Il y a mille manières de prendre un coup de vieux. Le miroir suffit souvent : les cheveux blancs, l’affaissement des tissus et des muscles, si tant est qu’ils aient été un jour fermes, les rides, évidemment. Nos enfants, aussi, sont redoutables dans cet exercice : une remarque, ou même un simple coup d’œil, sur vos sneakers « old » de quelques années, votre jean usé ou votre vieux pull pourtant si confortables ; leur ébahissement face à votre méconnaissance de leurs goûts musicaux, ou du temps que vous mettez à jeter un œil sur leur dernier choix sur Netflix (alors qu’ils n’ont pas trouvé une minute pour s’intéresser à vos propres recommandations). Il y a mille manières de sentir les effets du temps, mais celle-là je ne l’avais pas vu venir. Dans cette période supposée charnière de l’année scolaire, fleurissent de nombreux salons consacrés à l’orientation post-Bac. Direction la grande halle de la Villette, un samedi sombre et pluvieux de janvier. Sous une lumière blafarde s’alignent une cinquantaine de stands, écoles privées, universités, classes préparatoires attendent (et parfois alpaguent) le chaland en quête d’informations, voire de révélations, sur son avenir. Nous sommes plantés à l’entrée. Par où commencer ? A gauche se tient une conférence sur Parcoursup, mais ma fille étant encore une première, cela nous semble un peu prématuré, et puis le son est très mauvais, on n’entend presque rien. En face se dresse le stand de la Sorbonne-Nouvelle. Très bien, une université propose un éventail de formations assez large pour y voir un peu plus clair. Ma fille hoche la tête, même si derrière son masque je ne parviens pas à deviner son niveau d’entrain. Bref, on se place dans une file d’attente, heureusement pas trop longue. « Dingue, c’est Aidouush ! », s’exclame subitement ma fille en désignant une étudiante de la Sorbonne qui, au guichet à côté du nôtre, conseille des lycéennes. « Qui ça ? » « C’est une Tiktokeuse, elle a presque 500 000 abonnés ! » Je sais, bien sûr, ce qu’est Tiktok, son influence croissante, jusqu’à devenir le premier réseau social au monde. Mais je n’aurais jamais imaginé qu’une de ses figures puisse un jour conseiller ma fille sur sa vie d’étudiante. Nous sommes restés dans notre file, pas persuadés qu’Aïda nous éclaire mieux, ou moins bien, qu’une autre étudiante. C’est alors que je me suis dit que j’avais pris un – nouveau – coup de vieux. |
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