dimanche 29 octobre 2017

Les indépendantistes veulent résister à la mise sous tutelle


29 octobre 2017.

Les indépendantistes veulent résister à la mise sous tutelle

Les dirigeants séparatistes entendent continuer à mobiliser leurs partisans en vue du scrutin régional convoqué par Madrid le 21 décembre

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Le mouvement indépendantiste catalan affronte son plus grand défi : mobiliser ses sympathisants sur la durée et éventuellement, si la résistance face à Madrid l'exige, les pousser à la désobéissance et à l'insoumission.
Dans le cadre de la nouvelle stratégie et afin de résister à la mise sous tutelle décidée vendredi 27  octobre par le Sénat espagnol, l'Assemblée nationale catalane (ANC), une des plates-formes de mobilisation des séparatistes, a demandé aux 200 000  fonctionnaires de la Généralité de " soutenir le gouvernement légitime " de Carles Puigdemont et d'opposer une résistance passive aux instructions qu'ils pourraient recevoir dès l'application de l'article  155 de la Constitution, " qui ne respecte pas les lois en vigueur ". Quant au syndicat indépendantiste Inter-CSC, il parlait de convoquer une grève générale de onze jours, à partir du 30  octobre.
Il faut trouver un récit convaincant pour cette transition délicate. C'est une chose de frôler l'abîme, c'en est une autre d'y plonger. La grande force des rassemblements de ces dernières années a été leur côté pacifique, festif, en général les jours fériés sous un beau soleil. Il est aussi relativement facile de convaincre des étudiants de se mobiliser en permanence ; un peu moins de demander à des militants plus chevronnés, même les plus convaincus, de s'insurger contre les mesures de Madrid et éventuellement d'en payer le prix.
" Désobéissance civile massive "Toute cette semaine, l'ANC et Omnium Cultural – l'autre grande organisation indépendantiste – ont organisé des réunions de fidèles dans toute la Catalogne pour expliquer ce qui risque de se passer dès la mise sous tutelle de la région.
La Candidature d'unité populaire (CUP), le groupuscule anticapitaliste – ils ne comptent que dix des 172 députés du Parlement régional –, qui regroupe le noyau dur du sécessionnisme, est allée un peu plus loin en appelant à une " désobéissance civile massive ". Après l'annonce des élections convoquées par le gouvernement espagnol, la formation a quelque peu modifié son message en proposant une " paella géante " le 21  décembre, le jour du scrutin.
Les consignes restent floues, il s'agit surtout de maintenir l'enthousiasme des militants. Les arguments répétés presque mot pour mot dans tous les meetings peuvent aussi se retrouver dans les espaces de débat de la télévision catalane, TV3, sur Twitter et dans les innombrables groupes WhatsApp et Telegram que partagent les militants.
Antoni Castella, par exemple, l'un des députés de la coalition indépendantiste Junts pel Si (Ensemble pour le oui), a rappelé au plus de 300 personnes réunies dans un théâtre du quartier de Gracia, dans le centre de Barcelone, lors de l'une de ces réunions organisées par l'ANC, que le référendum du 1er  octobre avait été " un grand succès "qui avait " permis d'attirer l'attention internationale ". Et qu'importe si l'Union européenne (UE) s'est mise du côté de Madrid, il ne s'agit que des " institutions "bruxelloises.
Lutte " entre le bien et le mal "Le député nationaliste ne donne pas de détails : " Nous luttons contre l'appareil de l'Etat. " Il se dit même disposé à " répondre au CNI ", les services de renseignement espagnols. Sourires complices dans l'assemblée. Il laisse surtout entendre, et c'est l'un des messages qui circulent le plus dans les réseaux indépendantistes, " que tout a été prévu " et que les militants pourront à nouveau contourner le dispositif mis en place par Madrid, comme ils l'ont déjà fait le jour du référendum.
Pour ceux qui auraient peur d'enfreindre les règles, M.  Castella parle d'" insoumission "et non de désobéissance, comme " ceux qui ne voulaient pas faire leur service militaire ". Il faudra bien, assure-t-il, " assumer le coût d'une transition " car " personne n'a dit qu'avoir un pays serait gratuit ". Le député termine en affirmant qu'il s'agit d'une lutte " entre la démocratie et l'autoritarisme, entre le bien et le mal ".
On est un peu plus radical dans les comités de défense de la République (CDR), créés pour organiser la logistique du référendum. " Lors de notre dernière réunion, certains ont proposé de bloquer l'accès à l'aéroport mais la plupart des participants ont trouvé que c'était une idée idiote ", raconte Maria, qui va régulièrement aux réunions de son CDR à Sant Antoni, un quartier ouvrier du centre de Barcelone en pleine gentrification.
Les comités, la plupart dans les mains des radicaux de la CUP, essayent d'être plus transversaux et incluent également des militants de Barcelona en Comu, la formation de la maire de Barcelone, Ada Colau, et ceux de la mouvance du parti radical de gauche Podemos qui ont eu dans cette crise une position ambiguë, favorable à un référendum négocié mais contre l'indépendance, que les séparatistes ont utilisée à leur avantage.
Attirer les " comuns ", comme on appelle les sympathisants de Mme Colau, fait partie de la feuille de route des indépendantistes, à en croire un document saisi par la garde civile lors d'une perquisition chez Josep Maria Jové, l'un des proches du vice-président catalan, Oriol Junqueras.
Ces " instructions " ont été incluses dans les chefs d'accusation présentés par le parquet de Madrid contre les deux responsables indépendantistes – Jordi Sanchez et Jordi Cuixart, qui président les associations à l'origine de la mobilisation sécessionniste – mis en examen par l'Audience nationale de Madrid, qui les accuse de sédition. Elles parlent de " transmettre l'idée d'une déconnexion tranquille " pour achever de convaincre ceux qui hésiteraient encore.
Isabelle Piquer
© Le Monde

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