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dimanche 2 mars 2025

Rue 89 avec L'OBS - Peut-on ressentir de l’amitié pour un paysage ?..Dimanche 2 mars 2025

 

Dimanche 2 mars 2025

Peut-on ressentir de l’amitié pour un paysage ? Cette question m’obsède, alors que j’imagine la joie des militants écologistes opposés à la construction de l’A69 après l’annulation par le tribunal administratif de l’arrêté préfectoral autorisant le chantier. Elle m’obsède d’autant plus qu’elle me renvoie à un petit ouvrage de 70 pages, paru en octobre 2024 (« O mes ami·es ! », Bayard), dans lequel la chercheuse en littérature Marielle Macé nous invite à penser l’amitié au-delà de l’évidence d’une relation entre deux personnes.

Ce livre est précieux, parce qu’il est la retranscription d’une conférence qu’elle a donnée en 2023 à des enfants. Elle y envisage l’amitié comme un pays « où l’on peut se reposer et avoir confiance : un terrain familier, une maison même, et une sorte d’abri », mais aussi comme un outil de configuration de notre rapport au vivant. On peut être ami avec son chien sans qu’il n’y ait là aucun rapport de domination, dit Marielle Macé en évoquant Cayenne Pepper, la chienne qui traverse les travaux de la philosophe américaine Donna Haraway. Cette dernière préfère parler d’« espèces compagnes », plutôt que d’« animaux de compagnie ». Les deux partenaires pratiquent ensemble l’agility, ce sport « chien-homme » qui est « une affaire de coopération, où chacune doit bien connaître l’autre pour adapter son comportement au sien ». Faire avec, dit Marielle Macé.

C’est dans ce prolongement que l’autrice nous invite à intégrer la plage, le sentier forestier ou le jardin public, dans l’éventail des possibles de nos amitiés. Non pas parce que le paysage nous sert (à nous détendre, nous évader, nous divertir, changer d’air, d’état d’esprit), mais simplement parce qu’il existe. La réflexion devient politique : on peut, à certains égards, choisir ce qui nous est cher, dit Marielle Macé. Et donc, vouloir le défendre. La chercheuse, par ailleurs autrice d’un merveilleux essai sur la respiration, nous propose alors de réfléchir au terme de « biophilie », en tant que complément à la définition de l’écologie : « Un intérêt pour la vie elle-même, une affection pour la multitude de ses formes, un “concernement”, un souci, un attachement à l’existence de toute autre forme de vie. » Si vous avez envie de parler de vos amitiés paysagères, écrivez-moi (hrouillier@nouvelobs.com), on en fera peut-être un article.

Henri Rouillier

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