Lu dans Informations Ouvrières N° 535 du jeudi 10 janvier 2019
Répression, « grand débat »
pour légitimer les réformes...
Un gouvernement éperdu
qui cherche à forcer le passage...
Jacques Buisson
Deux jours après une nouvelle mobilisation massive des gilets jaunes, le
chef du gouvernement, Édouard
Philippe, s’est exprimé le 7 janvier.
Pas un mot sur les demandes, les
exigences de ces centaines de milliers mobilisés
depuis deux mois, avec le soutien de la majorité
de la population.
Rien.
Alors que depuis le début du mouvement des
« gilets jaunes », 5 600 personnes ont été placées
en garde à vue et que chaque manifestation se
déroule désormais dans un climat de quasi-état
de siège, le Premier ministre revenant sur les incidents du samedi 5 janvier annonce un durcissement des mesures répressives et sécuritaires :
fichage des manifestants, restriction du droit de
manifester, sanction pénale en cas de participation à des manifestations non déclarées…
France info rapporte le commentaire de l’ancien
bâtonnier de la Seine-Saint-Denis : « Cela devient
extrêmement dangereux pour les libertés publiques (…). Tout manifestant peut être un jour
soupçonné d’être un mauvais manifestant. »
Depuis dimanche, les principales figures du gouvernement se succèdent sur les plateaux télévisés, sur les chaînes de radio.
Tous reprennent le
même rôle, le même scénario, répètent, à l’instar de Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement : « les institutions sont en danger »,
« c’est la République, c’est la forme démocratique
du gouvernement qui a été attaquée ».
La République ?
La démocratie ?
Eux qui à coups
d’ordonnances, de 49-3, s’en prennent à chacune
des conquêtes de la classe ouvrière !
31 DÉCEMBRE, MACRON :
« JE NE RENONCERAI PAS AUX RÉFORMES »
Une semaine avant les mesures sécuritaires annoncées par Philippe, Macron, dans ses vœux du
31 décembre, a voulu donner des gages au capital financier dont il sert les intérêts.
Il a annoncé
son intention de maintenir le cap des réformes
en 2019.
Assurance chômage, fonction publique,
retraites, réforme constitutionnelle… sont les
réformes prioritaires.
Il faut poursuivre la « transformation du pays »,
c’est-à-dire la liquidation des conquêtes sociales
au compte du capital.
Les « gilets jaunes » ne sont même pas cités.
À leur
sujet, Macron parle de « foule haineuse ».
Alors
qu’au moment où il s’exprime, des milliers d’interpellations, de poursuites, ont eu lieu au cours
des semaines précédentes, il menace d’une sévérité accrue.
Voilà qui suffit à qualifier et à donner
le contenu du « grand débat national » qui doit
débuter mi-janvier.
Une imposture pour tenter
d’offrir une sortie à Macron, un « grand débat » qui
a déjà du plomb dans l’aile avec la démission de
sa présidente, Chantal Jouanno.
Juste après les vœux du président, dans la nuit du
31 décembre au 1er janvier, est publié un décret
honteux contre les chômeurs (voir page 6).
MACRON LE POURRA-T-IL ?
SE DEMANDE LE FIGARO
Mais dès le lendemain, la presse patronale et financière s’inquiète. Le Figaro s’interroge : « Macron
pourra-t-il mener à bien ses réformes en 2019 ? »
Le quotidien libéral L’Opinion titre : « Macron
peut-il encore réformer ? »
Dans les colonnes du
même journal, Éric Woerth, ancien ministre du
Budget de Nicolas Sarkozy, écrit : « Si l’on estime
que la France a encore besoin de réformes, ce qui
est mon cas, si on juge que les réformes actuellement sur la table sont des demi-réformes, tout reste
à faire pour Emmanuel Macron.
L’évolution de
notre modèle social et du mode de production de
notre service public a été à peine effleurée depuis
le début du quinquennat.
Pour la mener à bien, il
faut au président une solidité politique et une capacité à résister à la pression de l’opinion qui peut
être réticente à ce type de réformes.
Or ces conditions ne sont plus réunies. »
EN PLEINE CRISE,
LE GOUVERNEMENT PROVOQUE...
Car au même moment, sur fond de mobilisation
des « gilets jaunes », l’affaire Benalla se poursuit,
toute une série de conseillers de l’Élysée annoncent leur départ, quittant le navire en perdition.
Quelques jours plus tard, le 3 janvier, l’une des
figures des gilets jaunes, Éric Drouet, est arrêté.
Le lendemain (veille de « l’acte VIII » des gilets
jaunes), alors qu’un sondage annonce que 55 %
des Français souhaite la poursuite du mouvement, Griveaux provoque : « Ceux qui continuent
de manifester avec les gilets jaunes sont des agitateurs professionnels.
Ce mouvement est le fait de
gens qui veulent l’insurrection, qui veulent renverser le gouvernement. »
Le lendemain des manifestations du 5 janvier,
Laurent Berger, le patron de la CFDT, déclare :
« Tout d’abord, un responsable économique, politique, social, qui choisit de s’exprimer sur la situation doit commencer par condamner les violences
dont des manifestants se sont rendus coupables. »
Tous sont sommés de se ranger derrière la défense
du gouvernement.
À l’inverse, comme on le verra page 5, et parce
qu’il y a deux camps, des appels syndicaux sont
publiés qui condamnent la répression contre les
gilets jaunes et qui posent dès maintenant la question de l’action pour les revendications urgentes.
Jean-Luc Mélenchon et La France insoumise, en
raison de leur soutien aux gilets jaunes, à leurs
exigences, sont attaqués de manière scandaleuse
par le porte-parole du gouvernement, Griveaux,
qui les accuse « d’avoir quitté le champ républicain ».
Le 7 janvier, Philippe annonce le durcissement
de l’arsenal répressif contre les manifestants.
En d’autres termes, dans un contexte d’instabilité politique totale, ce pouvoir éperdu, aux abois,
tente de répondre à l’insatisfaction du capital
financier en cherchant à forcer le passage, ouvrant
sur une situation grosse de dangers.
EN FACE...
En face, il y a le mouvement de fond dont le soulèvement des gilets jaunes est le symptôme et que
le gouvernement cherche à occulter, à étouffer.
Un soulèvement spontané surgi en dehors du
contrôle des directions traditionnelles des partis
et des syndicats, et qui veut contrôler son propre
mouvement.
Un soulèvement qui exprime ce qui mûrit au sein
de la classe : l’aspiration des plus larges masses à
échapper au chaos auquel conduit la politique
menée par les gouvernements au service du capital financier, l’aspiration de la plus grande majorité à prendre ses affaires en main.
Derrière ce premier soulèvement, se profile la
question de ces institutions antidémocratiques
bonapartistes de la Ve République.
Dans cette situation d’instabilité politique totale,
nul ne peut prévoir ce qui va se passer, mais le
mouvement des gilets jaunes est une première
secousse qui annonce d’autres répliques qui
embrasseront des masses plus larges encore.
C’est toute l’importance dans cette situation de
l’organisation, du regroupement de la force, du
réseau de ces militants ouvriers d’appartenances
et d’origines diverses, de ces travailleurs, de ces
jeunes, de ces « gilets jaunes » qui se réunissent,
se regroupent dans les comités de résistance et
de reconquête.
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