Moscou durcit le ton à l'égard d'Israël. Au lendemain de nouvelles accusations proférées par le ministère de la défense russe au sujet de son appareil abattu il y a une semaine en Syrie, Vladimir Poutine s'est entretenu, lundi 24 septembre, avec le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou. Selon le compte rendu du Kremlin, la Russie considère que " la raison principale de la tragédie ", au cours de laquelle 15 passagers ont péri, est le comportement des forces aériennes israéliennes. Pourtant, au lendemain de cet événement, le président russe avait évoqué un simple " enchaînement de hasards tragiques ".
Le 17 septembre, un appareil russe de reconnaissance électronique de type IL-20 avait disparu des radars au moment où quatre avions de chasse F-16 israéliens effectuaient un raid autour de Lattaquié. Le ministère de la défense russe avait mis en cause l'attitude des avions israéliens, qui se seraient dissimulés sous l'Iliouchine. L'armée israélienne, elle, a souligné le rôle décisif de la multitude de missiles sol-air déclenchés par Damas, alors que les avions de chasse n'étaient plus dans la zone. En somme, l'amateurisme de l'armée syrienne aurait entraîné le drame. Pour les Russes, pas question d'incriminer l'allié et hôte syrien. Le ministre de la défense, Sergueï Choïgou, a fait plusieurs annonces lundi destinées à
" refroidir les têtes brûlées ". Des systèmes de défense antiaériens S-300 seront livrés dans les deux semaines à l'armée syrienne. Leur fourniture avait été gelée en 2013 à la demande de l'Etat hébreu. Il était déjà question en avril de débloquer ce dossier.
Le ministre a ajouté que les postes de commandement de l'armée syrienne seraient équipés de systèmes de contrôle permettant d'identifier sur-le-champ tout appareil russe. Enfin, a indiqué Sergueï Choïgou :
" La navigation par satellite, les radars de bord et les systèmes de communication d'avions militaires attaquant des cibles sur le territoire syrien seront neutralisés par brouillage électronique dans les zones adjacentes à la Syrie en mer Méditerranée. "
Mauvaise humeur russeParmi toutes ces mesures, la plus significative est la livraison des S-300. Militairement, selon les experts, ces systèmes d'une portée de 300 kilomètres ne sont pas en mesure de paralyser les raids aériens d'Israël, même s'ils les compliqueraient. Mais ce geste témoigne d'une mauvaise humeur russe. Dans son entretien avec M. Poutine lundi, Benyamin Nétanyahou
" a expliqué que le transfert de systèmes d'armement avancés entre des mains irresponsables augmentera les dangers dans la région ", selon un communiqué.
Ces dernières années, Israël a conduit des centaines d'opérations militaires en Syrie, visant à la fois des convois d'armements destinés au Hezbollah libanais et des infrastructures iraniennes bâties dans le pays. Moscou a laissé faire. La priorité israélienne aujourd'hui est de ne pas participer à une escalade verbale avec les Russes, dont ils connaissent le rôle pivot en Syrie. Le cabinet de sécurité israélien doit se réunir mercredi autour du premier ministre.
Il apparaît clairement pour tous les acteurs que les événements du 17 septembre peuvent constituer un tournant dans les rapports entre Israël et la Russie en Syrie. Benyamin Nétanyahou avait réussi avec habileté à entretenir une relation de travail étroite avec Vladimir Poutine, multipliant les rencontres bilatérales. Mais la Russie veille à la fois à ses intérêts et à la crédibilité de son allié syrien. Selon Ofer Zalzberg, analyste à l'International Crisis Group,
" les responsables et les experts israéliens ont exprimé des vœux pieux, en prenant à la lettre l'expression de Poutine sur l'enchaînement de hasards. Poutine signalait ainsi que ceux qui appelaient à une rétorsion contre Israël allaient trop loin. Mais il a sûrement estimé dès le début que cet incident offrait l'occasion de réviser le mécanisme de désescalade entre les deux pays, dans la perspective de la période post-conflit en Syrie. Une période nouvelle, avec des règles inédites. "
Ce mécanisme de désescalade entre les deux états-majors, entre officiers parlant tous russes, a bien rempli sa vocation jusqu'à ce jour. Mais il n'a jamais été question de coordination, Israël ne voulant pas compromettre la réussite de ses raids. Le vrai test pour mesurer l'impact de cette crise sera la prochaine opération d'Israël en Syrie. Nul doute que l'état-major et M. Nétanyahou mesureront au trébuchet l'intérêt de la cible.
Piotr Smolar
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