En vacances, j’aime visiter les musées. Les jardins. Les restaurants. Mais les lieux que je préfère arpenter par-dessus tout, ce sont les librairies. Ce qui, je le concède, ne constitue pas une folle surprise au vu de mon métier. En revanche, il y a de quoi s’interroger si on se place du point de vue de ma décoration intérieure… Mon appartement croule sous les livres. Grâce à la magie du service de presse et au repli dû aux confinements, des ouvrages me sont livrés directement à domicile, quasiment par palette. Mon entrée n’est qu’enveloppes kraft et papier bulle. Mon plancher est tapissé de communiqués de presse. Le mot tsundoku a été inventé pour moi : chaque recoin de mon logement en est une parfaite illustration. Ma table de chevet a depuis longtemps disparu. Ma bibliothèque a déclaré forfait. Mes relations avec le concierge ne tiennent plus qu’à un fil. Je ne me plains pas. Mon vœu le plus cher était de vivre dans un igloo de papier et j’ai été exaucée. Seulement voilà, je ne suis pas en capacité d’héberger plus de livres.
Quelle expérience attendre d’une flânerie en librairie quand on abrite chez soi un stock équivalent ? Bien des plaisirs en réalité, si je me fie à mon itinéraire londonien, de The Kew Bookshop à Brick Lane Bookshop. La piqûre de rappel : ce livre a l’air chouette, il faut que je le retrouve, il doit être dans la pile entre le buffet et le mur, ou peut-être dans le tambour du lave-linge. L’avance : autant entamer ce bouquin dans sa version originale, ça ne m’en fera plus que 499 pour la rentrée littéraire. La fierté chauvine : joie de tenir entre ses mains « Sex and Lies » de Leïla Slimani, ils ne se sont pas foulés pour le titre, ah bon c’est le même qu’en français ? Les cadeaux, bien sûr, même si ça n’arrange pas mon affaire d’offrir des livres aux gens qui vivent au même endroit que moi - tant pis, ce livre à tirettes sur les bus à impériale était indispensable au développement de mon fils, et ce livre de recettes écrit par l’acteur Stanley Tucci, à celui de mon estomac.
Dans le doute, on visite toutes les librairies sur son chemin, pour voir, si, par le plus grand des hasards, un ouvrage respecterait les règles totalement arbitraires et mouvantes que l’on se fixe (pas trop volumineux, par sur un sujet vu et relu…). On respire quand on n’a rien acheté. On respire encore mieux quand on a acheté quelque chose. Car le miracle arrive toujours. Cette fois, Cupidon a décoché ses flèches pour, forcément, un livre avec un immense cœur sur sa couverture. Il a toutes les qualités techniques pour un bagage léger : fin, petit, joli. Il est intitulé « Love », et l’amour, comme vous le savez, c’est tout ce qui nous reste dans ce monde dévasté. Il s’agit d’extraits de romans de
Jeanette Winterson, que cette flamboyante autrice britannique commente a posteriori. On y lit :
« L’hétérosexualité peut être l’arrière-plan de la vie d’un écrivain ; son papier peint. La masculinité aussi. Et la blancheur. Sortez de cela et on vous qualifiera d’écrivaine féministe, d’écrivaine lesbienne, d’écrivaine gay, de femme écrivain. Vous ne serez jamais qualifié d’écrivain hétérosexuel ou d’écrivain masculin ou d’écrivain blanc. Ces adjectifs sont absorbés dans le seul mot “écrivain”. » Une phrase qui justifie à elle seule que j’envoie valser (mentalement) toutes mes piles. Et puis comme souvenir, ça vaut bien un mug du Jubilé de la reine Elizabeth. A part si des corgis y figurent. Auquel cas, toute cette chronique est évidemment invalidée.
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