Conjurer la catastrophe Quand la fumée des mots creux ministériels sera retombée, quand la froideur des chiffres du pillage du pouvoir de vivre populaire va se révéler dans toute sa cruauté, alors la puissance de l’agression sociale, démocratique, écologique, culturelle apparaîtra dans toute son ampleur. Ce que « suspension » veut dire « Suspension » n’est devenue ni un mot doux, ni un mot magique pour effacer les souffrances de la mal vie. Il n’est qu’un factice gain de temps avant de réintroduire la contre-réforme des retraites dans les insondables méandres des tuyaux parlementaires. Face au flou artistique entourant le véhicule juridique, permettant cette « suspension » le premier ministre s’est vu contraint de s’engager à adjoindre « une lettre rectificative » au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le locataire de Matignon aux propos biscornus avait déjà rassuré ses amis de la droite du Sénat : « Suspendre n’est pas renoncer », lui a-t-il promis. Puis le maitre de L’Elysée avait depuis un pays étranger explique qu’il n’y avait pas de « suspension » mais juste « un décalage ». Le diable s’incrustant dans les détails la lecture de la fameuse « lettre rectificative nous apprend qu’il ne s’agit toujours pas d’une décision puisqu’elle précise « si le parlement le décide ». Autrement dit, la suspension n’existera que si les parlementaires votent la totalité d’un budget de la sécurité sociale qui en l’état est un puit d’insupportables injustices et une machine à précariser encore plus les familles les plus modestes. Pire, encore voici que la « suspension est conditionner a un serrage de clef supplémentaire sur le froid boulon de l’austérité : baisse importante des pensions de retraites sur plusieurs années et augmentation des cotisations aux mutuelles et aux assurances. Ajoutons à ce cocktail indigeste les fluctuations fantaisistes du prétendu « coût » de ladite suspension et le mystère entourant le sort de celles et de ceux qui ont commencé à travailler jeune c’est-à-dire les carrières longues. Ainsi ce pouvoir réactionnaire, comme ses prédécesseurs fait payer sa régression sociale au peuple lui-même tout en y semant toutes les graines de division. Les travailleurs, les jeunes, les retraités auraient grand tort de se laisser berner et diviser par le « cercle de la raison capitaliste. Il convient de démonter, de démontrer la grandeur de cette manipulation. Sécurité sociale ou capital. Les mandataires du grand capital, en ébullition prépare la suite. Elle est effroyable! On l’a lit entre les lignes des logorrhées ministérielles, et des répétiteurs attitrés des dogmes des possédants et rentiers : l’assassinat à balle réelle du système de retraite par répartition, la semaine même où ce beau monde fait mine de célébrer, la main sur leur cœur froid, les quatre fois vingt-ans de la Sécurité sociale. Tout en maniant l’arme de la peur de l’impossibilité du financement des retraites, ils susurrent à l’oreille d’une bienveillante presse qu’il existe d’autres choix : soit la retraite par point, soit celle par capitalisation. Nous y voilà ! On peut donc changer les ministres, la mission reste la même, les mots et les projets sont les mêmes : ils font semblant de parler au peuple ou quelquefois à la représentation nationale. En vérité, ils défrichent le terrain pour les rapaces qui couvent le capital dans les institutions financières : banques, assurances, fonds financiers. Ceux-là sont pressés. Très pressés. Dotés d’étranges agences de « notation », ils distribuent les bons et les mauvais points. Leur sujet n’est pas le bien-être humain, l’amélioration de l’environnement, ou une nouvelle impulsion démocratique. C’est tout l’inverse. Dégrader le « pouvoir de vivre », l’emploi, les services publics, l’environnement est pour ces agences, un gage d’amélioration des profits et donc d’accumulation capitaliste. Le budget n’était pas présenté devant la représentation parlementaire, que la haute finance fulminait, mettait en garde, dépêchait des cohortes de perroquets-savants dans les grands médias inféodés pour ressasser les mêmes mots, les mêmes équations antisociales, le même mépris des classes populaires. Ainsi, L’agence « Standard and Poors » dont le nom respire le patriotisme français vient, à la suite de la vague promesse de « suspension » d’abaisser la note de notre pays. Une aubaine ! Au lieu de prélever 66 milliards d’intérêts sur la dette, ils décident de préparer un prélèvement de 100 milliards d’euros en faisant augmenter les taux d’intérêt. La férocité de la lutte de la classe capitaliste contre les classes laborieuses n’est même plus dissimulée. Les plats de la bête immonde. Elle nourrit les feux follets des angoisses, des troubles, des pertes de repères. Elle bouche l’avenir. Par grosses gorgées, elle ravitaille la bête immonde de ses carburants préférés : angoisses, dépossession des classes populaires de leur destin et de l’avenir du pays, destruction des repères et culture de l’impuissance. Quand le président de la République explique au Conseil des ministres qu’une motion de censure est « une motion de dissolution » et « doit être vue comme telle » non seulement, il confirme que le Premier ministre est devenu son piètre directeur de cabinet, mais il demande au parlement d’abdiquer ses droits et pouvoirs constitutionnels au profit des directives du palais qui applique ce que son locataire a décidé lors des réunions du Conseil européen conformément aux demandes du grand capital. Il alimente ainsi la négation de la souveraineté populaire sur laquelle surfent les extrêmes droites. Ce carburant devient encore plus inflammable quant au nom d’une prétendue « stabilité » l’un des groupes parlementaires signataire du programme du Nouveau Front populaire refuse de voter avec les autres groupes la censure. Cet acte politique réveille plusieurs sentiments, doutes et affects : il laisse percer l’idée d’un arrangement pour éviter des élections législatives anticipées provoquées par une nouvelle de dissolution de l'Assemblée nationale. Ce qui est baptisé ici du nom de « la raison » n’est que le faux nez, de la continuation de la guerre de classe, de l’amplification de la guerre sociale. Oui, une guerre sociale. En effet, l’alibi de la « suspension » n’est que l’hallali prononcé pour le gel de toutes les prestations sociales, le matraquage fiscal des retraités, la désindexation des pensions de retraite, la taxation des longues maladie, le doublement des franchises médicales, la réduction des allocations familiales, les pressions sur le budget de la santé et de l’éducation nationale, le prolongement des régimes sec pour les budgets de la culture et des sports alors que le grand capital et les détenteurs de patrimoine et de rentes continuent d’être exonéré de contribution au bien commun, que les actionnaires du capitalisme industriel et numérique continueront de se servir à la grosse caisse des 211 milliards d’aides publiques pour gonfler leurs dividendes. Mieux encore ! Les éphémères ministrillons en service temporaire invoquent désormais l’argument « d’une coûteuse suspension » de la contre-réforme des retraites afin d'augmenter des impôts et pour affûter encore plus leur hache contre les investissements humains. Pour couronner le tout, voici que l’ancien président socialiste de la République y va aussi de son couplet en faveur de la retraite par capitalisation. De même, se laisser éblouir par la possible non-utilisation de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, revient à négliger tous les autres articles constitutionnels et ceux inscrits dans le règlement du Parlement pour mettre l'Assemblée nationale au pas en lien avec les gesticulations de la droitière majorité sénatoriale. Le mouvement social qui a commencé en septembre dans le prolongement des grandes actions s’opposant aux contre-réformes du droit du travail puis des retraites, celles des gilets jaunes ou de la pétition contre la loi Duplomb ne doit pas désarmer. Laisser le débat dans les seules enceintes parlementaires, c’est se condamner à l’impuissance qui prépare au pire. On sait ce que valent les flots de mots creux prononcés aux tribunes : l’expérience de l’entourloupe du conclave sur les retraites doit servir de vaccin, comme d’autres tombereaux de promesses qui n’ont engagé que celles et ceux qui y ont cru. Du reste, les grandes inquiétudes de la haute bourgeoisie prédatrice sont nourries par la force et l’unité de ces mouvements sociaux et citoyens. Elle s’acharne donc à les affaiblir, à les détourner, à les éteindre. La question intéresse le capital international qui fera tout pour empêcher que la France choisisse une autre voie que celle qui correspond à ses intérêts. Les luttes sociales, le combat contre la loi Duplomb, le rapport sénatorial de Fabien Gay sur les milliards versés aux entreprises, la popularité de la taxe Zucman ont créé une certaine panique sur les yachts et dans les châteaux. Tous les dispositifs politiques seront utilisés pour empêcher un changement de gauche, même minime. On ne donne donc pas de répit à la démocratie en invoquant la nécessité d’éviter des élections législatives. En revanche, on donne du grain à moudre aux vieux chevaux de Troie de l’extrême droite et aux fascisations rampantes. Dangereuses bascules. Les promoteurs de la raison, des compromis et des équilibres activent imperceptiblement de dangereuses bascules. La condamnation de Nicolas Sarkozy qui ces derniers temps a montré ses penchants pour l’extrême droite est interprétée par la caste, non pas comme la condamnation d’actes délictueux d’un ancien président de la République, mais contre l’existence d’une justice égale pour tous et l’État de droit. Le RN/FN s’en réjouit pour ses propres intérêts. Après la scission Ciotti, le parti « Les Républicains » affronte à nouveau de sérieuses turbulences. L’expérience trumpiste et la construction d’une coalition des droites et extrêmes droites le tente de plus en plus. Retailleau en a donné deux signaux forts en s’écartant du macronisme, alors que des ministres de son parti restent au gouvernement et surtout en refusant d’appeler à voter pour la candidate républicaine et socialiste lors du second de l’élection législative partielle dans le Tarn-et-Garonne contre le candidat d’extrême droite. L’extrême droite elle-même fait mouvement pour se présenter comme le garant des intérêts de la haute bourgeoisie capitaliste. Et des médias construisent activement les ponts pour permettre cette coalition des droites et des extrêmes droite. La présence assidue sur les écrans des députés d’extrême droite, de Zemmour, de Knaffo et le rôle particulier joué par le caméléon Ménard qui assure une permanence sur de nombreuses antennes, prépare les esprits. Le mépris démocratique, les blessures sur la peau des espoirs déçus, le spectacle des arrangements dans l'entre-soi institutionnel, sourd aux appels des citoyennes et des citoyens privés de tout quand d’autres ont tout, font maturer les périls. Il dégage la voie à la montée et à l’installation durable du RN/FN. Ce n’est pas un enjeu pour demain. Nous y sommes. L’empêcher appelle une grande campagne d’explications et d’actions sur les possibilités de faire autrement pour changer, transformer, porter en avant un projet progressiste. Ce n’est pas d’un excès de dépenses publiques et sociales dont souffre notre pays. Mais d’une politique qui fait souffrir les familles populaires, les coups portés au salariat, la réduction des services publics et des formes publiques de solidarité dont la sécurité sociale est le moteur. Les propagandistes de la non-suspension de la contre-réforme des retraites agitent le chiffre de 3 milliards de manque à gagner en 2026, mais jamais ils n’expliquent que la seule égalité salariale entre les femmes et les hommes permettraient une recette de 6 milliards d’euros. Déconstruire les arguments fallacieux, travailler l’unité. Il est urgent de renverser la table des argumentaires fallacieux, de reprendre l’offensive pour démontrer que la santé du pays dépend du mieux-être de chacune et de chacun de ses habitants. Répondre d’abord aux besoins des carnassiers de la finance et aux ogres du militarisme ne fera qu’affaiblir le pays, appauvrir ses habitants, détruire sa biodiversité et mettre à mal le climat. Le cœur d’un nouveau projet est donc le développement des capacités des femmes et des hommes qui font La France avec les investissements dans l’école et la formation, la santé, des services publics modernisés et démocratisés, la culture, un haut niveau de protection sociale élargie à la sécurité du grand âge ou au droit alimentaire et à la protection environnementale et l’augmentation des salaires. Autant d’orientations nécessitant un combat de haut niveau dans la cité comme dans lieux de production de richesses et d’humanité pour que les travailleuses et travailleurs prennent le pouvoir sur le travail, la production et la création monétaire. Un tel cap appelle à construire, pierre à pierre l’unité populaire consciente, active, combative, avec la relance du Nouveau Front populaire. Rien ne doit détourner de ce travail patient, ouvert sur une émancipatrice perspective politique afin de contenir et d’empêcher les extrêmes droites d’accéder au pouvoir. La gauche et les écologistes sont divers, mais peuvent se retrouver dans le texte du Nouveau Front populaire qu’elles ont signé ensemble avec une multitude d’associations, d’organisations sociales et de syndicats. Face au bloc de droite et d’extrême droite qui se constitue, fou celui qui continuerait à se laisser perdre dans le traquenard organisé autour des « deux gauches irréconciliables ». Cette thèse n’est que le bourbier destiné à enfoncer et à diviser le mouvement populaire, à démunir le peuple-travailleur face à la toute-puissance du grand capital qui partout dans le monde organise des recompositions politiques pour mieux dominer la classe des dépossédés et extorquer les fruits du travail des exploités. Face au bloc des droites et d’extrême droite se pose l’impérieuse nécessité de construire dans le respect des diversités et la poursuite d’une discussion exigeante devant les citoyennes et citoyens d’un « bloc unitaire et pluraliste des gauches et des écologistes ». L’initiative communiste devrait porter des gestes unitaires larges. Elle devrait en appeler aux citoyens, aux travailleuses et aux travailleurs, aux forces sociales, culturelles, syndicales sans qui rien n’est possible comme l’a montré l’aspiration à construire le Nouveau Front populaire. Les insultes et les exclusions ne sont pas de mise face au danger. L’ objectif premier des uns et des autres ne peut se limiter à une compétition pour l’élection à la présidence de la République au moment même où le présidentialisme est pris de si violentes convulsions que le moment est à un saut démocratique visant à donner le pouvoir réel au peuple politique et aux travailleurs souverain dans leurs entreprises et non plus à un prétendu homme providentiel. Le combat pour l’union est le chemin le plus court pour conjurer les défaites de la rue et les désillusions sorties des urnes ou fermentent le fumier des fascismes, cette assurance-vie des capitalismes et des impérialismes. C’est de luttes offensives dont nous avons besoin d’urgence particulièrement sur le conquis communiste que constitue la sécurité sociale en l’élargissant à toutes et tous, en élargissant son spectre d’action à la sécurité sociale pour le grand âge, ou pour la sécurité alimentaire. Une Sécurité sociale dont on ne débat pas dans les enceintes gouvernementales mais en la restituant aux assurés sociaux qui doivent la gérer démocratiquement comme l’avait prévu Ambroise Croizat. De toutes nos forces, empêchons que les poussières asphyxiantes des mots ministériels, les tentatives de coups de force présidentiels ne se transforment en catastrophe brune. Souvenons-nous, toujours de cette interpellation de Walter Benjamin : « Que les choses continuent comme avant (à aller ainsi) voilà la catastrophe ». 21 octobre (complété le 24 octobre) 2025 |
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