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dimanche 24 février 2019

Lu dans Informations Ouvrières N° 535 du jeudi 10 janvier 2019

Répression, « grand débat » pour légitimer les réformes... Un gouvernement éperdu qui cherche à forcer le passage...

Jacques Buisson 

Deux jours après une nouvelle mobilisation massive des gilets jaunes, le chef du gouvernement, Édouard Philippe, s’est exprimé le 7 janvier.
 Pas un mot sur les demandes, les exigences de ces centaines de milliers mobilisés depuis deux mois, avec le soutien de la majorité de la population.
 Rien. Alors que depuis le début du mouvement des « gilets jaunes », 5 600 personnes ont été placées en garde à vue et que chaque manifestation se déroule désormais dans un climat de quasi-état de siège, le Premier ministre revenant sur les incidents du samedi 5 janvier annonce un durcissement des mesures répressives et sécuritaires : fichage des manifestants, restriction du droit de manifester, sanction pénale en cas de participation à des manifestations non déclarées… France info rapporte le commentaire de l’ancien bâtonnier de la Seine-Saint-Denis : « Cela devient extrêmement dangereux pour les libertés publiques (…). Tout manifestant peut être un jour soupçonné d’être un mauvais manifestant. » 
Depuis dimanche, les principales figures du gouvernement se succèdent sur les plateaux télévisés, sur les chaînes de radio.
 Tous reprennent le même rôle, le même scénario, répètent, à l’instar de Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement : « les institutions sont en danger », « c’est la République, c’est la forme démocratique du gouvernement qui a été attaquée ».
 La République ? 
La démocratie ? 
Eux qui à coups d’ordonnances, de 49-3, s’en prennent à chacune des conquêtes de la classe ouvrière !

31 DÉCEMBRE, MACRON : « JE NE RENONCERAI PAS AUX RÉFORMES »

 Une semaine avant les mesures sécuritaires annoncées par Philippe, Macron, dans ses vœux du 31 décembre, a voulu donner des gages au capital financier dont il sert les intérêts.
 Il a annoncé son intention de maintenir le cap des réformes en 2019. 
Assurance chômage, fonction publique, retraites, réforme constitutionnelle… sont les réformes prioritaires. 
Il faut poursuivre la « transformation du pays », c’est-à-dire la liquidation des conquêtes sociales au compte du capital. Les « gilets jaunes » ne sont même pas cités. 
À leur sujet, Macron parle de « foule haineuse ». 
Alors qu’au moment où il s’exprime, des milliers d’interpellations, de poursuites, ont eu lieu au cours des semaines précédentes, il menace d’une sévérité accrue.
 Voilà qui suffit à qualifier et à donner le contenu du « grand débat national » qui doit débuter mi-janvier. 
Une imposture pour tenter d’offrir une sortie à Macron, un « grand débat » qui a déjà du plomb dans l’aile avec la démission de sa présidente, Chantal Jouanno.
 Juste après les vœux du président, dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier, est publié un décret honteux contre les chômeurs (voir page 6). 

MACRON LE POURRA-T-IL ? SE DEMANDE LE FIGARO

 Mais dès le lendemain, la presse patronale et financière s’inquiète. Le Figaro s’interroge : « Macron pourra-t-il mener à bien ses réformes en 2019 ? »
 Le quotidien libéral L’Opinion titre : « Macron peut-il encore réformer ? »
 Dans les colonnes du même journal, Éric Woerth, ancien ministre du Budget de Nicolas Sarkozy, écrit : « Si l’on estime que la France a encore besoin de réformes, ce qui est mon cas, si on juge que les réformes actuellement sur la table sont des demi-réformes, tout reste à faire pour Emmanuel Macron.
 L’évolution de notre modèle social et du mode de production de notre service public a été à peine effleurée depuis le début du quinquennat. 
Pour la mener à bien, il faut au président une solidité politique et une capacité à résister à la pression de l’opinion qui peut être réticente à ce type de réformes.
 Or ces conditions ne sont plus réunies. »

 EN PLEINE CRISE, LE GOUVERNEMENT PROVOQUE... 

Car au même moment, sur fond de mobilisation des « gilets jaunes », l’affaire Benalla se poursuit, toute une série de conseillers de l’Élysée annoncent leur départ, quittant le navire en perdition. Quelques jours plus tard, le 3 janvier, l’une des figures des gilets jaunes, Éric Drouet, est arrêté. 
Le lendemain (veille de « l’acte VIII » des gilets jaunes), alors qu’un sondage annonce que 55 % des Français souhaite la poursuite du mouvement, Griveaux provoque : « Ceux qui continuent de manifester avec les gilets jaunes sont des agitateurs professionnels.
 Ce mouvement est le fait de gens qui veulent l’insurrection, qui veulent renverser le gouvernement. » 
Le lendemain des manifestations du 5 janvier, Laurent Berger, le patron de la CFDT, déclare : « Tout d’abord, un responsable économique, politique, social, qui choisit de s’exprimer sur la situation doit commencer par condamner les violences dont des manifestants se sont rendus coupables. » 
Tous sont sommés de se ranger derrière la défense du gouvernement.
 À l’inverse, comme on le verra page 5, et parce qu’il y a deux camps, des appels syndicaux sont publiés qui condamnent la répression contre les gilets jaunes et qui posent dès maintenant la question de l’action pour les revendications urgentes.
 Jean-Luc Mélenchon et La France insoumise, en raison de leur soutien aux gilets jaunes, à leurs exigences, sont attaqués de manière scandaleuse par le porte-parole du gouvernement, Griveaux, qui les accuse « d’avoir quitté le champ républicain ».
 Le 7 janvier, Philippe annonce le durcissement de l’arsenal répressif contre les manifestants.
 En d’autres termes, dans un contexte d’instabilité politique totale, ce pouvoir éperdu, aux abois, tente de répondre à l’insatisfaction du capital financier en cherchant à forcer le passage, ouvrant sur une situation grosse de dangers.
 EN FACE... En face, il y a le mouvement de fond dont le soulèvement des gilets jaunes est le symptôme et que le gouvernement cherche à occulter, à étouffer.
 Un soulèvement spontané surgi en dehors du contrôle des directions traditionnelles des partis et des syndicats, et qui veut contrôler son propre mouvement.
 Un soulèvement qui exprime ce qui mûrit au sein de la classe : l’aspiration des plus larges masses à échapper au chaos auquel conduit la politique menée par les gouvernements au service du capital financier, l’aspiration de la plus grande majorité à prendre ses affaires en main.
 Derrière ce premier soulèvement, se profile la question de ces institutions antidémocratiques bonapartistes de la Ve République. Dans cette situation d’instabilité politique totale, nul ne peut prévoir ce qui va se passer, mais le mouvement des gilets jaunes est une première secousse qui annonce d’autres répliques qui embrasseront des masses plus larges encore.
 C’est toute l’importance dans cette situation de l’organisation, du regroupement de la force, du réseau de ces militants ouvriers d’appartenances et d’origines diverses, de ces travailleurs, de ces jeunes, de ces « gilets jaunes » qui se réunissent, se regroupent dans les comités de résistance et de reconquête.

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