Il y a ceux qui sont ravis de claquer la porte pour aller militer ailleurs, et ceux qui seraient bien restés si on ne les avait pas " démissionnés " contre leur gré. Depuis la catastrophe des élections présidentielle et législatives, le Parti socialiste voit le nombre de ses adhérents se réduire partout en France. Contraints ou volontaires, les départs se font parfois dans la douleur et illustrent la crise que traverse une formation qui peine à redéfinir son identité.
A la mi-octobre, Aurélie Filippetti, ancienne ministre de François Hollande devenue frondeuse, a révélé avoir reçu une lettre de la fédération de Moselle, lui signifiant qu'elle s'était exclue elle-même du parti. Une sentence justifiée par le soutien qu'elle a apporté à une liste dissidente lors des dernières sénatoriales.
" J'ai l'impression qu'il y a vraiment un mouvement presque de purge politique avec ceux qui ont défendu une ligne plus à gauche " que celle du parti dernièrement, a-t-elle regretté dans la presse. Et d'assurer :
" Il n'y a pas que dans ma fédération qu'il y a des opérations comme ça. "
A quelque 500 kilomètres de là, dans l'Allier, Bernard Pozzoli a reçu de ses instances locales un courrier similaire, fin juillet. Il lui était également reproché son soutien à un candidat dissident, cette fois aux législatives.
" Ça ne devrait pas arriver, observe-t-il,
on est déjà suffisamment dans la panade au PS pour ne pas exclure des gens. " Selon ce conseiller départemental, qui se classe dans
" l'aile gauche " du parti, il ne s'agit rien de moins qu'une opération de nettoyage orchestrée par le jeune patron de la fédération, Nicolas Brien, contre
" les gens qui le dérangent ". Ce chef qui, soutient-il,
" a voté Macron " aux deux tours de la présidentielle,
" s'est mis en tête de régler ses comptes ".
Il prévient :
" Moi, je suis adhérent depuis quarante ans ; ce n'est pas un premier fédéral de 28 ans qui va me faire trembler. " M.
Pozzoli et la quinzaine de socialistes qui sont dans son cas dans l'Allier remuent ciel et terre pour contester leur sanction. Ils ont saisi la commission nationale des conflits du PS et adressé une lettre ouverte, signée par 130 personnes, à la direction collégiale provisoire pour se plaindre du fonctionnement de la fédération, demandant même son placement sous tutelle.
" Clarification "L'ambiance est électrique, le conflit ouvert. Mais M. Brien se veut
" serein " et déplore une série d'
" intox ". " Je veux bien qu'on me montre un seul de mes écrits où j'appelle à voter Macron ", se défend-il.
Plus grave, il critique à propos de la lettre ouverte un
" faux en écriture " et des
" méthodes dignes de - l'ancien maire de Paris -
Jean Tiberi ", voyant parmi les signataires
" des gens en maison de retraite qui ont été clairement abusés ",
" des personnes qui n'ont jamais été au PS " ou qui
" ne résident pas dans l'Allier ".
Autre département, autre histoire de lettre. Une conseillère départementale raconte au
Monde – sous couvert d'anonymat parce que
" les pressions sont fortes " – avoir été sortie du parti sans avoir été informée, en compagnie d'une collègue.
" Tous les militants de la fédération ont reçu mi-septembre un courrier disant que nous étions démissionnaires -d'office, décrit-elle,
mais à aucun moment nous n'avons été prévenues. "
Les deux élues s'attendaient à être sanctionnées, elles aussi avaient fait campagne en faveur d'une candidature dissidente aux législatives. Elles s'émeuvent toutefois de la méthode.
" Je suis choquée, témoigne l'une d'elle, membre du PS depuis plus de vingt ans.
Dans la fédération, il n'y a plus de débat, tout n'est qu'affaire de clanisme, et en plus, on ne vous avertit même pas quand vous êtes viré ! " Elle, qui voit
" les macronistes du PS local faire du prosélytisme sur les réseaux sociaux " sans être inquiétés, se dit victime d'une
" purge ". Avec sa collègue, elles ont décidé de ne pas contester leur démission forcée et de rejoindre un comité du M1717, le mouvement créé par Benoît Hamon.
Les responsables locaux s'appuient sur deux circulaires nationales diffusées en mai et en septembre pour justifier ces radiations. Les documents, signés par Jean-Christophe Cambadélis, alors premier secrétaire, rappellent tous les cas dans lesquels un adhérent
" se - met -
de lui-même en dehors du PS et - est -
réputé démissionnaire ".
M. Brien, dans l'Allier, minimise l'ampleur des départs forcés, assurant qu'il y a eu
" autant de procédures disciplinaires en 2014, après les municipales, qu'en 2017 ". " Dans chaque organisation politique, il y a des règles collectives et il y a toujours des gens qui s'en affranchissent. Il doit y avoir des moments de discipline. "
Il admet que dans sa fédération,
" on a eu à couper les deux bords de l'omelette, à savoir la partie qui a fait un pas dans le camp macroniste et celle qui est allée vers Mélenchon ou d'autres candidats de gauche ".
" Il n'y a pas eu de drame, nous avons juste appliqué les statuts ", complète Michel Neugnot, qui a pris des décisions similaires dans la fédération de Côte-d'Or, qu'il dirige. Il s'agit pour lui d'une
" clarification qui vaut pour l'avenir ". A ceux qui ont récemment repris leur carte au PS, le vice-président de la région Bourgogne-Franche-Comté a donné un avertissement :
" J'ai prévenu qu'il n'est pas question de travailler en interne à la reconstruction et ensuite, parce que le résultat déplaît, de partir ailleurs. On a trop joué des ambiguïtés par le passé ".
Cri d'alarmeLe sujet a tout de même été abordé récemment à Solférino, en bureau national. Mais
" il n'y a pas de situation générale, et en aucun cas de démarche collective ou nationale ", affirme Rachid Temal, le coordinateur du PS. Le sénateur du Val-d'Oise évoque des
" cas isolés " qui peuvent donner lieu à d'éventuels recours, lesquels seront
" examinés, dans le sérieux, l'impartialité et le respect ". Leur nombre, dit-il,
" est très faible ; ce n'est pas un fait politique ".
Toujours est-il que, dans les départements,
" tous les premiers fédéraux ou presque "ont utilisé les circulaires pour débroussailler leurs effectifs, certifie un cadre du parti. Quand les déçus ne partent pas d'eux-mêmes… Courant octobre, les anciens députés frondeurs Pascal Cherki et Barbara Romagnan ont ainsi annoncé leur départ du PS, le premier souhaitant s'investir dans le M1717 de M. Hamon.
A Bayeux (Calvados), la petite section locale a littéralement implosé en septembre, quand la quasi-totalité de ses membres – huit sur dix adhérents
" actifs " – ont rendu leur carte.
" Ce qui a fait mal, ce sont les divisions internes au PS depuis plusieurs années ", explique Stéphane Guillot, l'ancien secrétaire de section. Il se décrit comme
" légitimiste " et aurait souhaité que François Hollande se représente en 2017.
Au printemps, lui et ses camarades ont appelé à voter pour le candidat de La République en marche (LRM) aux législatives. Ils contestaient le choix fait par le PS de soutenir Isabelle Attard, à la tête d'une liste d'union de la gauche, et qui
" pendant cinq ans à l'Assemblée a toujours été dans l'opposition la plus totale au gouvernement ".
Quelques mois plus tard, M. Guillot a finalement sauté le pas et est parti pour de bon. Il travaille maintenant à la création d'une association
" de centre gauche " qui doit réunir des membres du PS et de LRM ainsi que des non-encartés pour
" recréer un espace " et
" peser dans le débat ".
Officiellement, le PS compte environ 90 000 adhérents. Ce nombre est toutefois contesté en interne par certains qui avancent un chiffre plus proche de 40 000 militants à jour de cotisations. Ce qui a récemment provoqué ce cri d'alarme chez un ancien député :
" Si on ne fait rien, Hamon aura à la fin de l'année plus d'adhérents que le PS. "
Enora Ollivier
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