| | Hadrien Mathoux Directeur adjoint de la rédaction Budget de la Sécu : les actifs sacrifiés sur l'autel de la stabilité politique… et du confort des retraités
Ouf ! La Sécurité sociale a un budget pour 2026. À treize voix près, les députés ont voté ce mardi 9 décembre l'adoption d'un drôle de PLFSS, fruit de compromis incessants accordés par Sébastien Lecornu au Parti socialiste, nouveau pivot du jeu parlementaire. Circonspects quant au contenu du texte, les députés du bloc central ont tout de même voté « pour », tandis que l'abstention d'élus écologistes ou LR a définitivement fait basculer la soirée du côté du soulagement pour le gouvernement…
Les députés ont franchi la première étape pour écarter le spectre d'une nouvelle dissolution, et justifient leurs choix en invoquant la sacro-sainte stabilité politique. Pourquoi pas. Reste que la copie budgétaire rendue, si elle fait gagner du temps au gouvernement et à l'Assemblée, obère dramatiquement l'avenir des forces vives du pays. C'est bien simple : les députés n'ont rien fait pour s'attaquer aux défis qui menacent l'économie française. Les calculs de boutiquiers aboutissent à une équation perdante pour le pays.
Le déficit de la Sécurité sociale voté par l'Assemblée s'élève ainsi à 24 milliards d'euros, un chiffre artificiellement bas puisqu'il camoufle les transferts massifs de charges des comptes de la Sécu vers ceux de l'Etat. S'il y a bien une gabegie d'argent public en France, elle concerne peu l'administration, et bien davantage les dépenses sociales (retraites, santé, emploi, logement, pauvreté…) : elles représentent 56% de la dépense publique, et 31,7% du PIB, un niveau record en Europe.
Cette explosion tient bien sûr à la démographie, et au vieillissement de la population. Mais c'est aussi parce que les retraités français sont les plus choyés au monde : partis plus tôt à la retraite que leurs homologues européens, ils bénéficient de pensions d'un niveau record, perçoivent davantage d'argent qu'ils n'ont cotisé, une large part du parc immobilier, et il leur reste en moyenne de quoi épargner près d'un quart de leurs revenus. La condition de ce niveau de vie est double : un endettement massif du pays, et un niveau record de prélèvements sur les actifs, qui versent plus d'un tiers de ce qu'ils gagnent pour financer le système.
Conséquence inévitable, et effet boule de neige à venir : la chute de la natalité, puisque le taux de fécondité est passé sous la barre de 1,6 enfant par femme, et que le nombre de décès a dépassé celui des naissances. La vaste enquête que mène une mission parlementaire sur la dénatalité montre que le désir d'avoir deux, trois ou même quatre enfants reste solidement ancré dans la jeunesse. Mais cette dernière n'a bien souvent pas les moyens de s'offrir un logement décent, ou d'épargner suffisamment pour fonder une famille dans de bonnes conditions.
Loin de vouloir corriger cette situation, les députés l'ont aggravée. Ils ont suspendu la réforme des retraites, offrant aux derniers nés du baby-boom l'opportunité de quitter le travail aussi tôt que leurs prédécesseurs, un choix unique au monde. Ils ont renoncé à désindexer les pensions de l'inflation, même celles des plus fortunés ; également décidé de ne pas supprimer l'abattement de 10% à l'impôt sur le revenu des retraités ; ni leur taux de CSG inférieur à celui des actifs ; ni le remboursement intégral des franchises médicales, ou encore des cures thermales.
C'est bien simple : rien n'a été demandé aux plus âgés. Pas le moindre effort intergénérationnel n'a été enclenché pour rééquilibrer la balance. En sus des prélèvements sur les actifs et de l'endettement public, il faut ajouter le sacrifice de l'avenir : les dépenses d'investissement sur l'éducation, la recherche et l'enseignement supérieur ont été coupées, et sont désormais inférieures à la moyenne européenne. Ces choix obéissent à une certaine rationalité politique, puisque la majorité du corps électoral a désormais plus de 50 ans et que les retraités votent davantage que les jeunes. Mais il s'agit bien d'un suicide économique. Twitter @hadrienmathoux
|
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire