Dois-je m’inspirer de ma vie (ou de celle de mes proches) dans mes articles ? Mercredi 13 h 30, j’étais de manif devant le rectorat de X, pas pour le travail mais pour mes activités de parent d’élève : je suis allé protester contre les 1 000 heures de cours non remplacées dans le collège de mon fils. C’est énorme, c’est désolant sur l’état du service public d’éducation, tout particulièrement en banlieue mais je ne vais pas écrire sur cet événement. J’ai beau m’être converti à l’exposition publique de ma subjectivité dans mes articles (et JE m’y suis tenu !), l’étape d’après, soit l’exercice de l’extimité, me laisse beaucoup plus perplexe. Mon quotidien ne concerne que moi. Et pourquoi voulez-vous, comme disait l’autre, qu’à 46 ans je commence une carrière d’influenceur ? Soyons honnête néanmoins : la vie d’un journaliste pèse lourdement sur sa pratique. Voyez mon obsession pour les questions de mixité scolaire. Elle ne vient pas de nulle part. L’enquête journalistique éclaire ma lanterne personnelle. Et me coûte moins cher que la psychanalyse. Par ailleurs, à bien y réfléchir, l’extimité est un genre journalistique ancien. Les médias français fourmillent d’histoires de proches de journalistes, voire de journalistes tout court, savamment maquillés en « Jean-Luc, communicant ». Pourquoi se l’interdire ? Nos collègues sont plutôt bons clients. Cela devient juste problématique quand « Jean-Luc » alimente à lui seul tout un papier. Car les journalistes sont souvent parisiens. Or, la jeunesse parisienne n’est pas la jeunesse française, pas plus que le système scolaire parisien n’est représentatif de ce qui se passe dans le pays. C’est d’ailleurs la réflexion que je me suis faite il y a quelques semaines quand des fermetures massives de classes ont été annoncées à Paris. En quelques heures, je recevais une demi-douzaine de SMS de protestations envoyés par des amis d’amis qui, pour la plupart, m’étaient inconnus. Je n’ai rien écrit, considérant que les médias en feraient immédiatement leurs titres, ce qui n’a pas manqué. J’ai même été un peu jaloux, en tant que parent, quand des familles d’un collège très chic du 5e arrondissement de Paris m’ont fait valoir la présence de France 3 à leur manifestation. Dans le collège populaire de mon enfant, nous en sommes, je le répète, à 1 000 heures de cours non remplacées dont 170 heures, soit six semaines, complètes d’enseignement pour les seuls élèves d’une classe de 5e qui n’ont pas vu un prof de français depuis octobre. Tout le monde s’en fout – dans l’académie de X, les parents n’ont pas la main longue – cela me pèse et joue sur mes perceptions. Fallait-il que je vous le raconte ? |
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