« Quand tout va mal, je puise du courage et du réconfort chez des auteurs aussi divers que Thucydide, Walter Bonatti, Annie Proulx et Cormac McCarthy. Et dans les situations désespérées, je consulte Albert Camus. » C’est Jon Krakauer qui parle et, sur le sujet, il en connaît un rayon. Alors qu’il tentait d’escalader l’Everest en 1996, huit de ses coéquipiers ont péri. Il est l’auteur de « Into the wild » et les « Presses de la Cité » publient « A l’extrême », un recueil d’articles où l’on voit que l’auteur n’est pas du genre à se prélasser dans son lit bien au chaud quand ça neigeote à l’extérieur. Camus, tout de même. Pour se remonter le moral. Ce type est un casse-cou, c’est la seule explication.
Selon Krakauer, « le progrès mène inéluctablement à la destruction ». Il ajoute, sans une once de bienveillance pour ses contemporains : « Notre planète est vouée à devenir un désert gelé. Cette issue ne fait aucun doute. » Ah, je découvre tout de même, sous la plume de Krakauer, quelques raisons d’espérer. Selon lui, « le chaos recule dans certaines parties du firmament alors même qu’il progresse au plan global ». Global, forcément, c’est vaste. Mais il y a des îlots de fraîcheur. Des forêts urbaines, comme dirait l’autre. Que l’on ne veut pas nommer car ce serait de l’acharnement.
Allez vous étonner que les gens dépriment. Ils ne lisent pas assez Camus. Même Thucydide, dans la catégorie boute-en-train. Et, surtout, Krakauer. Il y a quelque chose d’animal en lui. Il ne renonce jamais, même si une avalanche est en train de lui dévaler sur la gueule. « Je suis un optimiste par nature, un imbécile heureux. » A la bonne heure. Un cœur prêt à en découdre, voilà qui donne des ailes quand la morosité pointe le bout de son museau.
Je le cite encore, et vous admettrez que le grand show des élections 2022 semble, a posteriori, lui donner raison : « La route vers l’abîme sera lente et jalonnée de déviations de nature à raviver l’espoir, et nous serons probablement tous morts depuis longtemps lorsqu’elle atteindra son terme ». Ce sentiment d’inéluctabilité. Krakauer sait bien que, à cinq mille mètres d’altitude, le moindre faux pas ne fait pas de cadeau. Hidalgo, que l’on ne veut pas nommer car ce serait de l’acharnement, faisait récemment le même constat. On peut y mettre tout son cœur, les lois de la gravité vous ramènent toujours vers le zéro.
Un vrai prophète, Jon, et c’est ça qui m’inquiète. Dans un texte écrit en 2010, il avait déjà Wuhan en ligne de mire : « Ces derniers temps, je me suis surpris à penser que notre civilisation touchait peut-être à sa fin. Je ne suis pas le seul dans ce cas : le pessimisme se répand dans la population tel un virus ». Et il ajoute, dans un élan presque lyrique : « Les médias ne parlent que de politiciens corrompus, de foules enragées, de religieux fanatiques, d’Etats en faillite, de chômage de masse et de désastres écologiques ».
Vous allez voir que les gens vont se ruer sur Camus, si l’ambiance ne se réchauffe pas au plan global. Au pire, il restera toujours Thucydide. Ou même Cormac McCarty. Lire « La Route » pour se redonner le moral ! Autant se préparer au pire en regardant les « Tuche ».
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