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samedi 3 février 2018

L'exécutif veut bouleverser la fonction publique

3 février 2018

L'exécutif veut bouleverser la fonction publique

Le premier ministre a présenté, jeudi 1er février, les premières pistes du gouvernement pour réformer l'Etat

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MACRON SOUTIENT UNE " GESTION CONTEMPORAINE "
Emmanuel Macron a défendu, jeudi 1er  février, les annonces -faites, le même jour, par le gouvernement, au sujet de la réorganisation des services publics. " Ce n'est pas la fin de la fonction publique ", a déclaré le -président de la République, -interrogé par la presse, au -second jour de sa visite à Tunis. Cette modernisation pose " les conditions de la pérennité véritable " de la fonction publique, qui ne doit pas apparaître aux yeux de l'opinion comme " une citadelle protégée ".
" Bien sûr, nous garderons le -statut - des fonctionnaires - ,mais il faut avoir une souplesse de gestion, car c'est une bonne manière d'avoir une gestion contemporaine ", a-t-il estimé. Comme les textes fondateurs de la fonction publique ont été promulgués peu après la Libération, " des éléments de bon sens de la gestion (…) ne sont plus appliqués à cause des rigidités ", selon lui. Il faut donc permettre à l'Etat de se " réorganiser plus vite, comme le font les entreprises "" Sinon, vous gérez tout par le statut, y compris l'impossibilité de bouger ", a-t-il expliqué.
Le ton est donné. A l'issue d'une réunion avec quinze ministres, jeudi 1er  février, le premier ministre a présenté les premières pistes du gouvernement pour réformer l'Etat. Il s'agit de s'attaquer aux piliers de la fonction publique : recours accru aux contractuels, rénovation du statut du fonctionnaire, rémunération au mérite… Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, a même annoncé " un plan de départs volontaires pour ceux qui souhaiteraient partir, conséquence de la réforme de l'Etat ".
Le gouvernement sait qu'il s'engage en terrain miné. " Nous n'avons aucun doute, a dit Edouard Philippe, sur le fait que nous puissions heurter la sensibilité ou les équilibres auxquels certains se sont habitués. On ne répare pas un pays, on ne vise pas haut sans avoir conscience qu'il faut parfois bousculer et modifier ces équilibres. "
Le premier ministre défend l'ambition du processus. Pas question, en effet, de se contenter de supprimer des postes, de mettre en œuvre " une politique du rabot "consistant, comme l'avait imposé Nicolas Sarkozy en  2007, à ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Le gouvernement vante " un travail de fond " et assure " réfléchir sans totem ni tabou à la transformation de l'action publique ". Au-delà de l'amélioration de la qualité des services publics, l'objectif a été fixé par le président de la République : baisser la part de la dépense publique dans le PIB de 3  points et réduire le nombre de fonctionnaires de 120 000 sur la durée du quinquennat.
" Nouveau contrat social "Le comité interministériel au terme duquel MM. Philippe et Darmanin ont fait ces premières annonces est un point d'étape. Lancée en septembre  2017, la réforme de l'Etat doit être arrêtée en avril au terme d'un travail de consultation et de réflexion. Installé en octobre, un " Comité Action publique 2022 " est chargé d'une " profonde revue des missions et dépenses de l'ensemble des administrations publiques ". Son rapport est attendu début avril. Un " Forum de l'action publique " a également été lancé afin de consulter, depuis novembre, agents et usagers. Une restitution des débats est programmée ce mois-ci. En parallèle, le gouvernement a donc engagé des " chantiers transversaux " : ressources humaines, simplification et qualité de service, transformation numérique des services publics.
La réforme de l'Etat transformera les métiers, ont souligné MM. Darmanin et Philippe. Le premier ministre a assuré que ces mutations seraient accompagnées, qu'il s'agisse de" reconversions ", de " mobilités " ou de " départs vers le secteur privé ". C'est tout le but du plan de départs volontaires évoqué par M. Darmanin. Le gouvernement a prévu une enveloppe de 700  millions d'euros sur le quinquennat pour accompagner la transformation de l'action publique, dont 200  millions dès 2018. Ils serviront notamment à financer ce plan inédit dans la fonction publique.
Le gouvernement a également indiqué que " les possibilités de recourir aux contrats seront largement étendues ". Les manageurs publics, auxquels " plus de liberté et plus de responsabilité " seront accordées, pourront y recourir plus facilement. Aujourd'hui, les contractuels représentent 17 % des effectifs, soit 900 000 personnes, selon les chiffres officiels. Mais la CGT les estime à " 20  % au bas mot ". Historiquement réduit à une place " dérogatoire ", le contrat tend à occuper une part de plus en plus complémentaire, au risque de constituer une " fonction publique bis ", note Arnaud Freyder, haut fonctionnaire, dans La Fonction publique (LGDJ, 2013).
C'est une manière de toucher au statut des fonctionnaires, dont les bases ont été posées en  1946. Tout en se disant " légitimement attaché " aux grands principes qui le régissent, le premier ministre estime qu'il faut " l'assouplir, faire en sorte qu'il puisse redevenir un cadre efficace pour l'action publique, pas une fin en soi ". Car " les règles statutaires se sont un peu sédimentées, l'application du statut s'est rigidifiée ", estime-t-il.
C'est dans cet esprit qu'il entend " simplifier " les instances représentatives des personnels. Ce " nouveau contrat social " que l'exécutif souhaite proposer aux agents publics s'accompagnera du renforcement de leur évaluation et du développement de la rémunération au mérite que -Nicolas Sarkozy avait consacrée en  2009, avant que François Hollande ne revienne partiellement dessus. Un mécanisme d'intéressement collectif, tel qu'il existe dans le privé, pourrait également être développé, et le passage par le privé valorisé.
Pour mener à bien son projet de transformation de l'Etat, Emmanuel Macron en appelle aux jeunes énarques. Après avoir passé deux années, dès leur sortie de l'école, dans des fonctions d'inspection et de contrôle, ils seront dorénavant invités à s'investir sur les chantiers prioritaires du gouvernement. Une trentaine de fiches de postes devraient rapidement être rédigées.
Le gouvernement mise aussi sur la publication d'" indicateurs de résultats et de qualité " supposés refléter la satisfaction des usagers. Et le recours au numérique sera généralisé. Le gouvernement " se donne pour objectif, au 1er  janvier 2022, de rendre la totalité de ses services publics accessibles en ligne, y compris via un téléphone mobile ".
" Abandon des missions "Gérald Darmanin et son secrétaire d'Etat, Olivier Dussopt, vont devoir maintenant discuter de tous ces sujets avec les syndicats. La concertation va s'étendre sur toute l'année. La partie s'annonce ardue. Les organisations syndicales, déjà échaudées par le gel du point d'indice et le rétablissement du jour de carence et déçues par la réponse du gouvernement après la journée de mobilisation du 10  octobre, réagissent très mal à ces nouvelles annonces.
" Dynamitage de la fonction publique ", a dénoncé Solidaires. " En marche rapide vers un recul ? ", s'est interrogé l'UNSA. " Si les orientations du gouvernement devaient aboutir, ce serait la fin de la fonction publique d'intérêt général ", abonde la FSU. La CGT estime de son côté qu'" on a franchi la ligne jaune. Le gouvernement choisit la confrontation ", a considéré Jean-Marc Canon, secrétaire général de la CGT fonction publique. Le plan de départs volontaires, en particulier, révolte le syndicat majoritaire. " Cela montre que la réforme de l'Etat est orientée, a commenté M. Canon. Elle vise à l'externalisation et à l'abandon pure et simple de missions. -Sinon, pourquoi inciter les agents à partir ? " Les organisations doivent se retrouver le 6  février. La question d'une nouvelle mobilisation sera posée.
Benoît Floc'h
© Le Monde

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