Après le discours catastrophique de Valérie Pécresse, dimanche soir au Zénith (une voix mal placée, un ton sonnant faux), nombre de commentateurs ont considéré que ce ratage reflétait l’incohérence du message lui-même. Plusieurs ont cité Victor Hugo : « La forme, c’est le fond qui remonte à la surface ». Qui n’a pas eu à disserter sur ce célèbre adage, sur les bancs du lycée ? J’en ai cherché la source, je n’ai rien trouvé. Nulle trace dans l’œuvre de l’écrivain. Aucune mention dans la presse du XIXe siècle, numérisée par Retronews. La citation n’apparaît que très tardivement, en 1962, sous la plume du poète Jean Follain. Il y a bien dans les « proses philosophiques » d’Hugo, publiées après sa mort, un passage sur la forme et le fond, mais les mots sont très différents : « Confondre forme avec surface est absurde. La forme est essentielle et absolue ; elle vient des entrailles mêmes de l’idée. »
Bref, je soupçonne la fameuse citation d’être apocryphe. Elle serait loin d’être la seule. Gramsci n’a jamais écrit « le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres » mais bien plus lourdement : « La crise consiste justement dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître : pendant cet interrègne on observe les phénomènes morbides les plus variés ».
Richelieu n’a jamais dit : « Qu’on me donne six lignes écrites de la main du plus honnête homme de France, et j’y trouverai de quoi le faire pendre », c’est une saillie jadis prêtée (peut-être à tort, qui sait ?) à l’infâme baron de Laubardemont.
Malraux n’a jamais prédit « le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas » : il l’a lui-même démenti de son vivant… mais en vain.
Quant au très beau « texte de Péguy » qu’on lit lors d’un enterrement sur trois (« La mort n’est rien : je suis seulement passé dans la pièce à côté… »), il est en réalité l’œuvre d’un certain Henry Scott Holland, chanoine anglais né au milieu du XIXe siècle !
Enfin, sachez que dès qu’un bon mot est cité par un homme ou une femme politique, il est systématiquement attribué à Clémenceau, si vous êtes en France, ou à Churchill, si vous êtes en Angleterre. Peu importe que ce soit vrai ou pas. Car, comme disait avec sagesse Clémenceau, « toute vérité est une erreur dépassée ». A moins que ce ne fût Churchill.
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