Au Medef, Fillon séduit, Sarkozy déçoit
LE MONDE | | Par Sarah Belouezzane et Patrick Roger
François Fillon et Pierre Gattaz, lors de l’université d’été du Medef, à Jouy-en-Josas (Yvelines), le 30 août. OLIVIER LABAN-MATTEI / MYOP POUR LE MONDE
Défilé de personnalités politiques sur le podium du Medef à l’occasion de l’université d’été de l’organisation patronale, qui s’est tenue comme chaque année sur le campus de HEC, à Jouy-en-Josas (Yvelines). A huit mois de l’élection présidentielle, les patrons voulaient savoir ce que les principaux candidats à la primaire à droite – François Fillon, Bruno Le Maire, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, dans l’ordre d’apparition – avaient à leur proposer ; les autres invités à ces « plénières politiques » faussement pluralistes n’étant là que pour servir de faire-valoir, voire d’exutoires.
Pour ce faire, les organisateurs avaient prévu un exercice calibré et chronométré, ponctué par un coup de gong en cas de dépassement de temps, auquel tous les prétendants se sont astreints. Tous, sauf un… Arrivé en retard, Nicolas Sarkozy s’est, lui, emparé d’autorité du pupitre pour dérouler son programme sans limitation de durée, avant de prendre tout le temps qu’il jugeait nécessaire pour répondre aux questions qui lui étaient adressées. Ni chronomètre ni gong, un traitement privilégié surprenant. « Ce n’était pas prévu, assure un membre du Medef. Ses équipes sont allées directement en régie et ont fait supprimer le chronomètre. » « Sarkozy a imposé son fonctionnement. Il est quand même ancien président de la République », justifie Eric Woerth, le secrétaire général de LR. « Il y a aussi deux anciens premiers ministres », lui fait-on remarquer. « Président de la République, c’est plus que premier ministre… »
C’était justement ce qui rendait l’exercice compliqué, puisque trois des quatre candidats ont déjà exercé les plus hautes responsabilités de l’Etat. Comment convaincre des interlocuteurs patronaux échaudés qu’ils feraient demain ce qu’ils n’ont pas fait avant ? A cette aune-là, c’est à l’encontre de M. Sarkozy, malgré un panier garni de propositions répondant pour la plupart aux attentes des chefs d’entreprise, que la rancœur semble la plus persistante.
« Avec Sarkozy, c’est fini »
Chez les patrons, malgré la véhémence du ton, l’ancien président de la République et candidat battu en 2012 ne séduit plus. Quelques huées se sont même fait entendre à la fin de son show. « Il a plutôt l’air d’être dans le populisme que dans le discours économique », commente un chef d’une petite entreprise. « Il n’avait pas l’air d’avoir très envie, il ne savait pas jouer de la connivence qu’il peut avoir habituellement avec un public », remarque un autre. « Avec Sarkozy, c’est fini. On a déjà vu ce que ça donnait pendant cinq ans et on en est tous revenus », tranche un membre du bureau exécutif du Medef. « Sarko, c’est clap de fin chez les patrons », lance, lapidaire, un autre. La curiosité reste, la flamme s’est éteinte.
Paradoxalement, celui qui a été son premier ministre pendant cinq ans parvient mieux à gommer ce passif récent. M. Fillon semble avoir réussi à faire passer l’idée que, s’il n’a pas pu aller aussi loin qu’il le souhaitait, c’est parce qu’il en a été empêché, sous-entendu par celui qui était au-dessus de lui et le considérait comme un « collaborateur ». Son corpus programmatique est bâti autour d’un thème central : « liberté, liberté totale pour les entreprises », notamment en matière de durée mais aussi de droit du travail. M. Fillon se félicite d’avoir « ouvert une brèche avec les autoentrepreneurs », il veut à présent créer « un statut de salarié indépendant ».
A l’applaudimètre, c’est lui qui l’emporte. « Fillon est celui qui a le programme économique le mieux construit et le plus abouti », juge ce patron d’une grande fédération même s’il considère qu’« aucun candidat ne coche toutes les cases ». Même sentiment chez Hervé Allart de Hees, fondateur de la PME Delta Process : « Le programme économique le plus sensé, celui qui nous ressemble le plus, est celui de François Fillon. Il a pris conscience qu’il fallait libérer l’économie de ses carcans afin de lui permettre de prospérer. » Plusieurs chefs d’entreprise présents à l’université d’été du Medef confessent avoir été approchés pour donner leur avis sur la manière de conduire les affaires économiques en cas d’alternance politique en 2017, et de victoire de M. Fillon. Certains émettent toutefois des réserves. « Fillon sera-t-il l’homme de la situation ? Va-t-il réussir à mener à bien ses propositions ? », s’interroge M. Allart de Hees, rappelant qu’« il a été pendant cinq ans le premier ministre de Nicolas Sarkozy ». La mémoire en conserve quand même quelques traces.
« Un niveau au-dessus »
Le passage de M. Le Maire, juste avant M. Sarkozy, a également été salué. Un préambule habile, soulignant le conservatisme de la « classe politique », « le dernier village d’irréductibles qui ne change jamais ». Succès garanti. Et une critique en creux de ceux qui ont déjà exercé le pouvoir et revendiquent de l’exercer à nouveau : « Nous avons tellement promis et nous avons tellement déçu. Et plus nous radicalisons nos propositions, plus nous risquons de décevoir. » Le tout assorti de quelques propositions innovantes, d’autres qui répondent à des attentes exprimées par les chefs d’entreprise. Les commentaires recueillis à la sortie saluent « une excellente prestation ». « J’ai trouvé Le Maire un niveau au-dessus, commente un participant. Il était détendu et, bien qu’il ait un parcours éloigné du monde de l’entreprise, il a su se montrer proche des gens présents. »
Dernier à intervenir, M. Juppé joue la carte de l’humilité et de la bonhomie, reconnaît avoir fait des « conneries », fait acte de contrition sur l’ISF. Le ton séduit et il semble jouir d’une certaine aura auprès de l’assistance. Pour autant, certains lui reprochent d’être un « haut fonctionnaire », « un technocrate qui va privilégier le statu quo et avec lequel pas grand-chose n’évoluera », selon un haut responsable de l’organisation patronale. « Finalement, à ce stade tous les programmes se ressemblent, conclut un président de fédération du Medef. La question, c’est plutôt qui va être capable de le mettre en œuvre et, là, personne ne sort du lot. »
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