LACUZON Lacuzon ou Lacuson ou La Cuson est connu comme le loup blanc en Franche-Comté, et plus particulièrement dans le Jura. Véritable héros de la résistance des Cuanais contre les Français et leurs acolytes pour les uns, abominable ruffian pour les autres, ce personnage alimente toujours les débats. De nos jours, le maire de Longchaumois le qualifie de « soudard qui devait se payer sur le pays ». Il serait né en 1607 à Longchaumois dans le comté de Bourgogne, possession espagnole à l’époque. Claude Prost, c’est son véritable nom, était commerçant à Saint-Claude quand, en 1636, les troupes françaises envahirent la Franche-Comté. Déjà, en 1595, Henri IV en personne, malgré les traités de neutralité s’appliquant à la région, y fait une incursion, maltraite plusieurs villes et villages, exige des sommes invraisemblables pour ne pas ravager le terroir. Craignant les Suisses, le « bon » roi français quitte Lons-le-Saunier. Avant son départ précipité, il ne peut s’empêcher de bouter le feu aux deux faubourgs de la cité. En 1598, la paix de Vervins, signée entre Henri IV et Philippe II d’Espagne, met un terme à l’affaire. Le pacte de neutralité qui avait été convenu en 1522 entre la France et la Franche-Comté, mais avait été violé plus tard par Henri IV, est renouvelé en 1611. Il stipule une neutralité à observer au moins jusqu’en 1640. Mais voilà que Louis XIII rompt ce pacte sous le prétexte que Besançon avait accueilli Gaston d’Orléans en mai 1635. Le prince de Condé assiège Dole, la capitale de la province, en mai 1636, avec plus de 25 000 hommes. Après trois mois de siège, Condé, tenu en échec, jette l’éponge et s’en va guerroyer en Picardie. Cette année-là, les Suédois, alliés des Français, et dirigés par le reître allemand, Bernard de Saxe-Weimar, ravagent eux aussi la Franche-Comté. Lacuzon, dont le surnom en dialecte local signifie « le souci » (il était en effet ombrageux et vigilant), prend les armes et constitue une troupe capable de donner du fil à retordre aux envahisseurs. Il devient capitaine, autoproclamé ou nommé, enfin peu importe. Il effectue des coups de main dans le Bugey, donc en territoire ennemi, puis en Bresse, toujours en territoire ennemi. Un moment donné, il tient ses quartiers au château de Montaigu, près de Lons. Dans le Jura, il se rend maître de la forteresse de Saint-Laurent-la-Roche, en 1641. Il pousse jusqu’à Louhans, Saône-et-Loire ! On dit que Lacuzon, avant chaque échauffourée soliloquait pour se donner du courage « Chair, qu’as-tu peur ? Ne faut-il pas que tu pourrisses ? ». Moyennant une somme de 40 000 écus, faramineuse pour l’époque, le cardinal Mazarin, alors aux commandes, s’engage, en 1644, à faire cesser les hostilités en Franche-Comté. C’est donc la fin de la guerre de Dix Ans. Mais la guerre de Trente Ans ne s’achèvera qu’en 1648, par les traités de Westphalie. Lacuzon est démobilisé. Guerre, peste et famine ont dévasté la région. Les deux tiers des Comtois seraient morts durant cette période. Beaucoup de survivants ont tout perdu, d’autres se sont exilés. L’agriculture n’existe plus. Paradoxalement, Lacuzon bigrement enrichi est devenu hobereau local avec château et belle demeure. Pour l’historien, Robert Fonville, Lacuzon est un héros de l’Indépendance. Un autre historien, Louis Lautrey, n’éprouve quant à lui aucune sympathie pour notre personnage. Toujours est-il qu’en 1659 (l’année varie selon les sources), le Parlement cite Lacuzon à comparaître à Dole. 44 chefs d’accusation figurent dans l’Intendit : actes de brutalité sur des paysans, défenestrations, exigence de contributions ou de travaux qui ne lui étaient pas dus, meurtre de deux paysans et d’une femme de Courlaoux ; oui, mais comme nous étions en temps de guerre et qu’il s’agissait soi disant d’espions…etc. Bref, pas question de laisser en prison le « plus dévoué des fils de la Patrie ». Absous par le roi d’Espagne et par le Parlement, absous par le sentiment populaire, applaudi par son fan club, Lacuzon reprit le commandement de son château de Saint-Laurent-la-Roche. Vers 1661-1663, d’autres procès survinrent. Ainsi, par exemple, les habitants de Montaigu réveillèrent la vieille histoire du clocher dont Lacuzon avait utilisé les pierres pour bâtir sa maison. Mais tout finit par se tasser. Les villageois laissèrent tomber. Notre homme était craint et bénéficiait de trop puissants soutiens. En 1668, Louis XIV entre en Franche-Comté. Lacuzon reprend du service. Mais le cœur n’y est plus, la résistance s’essouffle. Le capitaine estime plus sage de s’enfuir en Milanais, possession espagnole. Il s’éteint à Milan, en 1681, entouré de quelques compagnons d’épopée. Lacuzon, jusque là ignoré de l’Histoire, réapparaît au XIXème siècle où certains auteurs, époque romantisme oblige, se passionnent pour ce « Robin des Bois franc-comtois ». Marlou ou patriote ? La question reste posée. Ci-dessous : Le nom de Lacuzon a été donné à plusieurs grottes de la région. Ouvrage de Louis Lautrey. Scène courante de la guerre de Dix Ans. |
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