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mercredi 7 septembre 2016

Les Crises.fr : Des vétérans du renseignement répondent aux inconscients signataires d’une « note dissidente » à propos de la Syrie

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7
Sep
2016

Des vétérans du renseignement répondent aux inconscients signataires d’une « note dissidente » à propos de la Syrie


Source : Consortiumnews.com, le 25/06/2016
Le 25 juin 2016
Un groupe d’anciens du renseignement américain exhorte le président Obama à résister à l’appel « inconscient » de 51 fonctionnaires du Département d’État qui, dans un récent « mémo dissident », exhortent le Président à intensifier la guerre en Syrie.
NOTE DIPLOMATIQUE POUR : Assistant du Président pour les affaires de sécurité nationale
DE : Veteran Intelligence Professionals for Sanity (VIPS) (Anciens professionnels du renseignement soucieux d’éthique)
Objet : Méfiez-vous de la nébuleuse dissidente
Dissidence et désaccords au sein de la politique étrangère et de la bureaucratie de la sécurité nationale ne retiennent l’attention du public que quand apparaissent des divergences profondes et fondamentales d’opinions à propos des objectifs et de la mise en œuvre de la politique américaine. Les cas de désaccord sont apparus au cours de la guerre du Vietnam et sont réapparus périodiquement, par exemple pendant la guerre de Contra en Amérique centrale dans les années 1980 et la guerre froide avec les Soviétiques. Nous pouvons maintenant ajouter la Syrie à cette liste.
La conseillère à la sécurité nationale Susan E. Rice informe le président Barack Obama de l'évolution de la politique étrangère au cours de la pause estivale d'Obama aux Vignobles de Martha, Massachusetts, le 12 août 2013. (Photo officielle de la Maison-Blanche, par Pete Souza)
La conseillère à la sécurité nationale Susan E. Rice informe le président Barack Obama de l’évolution de la politique étrangère au cours de la pause estivale d’Obama aux Vignobles de Martha, Massachusetts, le 12 août 2013. (Photo officielle de la Maison-Blanche, par Pete Souza)
Le dernier buzz médiatique est venu avec la fuite selon laquelle 51 « diplomates du Département d’État » ont signé une lettre d’opposition préconisant l’utilisation des bombardements américains comme outil pour forcer la Syrie à se soumettre aux diktats de notre gouvernement. Les agents du service extérieur des États-Unis constituent un ensemble unique de personnes hautement qualifiées, qui sont très fières d’avoir réussi l’examen d’entrée dans ce service. Pourtant, même parmi ces « gens brillants », certains succombent aux forces du carriérisme et aux pressions du renseignement politisé.
Malheureusement, les signataires dissidents se réclament d’une Amérique menaçante, menant une guerre agressive contre les forces d’une nation souveraine sur son propre territoire. Nation qui, parmi ses partisans, compte la Russie, l’autre grande puissance nucléaire du monde.
Cette manière de penser – que le droit et le devoir de l’Amérique est d’utiliser le meurtre à grande échelle pour imposer la volonté de ses dirigeants aux autres peuples – correspond à la notion démente que les États-Unis jouissent du privilège unique et permanent d’être le « seul pays indispensable au monde. » Si cette notion a parfois été fondée, cette époque est révolue depuis longtemps – et rend aujourd’hui ses partisans manifestement aveugles au bon sens le plus élémentaire.
Un tel courant de pensée n’est pas nouveau. Theodore Roosevelt l’a popularisé quand nous sommes entrés en guerre pour annexer des territoires espagnols aux Philippines et aux Caraïbes – au prix de plus d’un demi-million de vies indigènes – il y a plus d’un siècle. Nous avons des exemples à la pelle, avec nos lumineux stratèges – ceux qui sont responsables de la destruction du Vietnam. Trois millions de vietnamiens sont morts dans cette guerre (selon l’ancien secrétaire à la Défense Robert McNamara), et deux autres millions environ par contrecoup en Indochine. Après ces massacres et la mort de dizaines de milliers de ses propres soldats, les États-Unis ont subi une défaite totale et humiliante, influençant encore aujourd’hui sa politique intérieure et étrangère. Leurs brillants successeurs ont soutenu l’attaque contre l’Irak en 2003, le catalyseur d’une flambée de violence qui a provoqué des morts atteignant des millions – encore une fois – en Irak, en Syrie, en Libye, au Yémen, en Somalie et dans d’autres pays voisins dont nous entendrons un jour parler. Ces agressions ont créé des millions de réfugiés traumatisés.
La note, un premier jet qui a été fourni au New York Times (et au Wall Street Journal), vraisemblablement par l’un des employés du Département d’État qui l’ont rédigé, soutient que la politique américaine a été « submergée » par la violence incessante en Syrie et appelle à « une utilisation judicieuse des armes maritimes et aériennes, qui pourraient sous-tendre et conduire à un processus diplomatique américain plus dirigé, plus concentré et intransigeant. » En outre, selon le NYT :
« Dans la note, les fonctionnaires du Département d’État ont écrit que la poursuite des violations du cessez-le-feu par le gouvernement Assad, officiellement appelé cessation des hostilités, condamneront les efforts visant à négocier un règlement politique, parce que M. Assad ne sentira pas de pression pour négocier avec l’opposition modérée ou d’autres factions le combattant. Le bombardement de civils par le gouvernement à l’aide de barils, est-il écrit, est “la cause première de l’instabilité qui continue de frapper la Syrie et ses environs.” »
« Le mémo a reconnu que l’action militaire comporte des risques, en particulier un accroissement des tensions avec la Russie, qui est intervenue dans la guerre aux côtés de M. Assad à l’automne dernier. La Russie a ensuite contribué à négocier le cessez-le-feu. Ces tensions ont augmenté jeudi quand, selon un haut responsable du Pentagone, la Russie a mené des frappes aériennes au sud de la Syrie contre les forces soutenue par les E.-U. et combattant l’État islamique. »
Rencontre entre le président Barack Obama et le président russe Vladimir Poutine en marge du sommet du G20 à l'Hôtel Regnum Carya à Antalya, en Turquie, le dimanche 15 novembre 2015. La conseillère nationale de sécurité Susan E. Rice écoute à gauche. (Photo officielle de la Maison-Blanche par Pete Souza)
Rencontre entre le président Barack Obama et le président russe Vladimir Poutine en marge du sommet du G20 à l’Hôtel Regnum Carya à Antalya, en Turquie, le dimanche 15 novembre 2015. La conseillère nationale de sécurité Susan E. Rice écoute à gauche. (Photo officielle de la Maison-Blanche par Pete Souza)
Les dissidents ont été assez habiles pour préciser « qu’ils ne préconisent pas une escalade qui se terminerait par une confrontation militaire avec la Russie, » mais plutôt une menace crédible d’action militaire pour « calmer le jeu de M. Assad. » Plus facile à dire qu’à faire ! Les 51 sont muets sur ce point d’importance capitale.
La prémisse fondamentale de leur désaccord est que « les bombardements par barils » d’Assad (suivis par des attaques chimiques) sur des civils ont provoqué la guerre civile en Syrie. Il est vrai que la phase initiale du printemps syrien semble avoir été largement spontanée. Les faits montrent cependant que les intervenants extérieurs – principalement les États-Unis, le Royaume-Uni, la Turquie, Israël et l’Arabie saoudite – ont contribué à dévoiler l’enchainement qui a amené l’enfer de la guerre civile. Des fonds secrets, la fourniture d’armes et de munitions et un soutien matériel aux groupes d’opposition organisant les grèves contre le gouvernement syrien ont provoqué une réaction militaire d’Assad – ce qui a servi de prétexte pour notre soutien élargi aux groupes rebelles.
De nombreuses preuves montrent également que ce sont les forces rebelles soutenues par les E.-U. qui ont employé des armes chimiques contre des civils. Ils ont alors accusé Assad, dans un but de propagande pour obtenir le soutien public international permettant une intervention ouverte américaine.
Les frappes américaines contre la Syrie ont été largement perçues comme faisant partie d’une bataille par procuration plus large avec l’Iran, et ont été poursuivies pour contrer l’influence de ce dernier au Moyen-Orient. Mais l’émergence de l’Iran comme puissance régionale n’est pas le résultat d’un événement magique. Il est la conséquence directe de l’invasion américaine de l’Irak et de notre décision ultérieure d’éradiquer tout vestige du parti baasiste et d’installer les dirigeants chiites irakiens ayant des liens étroits avec l’Iran dans les postes de direction.
Nous avons ainsi contribué à déclencher une guerre et avons l’audace de faire semblant d’être choqués par les conséquences de notre propre action.
Les dissidents du Département d’État ne sont pas les premiers à sauter à pieds joints dans cette nouvelle bataille de relations publiques qui caractérise la politique américaine en Syrie. Le Département de la Défense et la CIA semblent être entrés dans la mêlée depuis deux semaines. Selon un rapportpublié dans The Daily Beast, le Département de la Défense et la CIA se livrent « une bataille féroce ».
Deux fonctionnaires du Département de la Défense ont affirmé dans les médias qu’ils ne sont pas désireux de soutenir les rebelles qui combattent dans la ville d’Alep, car ils sont soupçonnés d’être affiliés à al-Qaïda en Syrie, ou Jabhat al-Nosra. La CIA, qui soutient ces groupes rebelles, dément cette affirmation, disant que ce sont des alliances de circonstance face à une offensive dirigée par les Russes ; des alliances de nécessité tactique, pas d’idéologie.
« C’est étrange que le bavardage du Département de la Défense imite la propagande russe, » a noté ironiquement un fonctionnaire américain, qui soutient la position de la communauté du renseignement à propos de l’affirmation du Pentagone selon laquelle les membres de l’opposition et d’al-Nosra sont les mêmes.
La communauté du renseignement, qui a soutenu les forces d’opposition à Alep, estime que l’EI ne peut être vaincu tant qu’Assad est au pouvoir. Le groupe terroriste, disent-ils, se développe dans des territoires instables, et seules des forces locales – comme celles soutenues par la CIA – peuvent atténuer cette menace.
« L’opposition résiste aux horribles attaques menées par les forces syriennes et russes, » explique un responsable du renseignement américain au Daily Beast. « La défaite d’Assad est une condition préalable nécessaire pour vaincre l’EI. Tant qu’il y aura un leader défaillant à Damas et un État en échec en Syrie, l’EI aura un espace pour agir. Vous ne pouvez pas vous occuper de l’EI si vous avez un État en échec, » a observé le fonctionnaire américain.
Ce fonctionnaire anonyme ignore commodément le fait que les États-Unis travaillent activement à provoquer l’effondrement de la Syrie. Nous sommes stupéfaits. Après 15 ans de théories bruyantes expliquant comment mener une guerre contre al-Qaïda, nous avons maintenant fait volte-face pour voir la CIA et un concert de voix au sein du Département d’État qui préconisent l’armement et la formation d’un groupe affilié à al-Qaïda.
Il est impossible de savoir si oui ou non l’éruption de ce différend est une gifle au président Obama, tout simplement parce qu’il semblait d’abord soutenir le renversement d’Assad avant d’ensuite reculer sur l’organisation de son éviction par une action militaire.
L’influence de l’Arabie saoudite pour aider à instaurer et promouvoir un « changement de régime » en Syrie ne doit pas être sous-estimée. Les Saoudiens auraient financé de manière importante des secteurs clé de la politique étrangère des E.-U. et, paraît-il, ont eu une influence considérable sur notre politique de sécurité. Davantage de preuves nous montrent que les Saoudiens ont financé de manière importante la fondation Clinton.
Le roi Salman d'Arabie saoudite et son entourage arrivent pour saluer le président Barack Obama et la Première Dame Michelle Obama à l'aéroport international King Khalid, à Riyad, le 27 janvier 2015. (Photo officielle de la Maison-Blanche par Pete Souza)
Le roi Salman d’Arabie saoudite et son entourage arrivent pour saluer le président Barack Obama et la Première Dame Michelle Obama à l’aéroport international King Khalid, à Riyad, le 27 janvier 2015. (Photo officielle de la Maison-Blanche par Pete Souza)
Un rapport récent sur le site de la Petra News Agency (qui a ensuite été retiré et présenté comme un « piratage ») soulève des préoccupations importantes. Le dimanche un rapport parut sur ce site comprenant ce qui était décrit comme des commentaires exclusifs de l’adjoint du prince héritier saoudien Mohammed bin Salman. Les commentaires comprenaient une allégation selon laquelle Riyad a fourni 20% du financement total de l’éventuelle campagne du candidat démocrate. Bien que le rapport ne soit pas resté longtemps sur le site, l’Institut pour les affaires du Golfe, basé à Washington, a ensuite republié une version arabe de celui-ci, citant le prince Mohammed disant que l’Arabie saoudite avait fourni avec « plein d’enthousiasme », un montant d’argent confidentiel à Mme Clinton.
Compte tenu du plaidoyer virulent d’Hillary Clinton pour imposer une zone d’exclusion aérienne en Syrie, ce qui nous mettrait sur la voie de l’intensification de notre intervention en Syrie et d’une confrontation militaire avec la Russie, il est naturel de se demander si les donations saoudiennes ont eu une influence sur l’orientation de la politique américaine en Syrie et le soutien aux groupes rebelles ?
En somme, la dernière note des 51 fonctionnaires du Département d’État est juste un indice alarmant supplémentaire du désarroi et de l’échec chez les responsables de la politique étrangère des États-Unis. Il est à noter que la plupart de leurs enfants et petits-enfants ne seront pas dans les rangs de l’armée de ceux qui sont appelés à mener cette guerre. Ils sont trop intelligents et trop « précieux » pour se livrer à ces actes absurdes. Donc, ce qu’on appelle une « armée de volontaires » a été recrutée, peuplée par des « volontaires » – la plupart venant des centres-villes et des petites villes de notre pays, où les emplois et l’éducation sont inexistants.
Cette lettre dissidente, sans précédent, des 51 faucons enhardis du Département d’État est un nouveau signe alarmant de la direction imprudente que des éléments, bien organisés, de l’élite de la politique étrangère des États-Unis cherchent à nous faire prendre. Ainsi, nous faisons appel à vous, en tant qu’adjoint du président pour la sécurité nationale, pour aider le président Barack Obama à maintenir une position ferme contre une telle déconstruction institutionnelle et à contenir le désordre et la discorde bureaucratique qui divisent son équipe. Si les 51 sont sincères dans leur plaidoyer pour une politique de type « essayons-un-peu-plus-la-même-politique-mais-en-plus-dure », nous pourrions espérer d’eux qu’ils acceptent les risques pour leur personne qu’il y a à être envoyé pour frapper Bachar avec des armes de « confrontation » ou de « combat rapproché ». Cela pourrait leur donner, dans un premier temps, le sens des responsabilités – puis, plus tard, une éducation.
(Voir également les remarques précédentes de certains membres du VIPS : par Ann Wright ici, par Elizabeth Murray et Ray McGovern ici ; par Philip Giraldi ici.)
Pour le groupe directeur, Veteran Intelligence Professionals for Sanity (VIPS)
William Binney, ancien Directeur technique, analyse militaire et géopolitique du monde, NSA ; cofondateur du SIGINT Automation Research Center (à la retraite)
Philip Giraldi, CIA, Responsable des opérations (à la retraite)
Mike Gravel, ancien adjudant, agent de contrôle top secret, Communications Intelligence Service ; agent spécial des Counter Intelligence Corps et ancien sénateur des États-Unis
Matthew Hoh, ancien capitaine, USMC, agent Irak et service extérieur, Afghanistan (associé VIPS)
Larry Johnson, CIA et Département d’État (à la retraite)
Michael S. Kearns, agent de renseignement, USAF (à la retraite) ; ancien maître instructeur SERE.
John Kiriakou, ancien agent antiterroriste CIA et ancien enquêteur principal, Comité des relations étrangères du Sénat
Karen Kwiatkowski, ancienne lieutenant-colonelle, US Air Force (à la retraite), au bureau du secrétaire à la défense observant la fabrication des mensonges sur l’Irak, 2001-2003
Edward Loomis, NSA, chercheur en cryptologie (à la retraite)
David MacMichael, National Intelligence Council (à la retraite)
Ray McGovern, ancien agent du renseignement/infanterie de l’armée des États-Unis et analyste à la CIA (à la retraite)
Elizabeth Murray, adjointe à l’agent principal du renseignement national au Proche-Orient, la CIA et le National Intelligence Council (à la retraite)
Todd E. Pierce, commandant, juge-avocat dans l’armée des États-Unis (à la retraite)
Coleen Rowley, agent spécial du FBI et ancienne conseillère juridique dans la division de Minneapolis (à la retraite)
Peter Van Buren, Département d’État des États-Unis, agent des services extérieurs (à la retraite) (associé VIPS)
J. Kirk Wiebe, ancien analyste principal, SIGINT Automation Research Center, NSA
Ann Wright, Colonelle, armée des États-Unis (à la retraite) ; agent des services extérieurs (a démissionné en opposition au déclenchement de la guerre en Irak)
Source : Consortiumnews.com, le 25/06/2016
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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