Obs ».
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