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LE MAGISTERE CATHOLIQUE ET L’ESCLAVAGE En latin, « magister » est celui qui enseigne. Ainsi, le Magistère de l’Eglise catholique désigne l’autorité, sur les plans de la morale et de la foi, du pape et des évêques sur les fidèles. Aujourd’hui, l’interdiction de l’esclavage et du commerce des êtres humains est intégrée dans la Doctrine sociale de l’Eglise et s’est alignée sur la Déclaration universelle des droits de l’homme. Mais cela s’est fait très, très progressivement, sans hâte aucune. Selon les Evangiles de Luc, Marc et Matthieu, le Seigneur a tenu ce propos « Rendez à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu ». Considérant la première partie de la locution, ne peut-on pas l’interpréter, par exemple, comme une injection à rendre à son maître l’esclave fugitif ? Si tel est le cas, le Christ ne condamnait pas l’esclavage. Les évangiles font d’ailleurs rarement allusion à l’esclavage et remplacent pudiquement le mot esclave par « serviteur », ce qui paraît moins brutal et fait référence à un état de subordination. Paul ne tourne pas autour du pot et prêche aux esclaves la permanence de leur état, donc la résignation. « L’épître à Philémon ou Paul et l’esclavage » est significative. Onésime, esclave évadé, est converti par Paul. Ce dernier renvoie le fugitif à son maître Philémon. Certes, Paul intercède en faveur d’Onésime, mais jamais il n’évoque l’ombre d’une demande de mise en liberté. L’esclavage est chose normale, un point c’est tout ! Dans le Nouveau Testament et les épîtres de Paul, on rechercherait en vain une condamnation de l’esclavage. Le monde antique repose là-dessus et ce serait scandale que de vouloir affaiblir ce support « Malheur à celui par qui le scandale arrive ». Les révoltes des esclaves de jadis, dont celle de Spartacus, ne sont probablement pas la tasse de thé des fondateurs de l’Eglise. Le baptême rend libre, mais le statut social ne change pas. Il faut donc s’accommoder de cela. Après tout, hommes libres comme esclaves sont esclaves du Christ, dés lors qu’ils ont été appelés. On recense près de 70 Pères et docteurs de l’Eglise. Certains d’entre eux ont essayé de réfléchir sur les causes de l’esclavage et n’ont pas été plus loin que la conséquence logique des péchés des hommes. Le brave saint Augustin fait allègrement l’amalgame entre les esclaves de leurs passions et les esclaves tout court, le dénominateur commun étant le péché originel ! Il a fallu attendre les conciles des VIème et VIIème siècles pour que soit formulée une opposition au droit de vie ou de mort des maîtres sur leurs esclaves. Ce pouvoir subsistait alors dans le droit germanique. L’Eglise accorde asile à l’esclave en fuite. Elle ne le rend à son maître que sous promesse de ne pas le tuer. Les mutilations sont-elles interdites ? Les conciles ne légifèrent ni contre l’institution, ni contre le droit de propriété. Et pour cause, les prélats possèdent leurs propres esclaves. L’affranchissement est considéré comme un acte pieux. Voilà un domaine où l’Eglise pourrait montrer l’exemple… Et le point de vue de l’Eglise a végété ainsi, pendant des siècles et des siècles. Une Eglise amplement satisfaite que les esclaves soient devenus des serfs. Mais, coup de tonnerre en 1435, avec la bulle « Sicut dudum » du pape Eugène IV. Cette encyclique condamne sans ambiguïté l’esclavage dont sont victimes les Guanches, indigènes des îles Canaries. Même si ces derniers ne sont pas baptisés, le pape fulmine contre les mauvais traitements qui leur sont infligés et contre ceux qui les ont capturés. Il exhorte tous les Occidentaux à renoncer à ces pratiques. Enfin, il ordonne une libération immédiate : « Sous peine d’excommunication, tout maître d’esclave a quinze jours à compter de la réception de la bulle pour rendre leur liberté antérieure à toutes et chacune des personnes de l’un ou l’autre sexe qui étaient jusque-là résidentes desdites îles Canaries [...] Ces personnes devaient être totalement et à jamais libres et devaient être relâchées sans exaction ni perception d’aucune somme d’argent.» L’Espagne ne reconnaissant que modérément l’autorité papale, cette bulle eut peu d’échos. Toutefois, l’Eglise venait de remporter une considérable victoire morale. Hélas, vingt ans plus tard, elle retombera dans tous ses travers et pire encore… A suivre… Ci-dessous : Le jeune esclave Onésime confie sa peur à Paul qu'il sait être l'ami de son maître Philémon. Les facéties de saint Augustin…Pape Eugène IV, cathédrale, Santa Maria del Fiore, Florence. |
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