Est-ce deux bises ? Quatre ? Pour dire bonjour ? Au revoir ? Les deux ? Et avec les invités en soirée ? Autant d’interrogations vertigineuses que la pandémie a eu le mérite de mettre en pause. Tandis que la courbe des contaminations s’affolait, plus question de nous saluer autrement qu’à distance, d’un timide signe de la main ou de manière parfois étrange – mention spéciale au « check », qui consiste à cogner son poing serré contre celui de la personne en face. Mais cette incursion dans l’univers des gangs ne pouvait pas durer éternellement. La situation sanitaire s’améliorant, les interactions à peu près normales ont repris – finis les apéros par zéro degré en extérieur ou le repas de Noël au jardin du Luxembourg que nous vous racontions ici. Et sans que l’on y soit préparé, la question de la bise s’est de nouveau posée. Cela a commencé par la copine qui, un soir d’été, nous rejoignant à la terrasse d’un bar, a lancé à la tablée : « Tout le monde a eu ses deux doses ? Alors on peut s’embrasser ! »Le message « continuez à respecter les gestes barrières » a eu beau clignoter dans notre cerveau, nous avons cédé avec délice à une accolade bizarre, mi-bise, mi-« hug ». Après des mois de précautions, il ne s’agissait pas de tout gâcher à cause d’un nez plaqué trop près d’une bouche. Mais avouons-le : en même temps que le frisson du flip, une douce chaleur amicale nous a envahi. Il y eut aussi ce couple rencontré entre deux confinements et qu’on a embrassé pour la première fois à la rentrée. Ou ces cousins éloignés qui, lors d’un moment douloureux, se sont jetés sans réfléchir dans nos bras. D’un coup, la vie semblait reprendre son cours. Une crise planétaire n’est donc pas venue à bout du besoin que nous avons de nous toucher, une pulsion sans doute gravée dans notre inconscient national. Ainsi, nos consoeurs Sophie Fay et Nathalie Funès racontent dans un passionnant portrait consacré à Angela Merkel une rencontre entre Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, et la dirigeante allemande : « ‘On se salue à la Chirac [le baisemain, NDLR] ou à la Sarko [des embrassades]? ’. Angela Merkel, en ouvrant les bras : ‘A la Sarko!’ »Il reste ceux qui ont une conception toute personnelle de la bise, comme cette amie qui l’assimile à une corvée sans nom. Dans son système de valeurs, plus on est proche d’elle, moins on a à se plier à cette convention sociale. Il faut donc se réjouir d’être de ceux qu’elle n’embrasse pas. |
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