Lu dans du Monde ( le 6.12.2012)
Mittal divise le gouvernement et le PS
Les syndicats de Florange sont
reçus le 5 décembre à Matignon. M.Hollande évite de prendre position
publiquement
Pour Jean-MarcAyrault
, la partie est d’autant plus délicate que ses propres troupes, c’est le moins
que l’on puisse dire, ne débordent pas d’enthousiasme pour le outenir.
La journée
de mardi avait, de ce point de vue, valeur de test. En fin de matinée, le
premier
ministre avait donné rendez-vous au groupe socialiste de l’Assemblée pour
lui
présenter l’accord conclu avec ArcelorMittal. Il était flanqué d’Arnaud Montebourg.
Le message était clair: après les passes d’armes du week-end entre les deux hommes,
il s’agissait de montrer que le temps de la réconciliation était revenu. Las.
Les participants sont sortis de la réunion convaincus du contraire. «On
s’attendait à un séminaire de remotivation des députés avec une belle photo de famille,
mais à la place on a eu la confirmation par le premier ministredes divergences
au sein du gouvernement», confie un élu dont l’agacement tranche
avec la bienveillance dont il fait souvent preuve à l’égard du gouvernement.
«C’est
dommage ! Le PS a une fois de plus loupé l’occasion de passer à l’offensive»
Emmanuel
Maurel leader de l’aile gauche du PS
Chacun a
ainsi remarqué le petit jeu de l’un et de l’autre. Celui de M. Montebourg qui a
serré ostensiblement les mains de plusieurs participants et tout aussi ostensiblement
oublié de serrer celle du premier ministre. Celui de M.Ayrault qui, assis à la tribune au côté
de son ministre, a répété que l’idée chère à ce dernier ’une
nationalisation
du site de Florange ne lui paraissait pas opportune.
«Ayrault
a fait un petit signe amical à Montebourg, puis a développé la ligne du
gouvernement. Il l’a totalement humilié», raconte un élu. Le ministre
du redressement
productif
s’est offert une petite revanche l’après-midi dans l’Hémicycle: quand Michel
Liebgott, député PS de Moselle, a prononcé son nom lors d’une question posée à
Jean-Marc Ayrault, les socialistes l’ont applaudi.
Palpables
au Palais-Bourbon dans la journée, les tensions entre socialistes l’ont été davantage
encore en fin d’après-midi, lors du bureau national hebdomadaire organisé rue
de Solférino, au siège du parti. Sans surprise, le dossier Florange a occupé l’ensemble
des débats. Et, là encore,les divergences se sont largement manifestées.
D’un côté,
l’aile gauche du parti, emmenée par Emmanuel Maurel, Jérôme Guedj et
Marie-Noëlle Lienemann, a exigé que le PS prenne position en faveur de la «nationalisation
temporaire» en cas de non respect de ses engagements par le
numéro un
mondial de l’acier. De l’autre, la direction, incarnée par son premier
secrétaire, Harlem Désir, a rejeté mordicus l’expression,alors même que dans un
communiqué daté du 26 novembre, le patron des socialistes soutenait encore «la
solution d’une prise de contrôle public temporaire [par] l’Etat»
de
Florange.
Au final ,
le PS s’est rangé derrière son numéro
deux, Guillaume Bachelay, appuyé par Jean-Christophe
Cambadélis,
pour reprendre dans son communiqué les mots de François Hollande,et indiquer que
«toutes les options légales et les outils publics
pourraient être activés
en cas de manquement aux engagements pris» par Mittal…
Finalement,
face au casse-tête mosellan, le pouvoir semble n’apparaître uni que dans la
contorsion sémantique.
Marie-Noëlle
Lienemann le déplore: «On dit outil public pour ne pas dire
nationalisation. Je ne vois pas pourquoi on n’appelle pas un chat un chat »,
s’agace la
sénatrice de Paris.
A travers
cette controverse, c’est au fond toute la question du rôle du PS face à l’exécutif
qui est posée, entre instrument de soutien au gouvernement et aiguillon de la majorité.
Pour Emmanuel Maurel, la direction du parti a clairement choisi la première
option. «C’est dommage, le PS a une fois de plus loupé l’occasion
de passer à l’offensive sur l’utilisation
d’un outil, la nationalisation temporaire, qui
semble
convaincre une majorité de Français», regrette le leader de l’aile gauche, qui
fait référence au récent sondage OpinionWay, publié le 29novembre, dans lequel
59%des
Français se disent favorables à une prise de contrôle temporaire du site de
Florange.
D’une
telle attitude, jugée trop frondeuse, la direction du parti ne veut pas. «On
défend la cohésion gouvernementale: Montebourg a fait un travail formidable,
Ayrault
a
tranché, à nous d’appliquer la culture de gouvernement », répond le
député de l’Essonne,Carlos da Silva, proche de Manuel Valls et soutien d’HarlemDésir,invitant
au passage l’aile gauche du parti à «dépasser son surmoi marxiste». Un autre
membre de la direction est du même avis : «On passe un
temps fou à violenter les
mouches
sur nationalisation ou pas nationalisation, oubliant qu’ on a quand même sauvé des
centaines d’emplois. C’est surréaliste!»
Face à ces
crispations, l’Elysée,pour l’heure, garde un silence prudent.Sur l’opportunité
d’une nationalisation temporaire autant que sur la gestion du dossier par
MM .Ayrault
et Montebourg, plusieurs lignes sont défendues au
Sein même de
l’ entourage de François Hollande qui, lui-même, prend soin de ne pas
intervenir publiquement dans les débats.
Bastien
Bonnefous,
David
Revault d’Allonnes
et Thomas Wieder
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