samedi 25 octobre 2025

L'ECLAIREUR - [ Avoirs russes] L'UE se décompose mais Bruxelles regarde ailleurs - Samedi 25 octobre 2025

 

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[ Avoirs russes] L'UE se décompose mais Bruxelles regarde ailleurs

En octobre 2024, la cour des comptes européenne alertait sur le risque que faisait peser l'aide à l'Ukraine sur le budget de l'UE. Un an plus tard, Bruxelles veut lancer un prêt inédit.

 
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On ne sait s’il est drôle ou suicidaire de voir Bruxelles tenter de voler, une énième fois, et désormais un peu seule, au secours de Kiev. De voir l’Union européenne s’échiner à échafauder un plan pour octroyer un prêt qui dépasse tous les entendements. On parle là d’un montant qui pourrait atteindre 140 milliards d’euros afin d’aider l’Ukraine à se reconstruire, mais aussi à acheter des armes – si possible aux Américains, voir dans un autre registre le sketch des F-35 achetés par la Belgique mais incapables de voler dans un espace aérien aussi petit que celui du plat pays.

Un prêt inédit aussi dans sa forme, à taux zéro et garanti sur les revenus des avoirs gelés de la la banque centrale russe dans l’UE (environ 210 milliards d’euros), avec l’idée de faire payer Moscou comme l’UE s’est employée à mettre l’économie russe à genou. Il ne s’agit ni plus ni moins que de gager des prêts sur ces avoirs. Avec tous les risques que cela implique.

Les risques ne sont pas seulement juridiques, en termes de violation du droit international – les avoirs de la banque centrale de Russie sont protégés par le principe d’immunité souveraine – et d’utilisation de ces revenus dont on ne sait clairement à qui ils appartiennent – la Russie ? à l’UE en vertu des sanctions ? A Euroclear l’intermédiaire dépositaire ?

Ils sont aussi géopolitiques avec un risque d’escalade évident – depuis le temps que Poutine parle de nous envahir… – ou de fracturation encore plus large au sein de l’UE. Car l’ébauche de plan, qui touche à la politique étrangère et de sanctions, réclame l’unanimité des Etats membres. La Hongrie n’en veut pas, et la Belgique pose ses conditions. Broutille que tout cela ? L’unanimité se fera à Vingt-six (sic), c’est Emmanuel Macron qui l’a dit ¹.

Mais surtout, le risque est économique et financier. Pour la Russie ? Caramba encore raté. Le prêt étant à taux zéro pour Kiev, tout le monde aura compris que c’est l’UE qui endosse le risque financier. Que les revenus des avoirs russes gelés soient insuffisants pour couvrir la totalité du prêt ou qu’ils soient bloqués juridiquement et c’est le contribuable européen qui paiera. Que la Russie récupère ses avoirs et que le mécanisme de remboursement s’effondre, c’est aussi pour la pomme de l’UE.

Le hic dans toute cette histoire sans queue ni tête est qu’aucune leçon n’est tirée des précédents et des avertissements. Il y a un an, la cour des comptes européenne alertait sur les risques que faisait peser l’aide à l’Ukraine sur le budget de l’UE et, derrière, sur les finances des Etats membres.

Nous re-publions notre article du 11 octobre 2024, en accès libre.

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Du “quoi qu’il en coûte” appliqué à l’Ukraine

L’aide financière à l’Ukraine plombe gravement les finances de l’Union européenne. La manière dont sont octroyés les prêts font du contribuable européen le premier dindon de la farce.

Déclaration conjointe du Président Emmanuel Macron et du Président de l’Ukraine Volodymyr Zelensky - source Elysée

Le jour où Emmanuel Macron recevait à l’Elysée Volodymyr Zelensky pour lui réitérer son soutien à l’Ukraine, le gouvernement Barnier dévoilait les premières mesures, entre économies et hausses d’impôt, qui seront soumises au vote du parlement pour faire baisser le déficit public.

Le parallèle est saisissant. Mais il ne s’agit pas de seulement regarder ce nouvel épisode d’ukrainolâtrie à l’aulne de ce qui se passe sur la scène de la politique intérieure française. Le dirigeant ukrainien (qui n’est plus formellement président depuis mai dernier) craint à raison le désengagement des Etats-Unis dans sa guerre contre la Russie. Et s’est donc lancé une nouvelle fois dans une tournée européenne qui le mènera dans plusieurs capitales. Après Paris, le président ukrainien est attendu à Rome et à Londres.

Autre parallèle frappant : la veille de la venue de Zelensky à Paris, la Cour des comptes de l’Union européenne a fait savoir dans un rapport qu’elle se montrait passablement inquiète pour les finances publiques de l’UE. En cause : la Covid et l’Ukraine qui plombent les comptes publics. Il ne s’agit pas tant du montant des aides et prêts octroyés à l’Ukraine, que de la façon dont ils sont octroyés.

Le fardeau de la dette

Non seulement l’UE est endettée mais elle s’endette de plus en plus. Et de manière alarmante. En contravention avec les traités. Entre 2022 et 2023, sa dette a bondi de plus de 30 %. Elle est passée de 348 milliards à 458,5 milliards d’euros. Et elle est deux fois plus élevée qu’en 2021.

L’UE est devenue “ l’un des principaux émetteurs de dette d’Europe”. Ce n’est pas nous qui le disons mais la cour des comptes dans son rapport publié le 9 octobre. En cause, l’inflation, mais pas seulement. Le programme NextGeneration EU, entièrement financé par la dette, pèse aussi dans les comptes de l’UE. A lui seul, le plan de relance post-Covid s’est traduit par la souscription de plus de 268 milliards d’euros d’emprunts en 2023, emprunts sans aucun effet sur l’économie.

En tout, la Commission européenne a prévu d’emprunter sur les marchés des capitaux des fonds d’un montant total de 800 milliards d’euros. Montant qu’il faudra rembourser à compter de 2027.

Comment ? La Cour des comptes doute que la proposition de Bruxelles d’utiliser ses ressources propres soit suffisante pour rembourser la dette du plan de relance. Bref, il faudra souscrire de nouveaux emprunts pour rembourser les actuels dans la même spirale de l’endettement que la Commission européenne reproche à la France, à la Belgique, l’Italie, Malte etc.

La charge de la dette, c’est la capacité non pas seulement à rembourser les emprunts mais aussi à en payer les intérêts. Or, ce poste de dépenses enfle à vue d’œil. En France, la charge de la dette explose. Elle est aujourd’hui de 57 milliards d’euros. Demain, en 2027, elle devrait atteindre 84 milliards d’euros d’après Pierre Moscovici, le premier président de la cour des comptes, pour devenir le premier poste de dépenses devant l’Education nationale… A rajouter aux 3 000 milliards de dettes.

Au sein de l’UE, le coût des intérêts de la dette explose également. La charge de la dette pour financer les plans de relance européens a ainsi quasiment triplé, et devrait atteindre 42 milliards d’euros. Une “bombe à retardement”pour le budget de l’UE, soulignait le rapporteur sur le budget de l’UE Siegfried Mureșan (Parti populaire européen, PPE).

Un budget européen sérieusement mis à mal pas seulement par le plan de relance post-Covid. Le soutien à la guerre en Ukraine fait lui aussi planer un énorme risque financier sur l’UE (ce n’est pas nous qui le disons mais encore la Cour des comptes européenne)

En 2023, l’aide à l’Ukraine a plus que doublé, passant de 16 à 33,7 milliards d’euros – sur un total de plus de 70 milliards, chiffres arrêtés en juin 2023, voir le détail ci-dessous.

Non seulement, il n’est pas dit que l’Ukraine parvienne à rembourser ces prêts, au moins dans les délais, contribuant à aggraver l’endettement de l’Union européenne puisque le défaut de paiement serait directement supporté par les futurs budgets de l’UE, alerte la Cour des comptes. Mais de nouveaux instruments, mis en place début 2024 pour aider Kiev, viennent en rajouter une couche.

C’est la facilité pour l’Ukraine. Un programme – hors aide militaire et aide aux réfugiés qui relèvent d’autres dispositifs – à hauteur de 50 milliards d’euros prévu jusqu’en 2027, et spécifique à l’Ukraine pour l’aider dans sa reconstruction. Un soutien mis en place sans aucune étude d’impact, sur l’Ukraine comme sur les finances de l’UE. Sans véritable contrepartie, le dispositif mentionnant un vague respect des droits de l’Homme ou des mécanismes démocratiques effectifs – rappelons que Volodymyr Zelensky est depuis 2023 un président non élu. Et sans beaucoup de contrôles, ce dans un contexte de grande corruption systémique.

A ce titre, il faut lire l’avis rendu en 2023, avant la mise en place de la facilité, de la Cour des comptes de l’UE.

Ces cinquante milliards d’euros se répartissent en un peu plus de 17 milliards d’euros de subventions et de bonifications d’intérêts, non remboursables par Kiev. Et en 33 milliards d’euros de prêts contractés sur les marchés financiers et couverts par la “marge de manœuvre” ² du budget de l’UE. A des conditions très avantageuses pour Kiev ³, beaucoup moins pour l’UE en cas de défaut de paiement de l’Ukraine. Ou pour les Etats-membres et in fine le contribuable européen, dans le cas où ce qui reste de “marges de manœuvre” du budget de l’UE ne permette… aucune marge de manœuvre.

Auquel cas la Commission européenne pourra en dernier recours demander des ressources aux États membres pour les affecter au service de la dette de l’UE…

Dit autrement, non seulement l’UE dépense pour l’Ukraine, mais elle s’endette aussi pour l’Ukraine, faisant peser un risque de plus en plus accru sur les finances publiques. En 2022, la Cour des comptes avait déjà souligné “l’augmentation considérable de l’exposition du budget de l’UE à la situation en Ukraine”.

Ce ne sera peut-être pas la seule facture à régler. Ce même 9 octobre, les pays de l’Union européenne ont donné leur feu vert à un plan du G7 visant à accorder un prêt de 35 milliards d’euros sous couvert de financement via les bénéfices tirés du gel des avoirs russes à la suite des sanctions occidentales contre Moscou.

Sauf que rien ne dit que cette monnaie d’échange sera encore de mise passée novembre et l’élection présidentielle américaine si Trump l’emporte et décide de lever les sanctions. Ce sera alors à l’Occident de payer la facture, et notamment les Vingt-sept. Rappelons qu’initialement le plan du G7 prévoyait un financement à part égales entre l’UE et les Etats-Unis.

1

« A l’unanimité à 26nous avons réaffirmé notre soutien à l’Ukraine ». Emmanuel Macron cité par Le Monde.

2

La marge de manœuvre est la différence entre le plafond du CFP, auquel la facilité déroge, et celui des ressources propres de l’UE.

3

Prêts d’une durée maximale de 35 ans, le remboursement du principal ne débutant qu’en 2034; accompagnés de bonifications des intérêts et d’autres coûts de l’emprunt.

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