samedi 25 mai 2024

La lettre de Patrick LE HYARIC - samedi 25 mai 2024

 

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La Lettre du 25 mai 2024
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« L’humanité arrive à ce point de maturité pour pouvoir résoudre par la raison, la négociation et le droit, les conflits en cours »…
« Même l’accord des nations dans la paix définitive n’effacera pas les patries, qui garderont leur profonde originalité historique, leur fonction propre dans l’œuvre commune de l’humanité réconciliée ».

Jean Jaurès, discours lors de la distribution des prix au lycée d’Albi 1903.
 
 
 
Bonjour à chacun et chacun,

Nous venons d’assister cette semaine avec le fameux « débat » Attal-Bardella à une nouvelle opération de privatisation de la vie politique Française.

Comment le service public de la télévision peut se prêter à une telle opération ? Qui a donné l’ordre d’organiser ce débat prétendument sur les enjeux européens avec un seul candidat à ces élections ? Ajoutons que l’initiative est particulièrement désobligeante et humiliante pour la première de liste du parti présentiel effacée pour l’occasion au profit du Premier ministre. Après le débat, l’opération continue avec tous ces commentateurs qui s’acharnent à vouloir nous convaincre de la qualité de l’un et de l’autre et de celui qui aurait « gagné » lors de ce débat. Le seul gagnant est le système capitaliste dont le nom n’a évidemment jamais été prononcé. C’est pourtant lui qui tire les ficelles en laissant suggérer que Bardella se hisse au niveau du Premier ministre et pourrait le remplacer. On peut toujours jouer cette mauvaise pièce de théâtre. Mais les deux partis présents sur la scène votent par exemple ensemble la politique agricole commune qui favorise les grosses exploitations ou la même loi dite « immigration ». Attal prétend combattre l’extrême droite mais il aurait dû nous dire si ses alliés libéraux néerlandais qui ont conclu un accord de gouvernement avec le parti d’extrême droite « le parti pour la liberté » (PVV) de G Wilders vont continuer à être membre du groupe Renaissance du parlement européen que préside Valérie Hayer. Il aurait dû aussi expliquer comment son gouvernement a tout fait pour que les travailleurs liés aux plates-formes numériques ne soient pas protégés.

Nous venons d’assister à une grave manipulation politicienne et électorale visant à étouffer tout pluralisme et surtout toute alternative à l’Europe du capital. L’injonction consistant à demander si on est pour ou contre l’Europe veut absolument faire cacher l’alternative possible d’une autre construction européenne coopérative ou les peuples et les travailleurs soient associés, solidaires et souverains dans la cité comme au travail. Le souverainisme d’extrême droite n’est qu’une version politique d’un capitalisme national qui poussera tout autant à la guerre de tous contre tous que les orientations européennes et gouvernementales de soumission permanente aux intérêts du capital national et transnational. C’est dans ce faux choix que les tenants du système et leurs mandataires politiques et médiatiques ont décidé d’enfermer les électrices et les électeurs dans tout l’espace européen. Il faudra déjouer ce piège le 9 juin. Sortir de cette tenaille mortifère devrait conduire les travailleurs et travailleuses comme la jeunesse de tout l’espace européen à s’organiser dans un front large européen pour le progrès social, environnemental et démocratique.
 
 
Que la paix, soit un projet politique européen

Les flammes de la guerre lèchent dangereusement les frontières de l’Union européenne. Pourtant, l’enjeu de la paix sur le continent est évacué des débats préparatoires au scrutin européen du 9 juin prochain. Pire, lorsqu’il ne l’est pas, des va-t-en-guerre jettent de l’huile sur le feu, au risque de mener à l’apocalypse nucléaire.

Rien ou si peu n’est engagé pour rechercher une voie politique et réduire les souffrances et les destructions causées par l’armée de M. Poutine à l’Est. Quant au sud, on se contente de tombereaux de mots creux au-dessus des tombeaux où chaque jour sont enterrés les enfants de Gaza. D’un côté l’imperium nord-américains, et quelques pays européens dont la France, parachutent des miettes d’aide humanitaire aux Gazaouis, et de l’autre ils vendent armes et équipements au pouvoir israélien qui multiplie crimes de guerre et crimes contre l’humanité, à tel point que la Cour pénale internationale (CPI) met en garde contre le « risque de génocide ». La maison blanche est vent debout contre le procureur de cette cour qui vient de déposer des requêtes pour poursuivre les responsables du Hamas, du Premier ministre Israélien et de son ministre de la Défense « aux fins de délivrance de mandats d’arrêt concernant la situation dans L’Etat de Palestine ».

À ces macabres forfaits, s’ajoutent, de par le monde, des dizaines d’autres conflits et guerres que l’Union européenne regarde de loin, quand certains des pays membres n’y sont pas impliqués.

Pourtant, l’entité politique que constitue l'Union européenne, avec son Parlement pourrait jouer un rôle décisif afin d’ouvrir les étroits chemins politiques, diplomatiques et économiques menant vers la justice, la paix et un avenir commun des peuples. Un tel projet est indispensable au moment où il y a tant à construire pour une sécurité humaine globale : environnementale, alimentaire, sanitaire, sociale. Et tant à faire encore pour l’égalité dans le progrès, notamment entre les femmes et les hommes.

Au lieu de la coûteuse et destructrice économie de guerre, les institutions européennes pourraient s’engager vers une économie de paix, de coopération et de solidarité. En se plaçant du côté de la paix, de la prévention des conflits, de la coopération, elles pourraient contribuer à la création d’un rapport de force obligeant M. Poutine à s’asseoir à la table de négociations, après avoir décrété un cessez-le-feu.

Or, la crédibilité des institutions européennes est quasi nulle, à cause, de leur alignement de plus en plus ostensible sur l’administration nord-américaine et ses bras armés, l’Otan et le dollar.

Elles ne conçoivent le projet de défense commune européenne que, comme un pilier de l’alliance atlantique. Cet alignement est inscrit noir sur blanc dans le traité européen. Ainsi, elles participent activement à un projet d’organisation du monde à partir d’un bloc occidental capitaliste. Cette stratégie l’isole des autres grandes nations qui désormais comptent dans le monde. Elle va à l’encontre des besoins de développement harmonieux et de projets d’avenir plaçant les êtres humains et la nature au cœur. Elles s’opposent aussi à la recherche des voies du désarmement et de la paix, car elles considèrent « l’économie de guerre » comme une planche de salut pour le capitalisme à la recherche de l’amélioration de ses taux de profits.

Une France sortant du commandement intégré de l’OTAN et une Union Européenne qui, tout en fournissant du matériel militaire défensif à l’Ukraine, s’attacheraient à construire une alliance pour la paix avec la Chine, l’Inde, le Brésil, la Turquie, l’Afrique du Sud, pourraient conduire M. Poutine et M. Zelenski à une table de discussions. Qui a intérêt à nourrir le feu de la guerre - avec son cortège de morts et de destructions - à part les industries de l’armement de part et d’autre ?

Même si le chemin d’un cessez le feu et de la paix est étroit, il faut s’y engager pour qu’il puisse aboutir. Il est, en tout cas, préférable à l’apocalypse nucléaire que promettent d’importants cercles du Kremlin et quelques illuminés abonnés aux plateaux de télévision en Europe.

Des institutions européennes soucieuses de paix et de coopération se donneraient un audacieux projet de développement partagé, d’échanges culturels avec tous les pays du bassin méditerranéen. Elles cesseraient en premier lieu de prendre parti en faveur du pouvoir israélien qui méticuleusement réduit Gaza en cendres, et bombarde, affame les populations palestiniennes, pille leurs maisons, leurs villes et villages, s’accapare les terres, les cultures, l’eau en Cisjordanie et à Jérusalem. Une nouvelle construction européenne ne se placerait ni du côté du Hamas qui sert de faire valoir à l’extrême droite israélienne, ni du côté de la puissance occupante, guerrière et colonisatrice bénéficiant de toutes les impunités de la part des puissances occidentales. Nous avions, en 2014, après un long travail au Parlement européen fait voter une résolution reconnaissant un État palestinien au côté de celui d’Israël dans les frontières de 1967 avec Jérusalem comme capitale des deux États. Cette résolution peut servir de base au Conseil et à la Commission européenne pour la reconnaissance de l’État de Palestine. L’Espagne, l’Irlande, Malte, la Slovénie s’apprêtent à annoncer cette reconnaissance officielle. De grandes personnalités israéliennes comme d’anciens présidents du parlement, des ambassadeurs, des directeurs généraux de ministères, un procureur général, des professeurs, des parlementaires, dans une tribune* adressée aux ministres des affaires étrangères des pays européens, les appellent à reconnaître le statut d’État pour la Palestine. « La reconnaissance d’un état palestinien est une question de principe et de justice historique » écrivent-ils. Ils insistent : « Un effort diplomatique aussi significatif permettrait de lever l’ambiguïté qui a entaché l’ensemble du processus de paix depuis ses débuts, remettrait la diplomatie sur les rails et forcerait les parties au conflit, ainsi que les principaux acteurs internationaux, à assumer leurs responsabilités ».

Une nouvelle Union européenne suspendant l’accord d’association qui la lie avec l’État d’Israël, décidant d’un embargo sur les technologies et équipements permettant la production des armes qui tuent à Gaza, refusant l’importation de produits israéliens des colonies modifierait le rapport des forces en faveur de l’application du droit international bafoué chaque jour depuis des décennies.

Il est urgent de réduire et de combler le fossé qui, sur les braises de Gaza se creuse toujours plus entre l’Europe et le monde arabe, qui constate, plus encore qu’hier que l’occident ne le considère pas comme un égal.

Avec son soutien « inconditionnel » au pouvoir d’extrême droite de Tel Aviv, l’Europe aura bien du mal à faire croire qu’elle représente les valeurs humanistes et les droits universels.

En sanctionnant des associations qui tout en dénonçant à la fois les crimes de guerre du Hamas et la folie guerrière israélienne, en disqualifiant les forces motrices des printemps arabes et en fustigeant les musulmans accusés de « séparatisme » et en les assimilant au terrorisme, alors que l’extrême droite est blanchie de sa tenace judéophobie, l'Union européenne accentue les clivages et la division là où il faudrait rassembler, relier, échanger, coopérer. Une autre construction européenne travaillerait à mettre fin aux dangereux engrenages dans l’ensemble du Proche-Orient qui peut vite devenir une poudrière.

Les citoyens européens ont ce défi à relever dans l’action et dans le vote. On ne peut imaginer l’avenir au travers du prisme d’une guerre entre l’occident et le « reste du monde ». Une guerre fondée sur l’arrogante idée que cet occident capitaliste représentant « la civilisation » pourrait se donner le droit de s’affranchir du droit international pour combattre ce qu’il nomme « le mal ».

Un occident capitaliste arrogant, refusant de fermer le sanglant livre de la guerre. Ainsi, le journal allemand « Die Welt » a révélé que cet occident, par la voix de Boris Johnson**, a fait capoter un projet de traité de paix comportant 17 pages datant du 15 avril 2022 complétant le mémorandum de 1994 entre la Russie et l’Ukraine. Ce projet d’accord prévoyait des garanties de sécurité des deux pays sous la supervision des États-Unis, de la Chine, du Royaume-Uni et de la France. La Russie souhaitait y ajouter la Biélorussie, et l’Ukraine la Turquie. Cette information, qui n’a toujours pas été démentie, prouve que les chemins de paix existaient et existent toujours. La guerre perpétuelle ne peut être l’horizon alors que tant de défis taraudent notre humanité commune.

C’est bien l’avenir de l’humanité qui se joue dans ces conflits. Ni la Russie ni Israël ne respectent le droit international. Mais l’occident, et l'Union européenne les différencient et appliquent un « deux poids, deux mesures ».

Une autre construction européenne de coopération et de paix dont les peuples seraient maître, devrait en permanence agir à partir de la négociation et du droit international contenu dans la charte des Nations Unies, dans la déclaration des droits humains de 1948, et de la convention européenne des droits humains de 1950.

C’est sur ces bases qu’elle devrait être active pour refonder un ordre international pour une paix définitive, pour préserver le climat et la biodiversité, assurer la sécurité sociale, alimentaire et sanitaire, la fraternité entre les travailleurs et les peuples. Loin de l’orientation des quinze pays européens qui, après le vote du pacte « asile - immigration » s’agitent pour réclamer l’externalisation des procédures de demande d’asile comme s’apprête à le faire le Royaume-Uni avec le Rwanda.

Une autre Europe fondée sur une association des peuples et des nations souveraines, libres et solidaires agirait en même temps pour jeter les bases d’une sécurité collective en Méditerranée et des projets de développements communs, l’augmentation substantielle de l’aide au développement humain, la taxation des transactions financières, la renégociation ou l’annulation des dettes contractées au Fonds monétaire international, la dé-dollarisation des échanges internationaux. Une telle Europe signerait le traité d’interdiction des armes nucléaires, agirait pour des traités de sécurité collective afin d'aller vers la dissolution de l’OTAN.

L’Europe de la paix durable et de la justice est l’audacieux projet politique à porter contre l’apocalypse. Au sein du Parlement européen, les communistes ont été, avec d’autres, au premier rang de ce combat essentiel et pour que le droit international ne soit plus un faux-semblant. Le vote pour leur liste le 9 juin sera un vote pour modifier le rapport des forces en faveur de la Paix.

21 mai 2024
* Lettre ouverte de 17 personnalités israéliennes 9 mai 2024
**Boris Johnson, alors Premier ministre du Royaume-Uni arrivé à Kiev le 9 avril 2022.
 
 
Pour la paix, pour une sécurité humaine globale, un livre d’actualité
 
 
 
Voici le texte du procureur de la Cour pénal internationale (CPI)
 
Afin de permettre à chacune et chacun de se faire son opinion sur la déclaration du procureur de la Cour pénale internationale du 20 mai 2024, je mets ici à votre disposition l’intégralité de son texte. J’ai mis certaines parties en couleur pour mieux souligner certains aspects. En lisant ce texte on se rend compte à quel point on est bien loin des opérations de propagande organisée depuis Israël et des États-Unis et relayé ici par certains médias. Selon eux ce qui vaut pour Poutine ne peut exister pour des dirigeants d’une puissance occupante depuis des décennies. Cette déclaration intervient la semaine ou l’Espagne, l’Irlande, la Norvège annonce leur décision de reconnaitre l’État de Palestine.

Et, il y a tous les hypocrites dans notre pays qui préconisent la « solution, à deux États, mais refuse de faire le geste politique de la reconnaissance de l’état Palestinien. Remarquons que dans sa déclaration le procureur de la CPI considère la Palestine comme un Etat. 

Voici ce texte :

Déclaration du Procureur de la CPI, Karim A.A. Khan KC : dépôt de requêtes aux fins de délivrance de mandats d’arrêt concernant la situation dans l’État de Palestine

Aujourd’hui, je vais déposer des requêtes auprès de la Chambre préliminaire I de la Cour pénale internationale aux fins de délivrance de mandats d’arrêt concernant la situation dans l’État de Palestine.

 
  • Compte tenu des éléments de preuve recueillis et examinés par mon Bureau, j’ai de bonnes raisons de penser que la responsabilité pénale de Yahya SINWAR (chef du Mouvement de résistance islamique [« Hamas] dans la bande de Gaza), Mohammed Diab Ibrahim AL-MASRI, plus connu sous le nom DEIF (commandant en chef de la branche armée du Hamas, communément appelée « les brigades Al-Qassam ») et Ismail HANIYEH (chef de la branche politique du Hamas) est engagée pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité ci-après commis sur le territoire d’Israël et dans l’État de Palestine (dans la bande de Gaza) depuis le 7 octobre 2023 au moins :
  • L’extermination en tant que crime contre l’humanité, en violation de l’article 7‑1‑b du Statut ;
  • Le meurtre en tant que crime contre l’humanité, en violation de l’article 7‑1‑a et en tant que crime de guerre, en violation de l’article 8‑2‑c‑i ;
  • La prise d’otages en tant que crime de guerre, en violation de l’article 8‑2‑c‑iii ;
  • Le viol et autres formes de violence sexuelle en tant que crime contre l’humanité, en violation de l’article 7‑1‑g et également en tant que crime de guerre, en violation de l’article 8‑2‑e‑vi dans le contexte de la captivité ;
  • La torture en tant que crime contre l’humanité, visé à l’article 7‑1‑f et en tant que crime de guerre, en violation de l’article 8‑2‑c‑i, dans le contexte de la captivité ;
  • D’autres actes inhumains en tant que crime contre l’humanité, en violation de l’article 7‑l‑k, dans le contexte de la captivité ;
  • Les traitements cruels en tant que crime de guerre en violation de l’article 8‑2‑c‑i, dans le contexte de la captivité ; et 
  • Atteintes à la dignité de la personne en tant que crime de guerre, en violation de l’article 8‑2‑c‑ii, dans le contexte de la captivité.​
 
Mon Bureau fait valoir que les crimes de guerre visés dans ces requêtes ont été commis dans le contexte d’un conflit armé international opposant Israël à la Palestine et d’un conflit armé non international opposant Israël au Hamas qui se déroulait simultanément. Nous affirmons que les crimes contre l’humanité visés dans les requêtes s’inscrivaient dans le prolongement d’une attaque généralisée et systématique menée par le Hamas ainsi que d’autres groupes armés dans la poursuite de la politique d’une organisation. D’après nos constatations, certains de ces crimes continuent d’être commis.
 
Mon Bureau fait observer qu’il y a des motifs raisonnables de penser que la responsabilité pénale de SINWAR, DEIF et HANIYEH est engagée pour le meurtre de centaines de civils israéliens lors d’attaques perpétrées le 7 octobre 2023 par le Hamas (sa branche armée en particulier, communément désignée sous le nom de « brigades al-Qassam ») ainsi que d’autres groupes armés et pour l’enlèvement d’au moins 245 otages. Dans le cadre de son enquête, mon Bureau a recueilli les déclarations de victimes ayant survécu aux attaques, y compris d’anciens otages, et de témoins directs des attaques lancées sur six principaux lieux : Kfar Aza, Holit, le lieu du festival de musique Supernova, Be’eri, Nir Oz et Nahal Oz. L’enquête repose également sur des éléments de preuve tels que des images de vidéo surveillance, des documents authentifiés sous la forme d’enregistrements sonores, de photos et de vidéos, des déclarations faites par des membres du Hamas, dont les auteurs présumés des crimes susmentionnés et des témoignages d’expert.

Mon Bureau estime que ces personnes ont planifié et commandité la commission des crimes perpétrés le 7 octobre 2023, et reconnu leur responsabilité à cet égard comme en atteste la visite qu’ils ont personnellement effectuée auprès des otages peu de temps après leur enlèvement. Nous affirmons que ces crimes n’auraient pu être commis sans leur intervention. Les intéressés sont accusés en tant que coauteurs et en qualité de supérieurs hiérarchiques en vertu des articles 25 et 28 du Statut de Rome.

Lorsque je me suis rendu au kibboutz Be’eri et au kibboutz Kfar Aza, ainsi que sur les lieux du festival de musique Supernova à Re’im, j’ai pu constater la dévastation causée par ces attaques et les répercussions profondes des crimes inconcevables visés dans les requêtes déposées aujourd’hui. Des victimes m’ont raconté comment l’amour qui règne au sein d’une famille, les liens si profonds qui unissent des parents à leurs enfants, ont été détournés afin d’infliger intentionnellement des souffrances innommables par des actes cruels et inhumains qui ne sauraient rester impunis.

Mon Bureau affirme également qu’il existe des motifs raisonnables de penser que les otages enlevés en Israël ont été détenus dans des conditions inhumaines et que certains d’entre eux ont fait l’objet de violences sexuelles, dont le viol, au cours de leur captivité. Ces allégations reposent sur des dossiers médicaux, des preuves documentaires et des vidéos de l’époque des faits et des entretiens menés auprès de victimes ayant survécu aux attaques. Mon Bureau continue également d’enquêter sur les allégations de violence sexuelle commises le 7 octobre.
Je tiens à remercier les victimes ayant survécu aux attaques du 7 octobre ainsi que leurs familles pour le courage qu’elles ont affiché en acceptant de faire le récit de leur expérience aux membres de mon Bureau.

Nous nous efforçons d’approfondir notre enquête concernant tous les crimes commis lors de ces attaques et continueront de travailler avec l’ensemble de nos partenaires afin que justice puisse être rendue.

Je réitère mon appel en faveur de la libération immédiate de tous les otages enlevés en Israël et de leur retour, sains et saufs, auprès de leurs familles. C’est une exigence fondamentale du droit international humanitaire qui doit être respectée.


Benjamin Netaniahu, Yoav Gallant

Compte tenu des preuves recueillies et examinées par mon Bureau, j’ai de bonnes raisons de penser que la responsabilité pénale de Benjamin NETANYAHU, le Premier Ministre d’Israël, et de Yoav GALLANT, Ministre de la défense d’Israël, est engagée pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité ci-après commis sur le territoire de l’État de Palestine (dans la bande de Gaza) à compter du 8 octobre 2023 au moins :
 
  • Le fait d’affamer délibérément des civils comme méthode de guerre en tant que crime de guerre, en violation de l’article 8‑2‑b‑xxv du Statut ;
  • Le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à l’intégrité physique ou à la santé, en violation de l’article 8‑2‑a‑iii ou les traitements cruels en tant que crime de guerre, en violation de l’article 8‑2‑c‑i ;
  • L’homicide intentionnel, en violation de l’article 8‑2‑a‑i ou le meurtre en tant que crime de guerre, en violation de l’article 8‑2‑c‑i ;
  • Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que crime de guerre en violation des articles 8‑2‑b‑i ou 8‑2‑e‑i ;
  • L’extermination et/ou le meurtre en tant que crime contre l’humanité, en violation des articles 7‑1‑b et 7‑1‑a, y compris en lien avec le fait d’affamer des civils ayant entraîné la mort, en tant que crime contre l’humanité ;
  • La persécution en tant que crime contre l’humanité, en violation de l’article 7‑1‑h ;
  • D’autres actes inhumains en tant que crime contre l’humanité, en violation de l’article 7‑l‑k.
Mon Bureau fait valoir que les crimes de guerre visés dans ces requêtes ont été commis dans le contexte d’un conflit armé international opposant Israël et la Palestine et d’un conflit armé non international opposant Israël au Hamas (et à d’autres groupes armés palestiniens) qui se déroulait simultanément.
Nous affirmons que les crimes contre l’humanité visés dans les requêtes s’inscrivaient dans le prolongement d’une attaque généralisée et systématique dirigée contre la population civile palestinienne dans la poursuite de la politique d’une organisation. D’après nos constatations, certains de ces crimes continuent d’être commis.

Mon Bureau soutient que les preuves que nous avons recueillies, y compris des entretiens menés auprès de victimes et de témoins directs des faits, des documents audio et vidéo authentifiés, des images satellite et des déclarations faites par des membres du groupe qui aurait commis ces crimes, démontrent qu’Israël a délibérément, systématiquement et continuellement privé la population civile de l’ensemble du territoire de Gaza de moyens de subsistance indispensables à sa survie.

Cela s’est traduit par l’imposition d’un siège complet à Gaza en interdisant totalement l’accès aux trois points de passage de la frontière de Rafah, Kerem Shalom et Erez à partir du 8 octobre 2023 pour des périodes prolongées puis en limitant arbitrairement l’acheminement de fournitures essentielles – telles que la nourriture et les médicaments – par les points de passage après la réouverture de ces derniers. La fermeture des canalisations d’eau reliant Israël à Gaza — la principale source d’approvisionnement en eau potable de la population gazaouie — pendant une période prolongée à partir du 9 octobre 2023 et les coupures de l’approvisionnement en électricité et les entraves à cet approvisionnement à partir du 8 octobre 2023 au moins jusqu’à aujourd’hui s’inscrivent dans le prolongement du siège. Les faits se sont produits parallèlement à des attaques visant des personnes dans les files d’attente pour obtenir de la nourriture, l’obstruction de la distribution d’aide par les organismes humanitaires et des attaques visant le personnel humanitaire, faisant des morts parmi eux et contraignant bon nombre d’organismes humanitaires à cesser leurs activités à Gaza ou à en restreindre le périmètre.

Mon Bureau affirme que ces actes se sont inscrits dans le prolongement d’un plan commun visant à affamer délibérément des civils comme méthode de guerre et à recourir à d’autres actes de violence à l’encontre de la population civile gazaouie afin de servir les objectifs suivants : i) éliminer le Hamas; ii) accroître la pression sur le Hamas pour obtenir le retour des personnes retenues en otages et iii) punir collectivement la population civile de Gaza perçue comme une menace pour Israël.

Les répercussions du recours à la famine comme méthode de guerre, conjuguées à d’autres attaques et à la punition collective infligée à la population civile de Gaza sont aigues, visibles et de notoriété publique. Elles ont en outre été confirmées par plusieurs témoins interrogés par mon Bureau, y compris des médecins gazaouis et des médecins étrangers. Cette méthode de guerre a entraîné des problèmes de malnutrition, de déshydratation, des souffrances atroces et une augmentation croissante du nombre de morts parmi la population palestinienne, dont des nouveau‑nés, des enfants et des femmes.

De nombreuses zones de Gaza sont déjà en proie à la famine, qui menace de se propager à d’autres parties du territoire.

Comme l’a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, « 1,1 million de personnes sont confrontées à des niveaux catastrophiques de faim à Gaza – c’est la crise alimentaire la plus vaste et la plus grave au monde ». « C’est un désastre entièrement causé par l’homme ». Aujourd’hui, mon Bureau s’emploie à mettre en accusation deux des personnes portant la plus lourde responsabilité dans cette situation, M.M. NETANYAHU et GALLANT, en tant que coauteurs et supérieurs hiérarchiques, en vertu des articles 25 et 28 du Statut de Rome.

Israël, à l’instar de tous les États, a certes le droit de prendre des mesures afin de défendre sa population mais ne saurait se soustraire pour autant aux obligations faites à tout état de respecter le droit international humanitaire. Quels que soient les objectifs militaires des autorités israéliennes, les moyens employés par Israël pour les atteindre à Gaza, à savoir des actes causant intentionnellement la mort, une famine, de grande souffrances et des atteintes graves à l’intégrité physique de la population civile sont criminels.

Depuis l’année dernière, j’ai souligné à plusieurs reprises à Ramallah, au Caire, en Israël et à Rafah qu’en vertu du droit international humanitaire, Israël était tenue d’agir de toute urgence afin de permettre l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza. J’ai notamment rappelé que le recours à la famine comme méthode de guerre et les entraves à l’aide humanitaire constituaient des violations des dispositions du Statut de Rome. J’ai été très clair sur ce point.

J’ai également attiré régulièrement l’attention de ceux qui faisaient fi du droit dans des déclarations publiques en leur demandant de bien réfléchir avant d’agir sous peine de voir mon Bureau prendre les mesures qui s’imposent. Nous y voilà.

En présentant ces requêtes aux fins de la délivrance de mandats d’arrêt, mon Bureau s’acquitte du mandat qui lui a été confié en vertu du Statut de Rome. Le 5 février 2021, la Chambre préliminaire I a estimé que la Cour pouvait exercer sa compétence pénale à l’égard de la situation dans l’État de Palestine et a conclu que sa compétence territoriale s’étendait à Gaza et à la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est. Ce mandat reste valide et s’étend à la recrudescence des hostilités et de la violence depuis le 7 octobre 2023. Mon Bureau peut également exercer sa compétence à l’égard des crimes commis par des ressortissants d’États parties ou d’États non parties sur le territoire d’un État partie.

Les requêtes présentées aujourd’hui sont l’aboutissement d’une enquête menée par mon Bureau en toute indépendance et en toute impartialité. Compte tenu de notre obligation d’enquêter tant à charge qu’à décharge, nous avons travaillé méticuleusement pour faire la part des choses entre les allégations et les faits et pour présenter nos conclusions de manière équilibrée en nous fondant sur les éléments de preuve soumis à la Chambre préliminaire.

En guise de précaution supplémentaire, j’ai également décidé de recueillir des avis d’experts; c’est à ce titre que j’ai réuni un groupe impartial d’experts en droit international que je remercie d’avoir accepté de participer à l’examen des preuves et à l’analyse juridique en lien avec ces requêtes aux fins de la délivrance de mandats d’arrêt. Ce groupe, composé d’éminents spécialistes en droit international humanitaire et en droit pénal international, réunit M. le juge Sir Adrian Fulford P.C., ancien juge de la Cour d’appel d’Angleterre et du Pays de Galles, ancien juge de la Cour pénale internationale, Mme la baronne Helena Kennedy K.C., Présidente de l’Institut des droits de l’homme de l’Association internationale du barreau, Mme Elizabeth Wilmshurst C.M.G K.C., ancienne conseillère juridique adjointe auprès du Ministère des affaires étrangères et du Commonwealth du Royaume-Uni, Danny Friedman K.C. ainsi que deux de mes conseillers spéciaux – Mme Amal Clooney et M. le juge Theodor Méron C.M.G. Je me félicite d’avoir pu compter sur cette analyse menée par des experts indépendants qui a permis d’étayer les requêtes déposées aujourd’hui par mon Bureau. Je suis également reconnaissant à plusieurs de mes conseillers spéciaux, en particulier M.M. Adama Dieng et Kevin Jon Heller, pour leurs contributions dans le cadre de cet examen.

Aujourd’hui, nous réaffirmons qu’aucun État ne peut se soustraire aux normes prévues par le droit international et le droit des conflits armés. Aucun soldat, aucun commandant, aucun dirigeant civil, nul ne peut agir en toute impunité. Rien ne peut justifier de priver délibérément des êtres humains, dont tant de femmes et d’enfants, de biens indispensables à leur survie. Rien ne peut justifier des prises d’otages ni de prendre délibérément pour cibles des civils.

Les juges indépendants de la Cour pénale internationale sont les seuls à pouvoir déterminer si les conditions sont réunies pour délivrer des mandats d’arrêt. S’ils font droit à mes requêtes et délivrent les mandats d’arrêt, je travaillerai en étroite collaboration avec le Greffier pour appréhender les individus concernés. Je demande à tous les États, notamment les États parties au Statut de Rome, de considérer ces requêtes ainsi que la décision judiciaire ultérieure qui s’ensuivra avec autant de sérieux qu’ils l’ont fait à l’égard des autres situations, conformément aux obligations qui leur sont faites dans le Statut. Je suis également prêt à travailler avec des États non parties afin d’atteindre notre objectif commun visant à établir les responsabilités des auteurs de crimes internationaux.

Il est crucial, à l’heure qu’il est, que mon Bureau et tous les organes de la Cour y compris ses juges indépendants, puissent accomplir leur travail en toute indépendance et en toute impartialité. Je demande instamment que cessent immédiatement les tentatives d’obstruction, d’intimidation ou d’influence indue des fonctionnaires de la Cour. Mon Bureau n’hésitera pas à prendre les mesures qui s’imposent en vertu de l’article 70 du Statut de Rome si de tels comportements persistent.

Je reste profondément préoccupé par les allégations de crimes internationaux qui continueraient d’être commis en Israël, à Gaza et en Cisjordanie, et qui commencent à être corroborées. Notre enquête se poursuit et mon Bureau enregistre des progrès dans plusieurs axes d’enquête supplémentaires étroitement liés concernant notamment des signalements de violences sexuelles commises le 7 octobre et les bombardements à grande échelle qui ont fait tant de morts et de blessés parmi la population civile et causé tant de souffrances à Gaza, et qui se poursuivent. J’invite toute personne possédant des informations utiles à prendre contact avec mon Bureau et à soumettre ces informations via la plateforme OTP Link

Mon Bureau n’hésitera pas à déposer d’autres requêtes aux fins de délivrance de mandats d’arrêt si, et le cas échéant, nous considérons avoir « des chances réelles d’obtenir une condamnation ». J’exhorte à nouveau toutes les parties au conflit à se conformer au droit.

Je tiens également à préciser que le principe de complémentarité, qui est au cœur du Statut de Rome, fera l’objet d’un examen continu par mon Bureau lorsque nous enquêterons sur les crimes présumés et leurs auteurs présumés précédemment cités et que nous progresserons dans d’autres axes d’enquête. Il faut cependant garder à l’esprit qu’en vertu du principe de complémentarité, le soin de l’enquête peut seulement être déféré aux autorités nationales lorsque celles-ci entament des procédures judiciaires indépendantes et impartiales qui n’ont pas pour but de soustraire les suspects présumés à leurs responsabilités pénales et qui ne soient pas des simulacres de procédures judiciaires. Cela exige de contrôler toutes les instances prenant part à l’examen des politiques et des actes visés dans les requêtes.

Il est important aujourd’hui de dire les choses clairement : si nos actes ne traduisent pas notre volonté d’appliquer le droit de manière impartiale, si notre application du droit est perçue comme étant sélective, nous aurons contribué à son effondrement. Ce faisant, nous contribueront au délitement des liens ténus qui nous unissent encore et des relations entre toutes les communautés et les personnes qui sont des vecteurs d’équilibre et constituent un filet de sécurité auquel toutes les victimes se raccrochent lorsqu’elles traversent des périodes difficiles. Tel est le risque bien réel qui se dessine en ce moment charnière.

Aujourd’hui plus que jamais, nous devons démontrer collectivement que le droit international humanitaire, qui dicte les normes à respecter en temps de guerre, s’applique de façon impartiale à toutes les parties à un conflit armé dans l’ensemble des situations portées devant mon Bureau et la Cour. C’est ainsi que nous pourrons démontrer concrètement que toutes les vies humaines se valent.
 
 
Avec mes amicales salutations, je vous souhaite une bonne semaine à venir.
 
Patrick Le Hyaric
 
 
 
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