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A l'approche du sommet du G7, Biarritz face à la tentation du "bunker"
Au total, 24 délégations étrangères (G7 et pays invités) sont attendues dans la ville basque de 25 000 habitants, du 24 au 26 août. Alors que les préparatifs se poursuivent, certains riverains et professionnels sont inquiets.
Située dans la zone rouge dite de "protection renforcée", la promenade de la grande plage de Biarritz (Pyrénées-Atlantiques) sera fermée au public pendant le sommet du G7. (PHILIPPE ROY / AFP)
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Biarritz va-t-elle ressembler à un vaste bunker pendant le G7 ? A l'approche du sommet, prévu du 24 au 26 août, la cité balnéaire continue ses préparatifs pour accueillir les sept dirigeants des pays les plus riches de la planète, leurs délégations, les forces de l'ordre et la presse. "Le président m'a dit : 'je vais faire le G7 chez toi'. Je n'allais pas organiser un forum pour savoir si on était d'accord ou pas !", résume le maire MoDem de la ville, Michel Veunac, après une nouvelle réunion avec les services de l'Elysée. "Une offre comme celle-là est une chance formidable. Je suis très fier d'accueillir le G7".
L'organisation de cet événement crée pourtant des remous sur le littoral basque, a fortiori en pleine saison touristique. "Nous avons été mis devant le fait accompli", dénonce l'élu d'opposition François Amigorena, qui rappelle que le tourisme fait vivre "50 % des habitants". Selon lui, la tenue du sommet a conduit "beaucoup de gens à modifier leurs projets de vacances sur la côte basque" et les conséquences économiques doivent être calculées bien au-delà des quatre jours du G7.
Un centre-ville inaccessible au public
Pour les besoins du sommet, le centre-ville sera en effet sanctuarisé autour de la mairie, du centre de congrès de Bellevue, des grands hôtels, du casino ou encore de l'hôtel du Palais, un palace presque entièrement rénové. Propriété de la ville, cet établissement construit sur la volonté de Napoléon III a déjà bénéficié de deux tranches de travaux avant l'été. Il accueillera les sept principales délégations avant d'être à nouveau fermé pour travaux le mois prochain. Sa réouverture définitive est prévue au printemps 2020.
Dans ce secteur, le quotidien devrait virer au casse-tête pour les résidents et les professionnels. A compter de la soirée du 23 août, ils devront circuler uniquement à pied dans la zone rouge, non sans avoir présenté un badge (Z1) et une pièce d'identité. L'accès à la grande plage, lui, sera tout bonnement interdit. La zone bleue, elle, sera réservée aux détenteurs d'un badge Z2 et seuls les véhicules équipés d'un macaron pourront circuler. Les parkings souterrains seront vidés, ce qui risque d'entraîner une joyeuse confusion dans les rues de cette station déjà réputée pour ses difficultés de circulation.
Les habitants et les professionnels ont jusqu'au 14 août pour faire leur demande. La distribution des précieux sésames a débuté, jeudi 1er août, avec 1 600 badges et plus de 950 macarons délivrés lors de cette première journée. Mais ces démarches agacent certains. "Les Biarrots ont le sentiment d'avoir été sacrifiés pour la venue de seigneurs féodaux", fulmine Jean-Yves Viollier, qui dit être reparti bredouille après avoir patienté de longues minutes. Ce Biarrot réside dans "le cœur du réacteur", entre le casino Bellevue et les galeries Lafayette, et s'attend à une situation infernale à l'approche du sommet. "Il faudra sortir de la zone rouge pour avoir une chance de mener une vie normale."
Les riverains inquiets
Le transport sera forcément affecté pendant la durée du sommet. L'aéroport de Biarritz sera entièrement consacré aux délégations officielles. Les gares de Biarritz, Bayonne, Guéthary, Boucau et des Deux-Jumeaux fermeront leurs portes et le trafic routier sera chamboulé dans la ville, avec la transformation de l'A63 en boulevard urbain et des restrictions pour les poids lourds. Il est également demandé aux automobilistes en transit de reporter leur trajet pour éviter le G7. En ville, les habitants des zones rouge et bleue risquent fort de s'arracher les cheveux. Le nombre de checkpoints n'a pas encore été défini mais il en faudra "un nombre suffisant pour que ça reste fluide", concède Hervé Jonathan, sous-préfet de Bayonne.
Des vans noirs américains ont été aperçus dans le centre-ville, mais il est encore trop tôt pour mesurer la transformation de Biarritz, bientôt recouverte de milliers de barrières métalliques. Les conteneurs à déchets, eux seront fermés dans toute la zone rouge. "C'est vrai, il y aura des contraintes pendant quatre jours", concède le maire Michel Veunac, qui dit avoir participé à une trentaine de réunions pour répondre aux questions des uns et des autres. L'élu dément par exemple une supposée consigne préfectorale qui intimerait l'ordre aux résidents de fermer leurs volets pendant le sommet. Une information également démentie par la préfecture.
J'ai même entendu des rumeurs affirmant que Donald Trump arriverait en porte-avions au large de la grande plage ! Avec le préfet, nous nous employons à rassurer les habitants.à franceinfo
Des conséquences pour les acteurs économiques
"Le préfet et le sous-préfet nous ont dit de limiter notre activité au nécessaire", explique toutefois Béatrice Chevé-Audouin, gérante de la société de services à la personne Apef. Il a donc fallu faire des choix : exit le ménage, la garde d'enfants ou le jardinage. Au total, 36 des 40 salariés ont été invités à prendre des congés le temps du sommet. Les rares salariés inscrits au planning concentreront leurs efforts sur les personnes âgées dépendantes. En raison du temps de trajet, du passage de checkpoints et du stationnement, ils assureront un "service minimum" alors que leurs patients, parfois atteints d'Alzheimer, ont besoin d'un accompagnement quotidien.
On va peut-être devoir coucher des personnes à 15 heures. On ne va pas les maltraiter mais on va mal les traiter.à franceinfo
Si les hôteliers devraient afficher complet, de nombreux commerçants ont le sentiment d'être mis de côté. "Mon taux de réservation a chuté de 60% sur les deux dernières semaines d'août", résume le patron d'une école de surf pourtant située à l'extérieur des secteurs sécurisés. "Ce n'est même pas un problème de zone : tous les hôtels sont monopolisés par les forces de l'ordre. Des clients habituels m'ont dit qu'ils ne viendraient pas car ils ne pourraient même pas aller dîner." Les sept employés pourraient eux aussi être invités à prendre des congés.
Des dispositifs existent déjà pour pallier d'éventuelles pertes financières. Mais à Biarritz, un expert comptable a été spécialement nommé pour examiner les liasses fiscales des trois derniers exercices et ouvrir droit à d'éventuels remboursements. "Les modalités pratiques n'ont pas encore été fixées", regrette l'élu d'opposition François Amigorena. Le maire Michel Veunac assure à franceinfo qu'il étudiera lui aussi les éventuels conséquences négatives du sommet. "Les collectivités peuvent aussi soulager fiscalement les entreprises ou prononcer des mesures compensatoires".
Certains professionnels ne partagent pas les inquiétudes des commerçants lésés et misent au contraire sur de possibles retombées médiatiques pour l'économie locale. "Il est important de montrer la côte basque", assure Serge Istèque, président de l'office de commerce et d'artisanat de la ville. On va être le centre du monde et il faut jouer le jeu." Le sous-préfet Hervé Jonathan assure qu'il ne s'agira pas d'un "G7 hors sol" et que le sommet sera "enraciné dans le territoire" pour accroître la notoriété internationale de la région. Une quarantaine de journalistes étrangers (Brésil, Allemagne, pays arabes...) ont déjà participé à des voyages de presse.
Le maintien de l'ordre et la justice en version XXL
Reste qu'un tel événement est à haut risque. "C'est tout le Pays basque qui doit être sécurisé et même toute la France", a ainsi estimé le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, lors de repérages début juillet. Le détail des effectifs n'est pas communiqué par la place Beauvau, mais plus de 3 000 agents seront mobilisés rien que pour la sécurité publique, affirme Daniel Domengé, secrétaire départemental du syndicat de police Alliance. Un nombre auquel il faut ajouter des milliers de personnels mobiles et des unités spécialisées (BRI, équipes cynophiles...), avec même un renfort de l'armée et des services de sécurité étrangers (un millier d'agents pour les Etats-Unis).
Pour répondre à ces besoins en hommes, des équipes de toute la France sont attendues et trois matchs de Ligue 1 ont même été reportés à Lille, Montpellier et Nice. Des policiers de Pau travailleront en 3x8 et prendront le bus pour se rendre à Bayonne et à Biarritz faute d'hébergement sur place, explique France Bleu Béarn. Pour autant, aucun logement n'a été réquisitionné pour accueillir les forces de l'ordre lors du G7, insiste le sous-préfet Hervé Jonathan. Ces dernières sont hébergées dans le cadre d'accords commerciaux.
Les hébergements font partie d'un cadre commercial avec l'accord des gérants d'établissement, dans les hôtels et les campings.à franceinfo
Fêtes de Bayonne, étape du Tour avec Emmanuel Macron, fêtes de Dax et Mont-de-Marsan... "Les effectifs ont déjà été très sollicités" dans la région, poursuit Daniel Domengé, qui évoque la menace terroriste et la présence de black blocs en périphérie : "on s'attend à de violents affrontements ; nous savons qu'ils veulent un match retour du G20 de Hambourg en 2017." La présence éventuelle de "gilets jaunes" et d'indépendantistes basques sera également prise en compte par les autorités, tout comme l'organisation d'un contre-sommet du G7 à Hendaye, Urrugne et Irun, du 19 au 26 août.
Le dispositif judiciaire sera lui aussi sérieusement dopé. Le centre de rétention d'Hendaye, notamment, sera fermé et vidé de ses occupants pour être transformé en local de garde à vue. A Bayonne, des préfabriqués ont déjà été installés devant le palais de justice pour accueillir d'éventuels prévenus avant leur comparution immédiate. "Le tribunal dispose [bien] de quelques geôles à cet effet, mais en cas d'affluence l'espace serait insuffisant", a justifié le procureur de la République à Libération. Pendant que les autorités anticipent le pire, les habitants, eux, doivent se contenter de croiser les doigts.
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