Bonjour à chacune et chacun d’entre vous, On ne peut qu’inviter nos concitoyens à s’extraire du marigot politicien afin de débattre et agir ensemble pour transformer les réalités qu’on nous impose. Après neuf années de guerre, l’intervention militaire française au Mali tourne au fiasco. Non pas du fait des militaires qui ont payé un lourd tribut, mais de décisions stratégiques qui au lieu d’assécher le terrorisme en inventant d’autres modes de relation, de coopération et de co-développement avec les pays du Sahel (lire ici l’éditorial de Patrick Apel-Muller et l’article fouillé de Pierre Barbancey dans L’Humanité des vendredis 18, samedi 19 et dimanche 20 février). Aux portes de l’Europe, des forces antagoniques entretiennent de dangereuses tensions qui peuvent dégénérer à tout moment, non du fait de la volonté russe d’envahir l’Ukraine, mais suite à un accident qui mettrait le feu aux poudres. De part et d’autre, il conviendrait de calmer le jeu et de cesser la guerre de l’information qui attise les fanatismes. Regardons froidement la situation et reprenons les précédentes discussions, dont celles de l’engagement de l'Alliance atlantique de ne pas s’élargir aux frontières de la Russie.
L’Ukraine est certes un pays souverain, mais pour qu’un nouveau membre intègre l’Alliance, il faut un vote selon l’article 10 de l’Otan. Ainsi, la France et l’Allemagne ont l’occasion de peser de tout leur poids en conséquence pour que l’engagement de l’Otan envers la Russie soit tenu.
Mais surtout, il conviendrait de mener un combat populaire pour un nouveau traité de sécurité collective en Europe, incluant évidemment la Russie. À cela s'ajoutent évidemment des enjeux énergétiques, économiques et l’élargissement de la domination du capitalisme en Ukraine et en Russie, comme dans notre pays et en Allemagne.
La pression des forces de droite sur la société accule les mouvements sociaux contre le mur d’une campagne électorale dévitalisée des idées de progrès humain. Le Président de la République refuse tout débat, afin que sa tacite reconduction ne soit qu’une formalité. Pis, il laisse se déployer les discussions nauséabondes entre les droites extrêmes et les extrêmes-droites qui dénoncent l’autre, le voisin, le collègue de travail, le privé d’emploi tels des concurrents, des ennemis.
Ces mises à l’index veulent camoufler les responsabilités du capitalisme dans les difficultés de toutes et tous (j’y reviens plus bas avec le contenu du meeting de Valérie Pécresse et l’appel à subvertir l’élection présidentielle). Le système a besoin de ce déploiement idéologique, comme il a besoin d’une mutation idéologique profonde de la droite pour étouffer toutes aspirations au progrès social et économique.
Du matin au soir, l’espace médiatique est saturé par un projet de guerre sociale qui fait toujours de « l’autre » le responsable de votre propre sort pour mieux faire oublier l’exploitation capitaliste, les dominations de toutes sortes, les énormes profits et dividendes versés aux actionnaires par les grandes entreprises et les fonds financiers.
Le pouvoir cadenasse l’État au service du capital
Après l’état d’urgence permanent imposé au pays, voici que le pouvoir présidentiel poursuit son opération de cadenassage des institutions de l’État pour en faire toujours plus et mieux la béquille du capital. Ainsi, la ministre des Territoires, Mme Jacqueline Gourault, entre au Conseil constitutionnel sur proposition du chef de l’État, tandis que le président de l’Assemblée nationale, M. Richard Ferrand, propose l’entrée de Mme Véronique Malbec, actuelle directrice de cabinet du ministre de la Justice. Cette nomination n’a rien d’anodin.
C’est elle qui, procureure générale près la cour d’appel de Rennes, était la supérieure hiérarchique du procureur général près le tribunal de grande instance de Brest qui a classé sans suite l’enquête visant ce même M. Richard Ferrand dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne.
Tout en respectant la présomption d’innocence, on reste intrigué par ce choix.
Cette même semaine, le Premier ministre vient de nommer Mme Natacha Valla conseillère des grands groupes privés, à la présidence du conseil national de la productivité, organisme rattaché à Matignon chargé de conseiller le gouvernement. Cet organisme est notamment chargé d’analyser et de proposer des orientations sur les évolutions de la productivité et de la compétitivité. Or, Mme Natacha Valla est aussi salariée de la banque Lazard. Elle va donc intervenir auprès du gouvernement sur la politique financière et industrielle, tout en conseillant une banque qui elle-même intervient auprès d’autres gouvernements.
Nul doute qu’elle ne proposera aucune nationalisation. Mme Natacha Valla est par ailleurs, membre du conseil d’administration du groupe de M. Bernard Arnaud LVMH, du conseil du groupe de réassurance Scor, du conseil de Cofiroute filiale du groupe Vinci, propriétaire de la plupart des autoroutes.
Inutile donc de penser qu’elle va proposer la renationalisation des autoroutes. Elle est aussi au comité directeur de l’Institut Montaigne, cette boîte à idées française du capitalisme international. Le capital a donc directement son rond de serviette à Matignon. Et voici que le ministre de l’Éducation nationale vient de nommer à la tête du Conseil national des programmes scolaires (CSP) un anti-laïque, M. Mark Sherringham, qui définit l’école publique comme « l’héritière de l’école chrétienne » et promeut « l’idéal civilisateur du christianisme ». Ce monsieur ne fait d’ailleurs pas mystère de son attachement à l’enseignement privé.
On ne peut accepter en silence que la neutralité de l’État puisse ainsi être remise en cause.
J’ajoute, en saluant ici mon amie Éliane Assassi, présidente du groupe communiste au Sénat, à l’initiative d’une commission d’enquête sur la pénétration des groupes de conseils privés au sein de l’appareil d’État.
Ces cabinets dits de conseil, pompent littéralement les finances publiques, non pas pour améliorer les politiques publiques, améliorer la vie des citoyens ou des personnels de la fonction publique, mais pour réduire sans cesse leurs moyens et encourager la privatisation des missions relevant du service public.
Ainsi, ces cabinets ont obtenu quarante-sept (oui vous avez bien lu, quarante-sept) contrats du ministère de la Santé pour le conseiller dans la gestion de la pandémie… Avec les résultats que l’on sait…
Le service d’information du gouvernement (SIG) qui refuse tout budget publicitaire à l’Humanité a déboursé 1,8 million d’euros au printemps 2020 uniquement pour établir un panel de personnalités à consulter afin de prétendument répondre au mouvement des gilets jaunes. Il suffisait pourtant de tendre l‘oreille.
Ces mêmes cabinets ont sévi auprès de l’armée pour faire proposer la suppression de 50 000 postes.
Ils proposent des choix politiques, organisent les campagnes idéologiques pour faire avaler les choix antisociaux dans la droite ligne des autorités européennes : numérisation de la santé et ouverture d’un marché de 20 milliards d’euros, déséquilibre du système de retraites pour préparer les contres réformes, affaiblissement du mutualisme pour mieux le détruire… On pourrait multiplier les exemples d’études de ces préconisations que l’on retrouve ensuite dans les discours des ministres et du Président. Ils ont sans doute préconiser le développement des EHPAD privé…
Pour l’avoir vécu, je peux en témoigner. J’ai dû affronter ce milieu. Lors des difficultés financières de l’Humanité, une section du ministère des Finances en lien avec le ministre et son cabinet m’avait imposé un grand cabinet américain pour enquêter en profondeur sur les comptes de l’Humanité, en lien avec le marché de la presse, pour « me » convaincre soit de fermer le journal, soit d’ouvrir son capital à des entreprises privés.
Ces grands penseurs avaient même imaginé qu’un changement de ligne éditoriale nous sauverait. Autrement dit, il proposait le naufrage. Pendant des mois et des mois, je ne pouvais plus avoir de rencontres officielles sans ces gens à mes basques. Ce ne sont évidemment pas les personnes que je mets ici en cause, mais tout un système où par deux fois, l’État a mobilisé ce cabinet pour « s’occuper de nous ». Je n’en dis pas plus dans le cadre de cette lettre.
Il s’agit juste d’illustrer ces méthodes qui au nom de l’efficacité ne tiennent compte ni de l’humain, ni de la culture, ni du pluralisme de l’information. La commission que préside Éliane Assassi va donc être précieuse comme l’est « Les Infiltrés », le livre-enquête de Caroline Michel-Aguire et Matthieu Aron, à paraître dans quelques jours.
A droite les frontières sautent…
Il a été dit sur toutes les ondes que Mme Valérie Pécresse a raté dimanche dernier, son grand meeting au Zénith de Paris. Peut-être. Mais l’important n’est pas là. Il réside dans la mue de cette droite républicaine qui ne combat plus l’extrême-droite, mais reprend son vocabulaire et ses concepts.
Se faisant, elle donne encore plus d’espace à une extrême-droite nationaliste, xénophobe, raciste et antisémite. Dire qu’il n’y a « pas de fatalité au grand remplacement », c’est admettre contre toute évidence qu’il a commencé. Selon cette thèse distillée par Renaud Camus, tête pensante de l’extrême-droite identitaire, « des élites » organiseraient le remplacement de la population française par l’immigration venue d’Afrique. Reprendre les mots de ces imposteurs valide, donne une réalité, une vérité à cette thèse nauséabonde que la droite combattait encore il y a quelques mois.
Après avoir convoqué l’imaginaire maurassien de « la France des Cathédrales », elle a franchi le rubicond en déclamant : « je veux faire des Français de cœur, et pas seulement des Français de papiers ».
Les forces populo-nationalistes utilisent cette expression depuis longtemps contre les Français d’origine étrangère soupçonnés d'être moins attachés à leur pays. L’expression « Français de papier timbré » était employée par un collaborateur du journal antisémite d’Édouard Drumont, M. Monniot, pour désigner les juifs qui avaient obtenu la nationalité française après leur demande faite sur papier timbré.
En 1886, ce M. Drumont écrivait dans La France juive que les juifs étaient des « Français de nom et non de cœur ». Dans le journal La cocarde, Maurras, activiste de l’Action Française, considérait en 1894 que l’acquisition de la nationalité était obtenue par « un diplôme de naturalisation ». « Ce morceau de papier », dans son texte dénommé « le grand remplacement » Renaud Camus soutien de M. Éric Zemmour, visait ainsi les musulmans qui « disent n’être pas Français sinon de papiers, pas de cœur, pas d’âme, pas d’appartenance… » proposant alors que « leur situation administrative soit mis en accord avec leurs sentiments, que la nationalité française leur soit retirée ».
Et M. Éric Zemmour lui-même dans son dernier livre prétend qu’il a « deux types de Français, les Français de souche et les Français de branche ». Missak Manoukian ou Henri Krasucki , Roger Vadim ou Vassily Kandinsky et Marc Chagall, Albert Uderzo ou Pablo Picasso sont pour eux des « Français de papiers, comme « tous ces étrangers et nos frères pourtant qui ont combattu dans l’armée française en 1914, puis en 1939, et comme tous ces travailleurs et travailleuses que je vois chaque matin construire les infrastructures qui accueilleront les Jeux olympiques, celles et ceux qui remplissent les métros dès 5 heures du matin pour commencer une dure journée de labeur dont profitent ces racistes, ces antisémites, ces xénophobes sans morale, au cœur sec et au cerveau imbécile. Voilà où se vautre la droite aujourd’hui, validant des thèses contre lesquelles il y a depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, un consensus entre partis républicains. Elle ouvre ainsi la voie à une fuite de nouveaux électeurs de droite vers M. Macron et à une union des droites extrêmes et des extrêmes-droites, qui pourrait se réaliser à l'occasion des élections législatives avec de douloureuses conséquences pour les conquis sociaux, les libertés et la culture.
Le problème du meeting raté de Mme Pécresse n’est pas celui de ses qualités oratoires. Le problème, c’est la dangereuse mue qui s’opère. Raison de plus pour construire des digues à l’occasion des présidentielles et des élections législatives. Tous les démocrates, tous les républicains sont concernés !
|
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire