Translate

jeudi 2 septembre 2021

Chronique du deuxième jour du mois de septembre de l’an de très très grande disgrâce vingt et un ....


Peut être une image de monument
Chronique du deuxième jour du mois de septembre de l’an de très très grande disgrâce vingt et un
Où il question de miracles et d’une rédemption.
En ce premier jour du mois de septembre, le Roy se fit transporter en aéroplane avec toute sa suite dans la bonne ville de Massalia, sur les rives du Lacydon. Il venait y imposer les mains, guérir les écrouelles, pacifier la cité – on y mourait beaucoup et fort jeune dans des rixes entre bandes rivales se disputant le commerce de substances illicites- et se faire admirer. Sa Grande Hypocrisie entendait ainsi se mettre bellement en lice pour le Tournoi de la Résidence Royale. La chose était fort aisée : étant le monarque en exercice, il n’aurait pas à débourser un liard de sa fortune personnelle, tout lui était dû, taxes et gabelles y pourvoyaient, et chacun et chacune, dans l’aréopage massaliote des barons et des baronnes, des ducs et des duchesses, ne rêvait que de lui être présenté, de se faire portraiturer à ses côtés, et de façon fort détournée lui prêter allégeance.
Or doncques Notre Cireux Paltoquet arriva dans la cité phocéenne dans l’après-midi de ce premier jour de septembre. Le jeune baron de la Paillote, qui avait succédé dans le fauteuil de bourgmestre au vieux baron de la Godille, l’attendait en grand apparat. C’était son jour de gloire. Il se disait qu’il avait l’oreille de Sa Poudreuse Sublimité et qu’il avait su La convaincre de faire le voyage. Chacun en sortirait magnifié. Lorsque le carrosse royal arriva en vue de l’hôtel de ville, des Riens et des Riennes - qu’on avait contenus derrière des barricades et que des argousins féroces menaçaient- lancèrent des huées et des quolibets. « Que veulent ces gens ? M’acclament-ils déjà ? » s’enquit Notre Jovial Freluquet. « Sire, s’empressèrent aussitôt les Conseillers, oui, ces gueux sont en pâmoison, la ville vous est toute acquise ! ». Dans les salons, les barons et les baronnes étaient à la parade, attendant que Son Impériale Suffisance daignât les saluer en les pinçant par la joue. Gracchus Melenchonus, en sa qualité de tribun du peuple de Massalia, se trouvait également là. Ce fut lui qui narra ensuite à quelques gazetiers que le Roy n’avait point l’intention de bourse délier pour guérir les maux de la cité. Il avait enjoint que les archontes se missent tout uniment d’accord entre eux. Des conciliabules qui s’en suivraient jailliraient les écus, à n’en point douter. Gracchus Melenchonus ajouta qu’il ne faisait point de doute que Notre Malavisé Foutriquet s’était d’ores et déjà mis en lice pour le Tournoi . « La meilleure amélioration que je propose de faire c’est de le remplacer. Comme ça c’est clair, les intentions de chacun sont nettes », tels furent les mots du tribun.
Après ces effusions, le Roy, flanqué de sa suite, de monseigneur le baron de la Paillote et de la baronne de la Galinette Centrée, se rendit en grande pompe dans un quartier mal famé afin d’aller imposer les mains et faire d’autres vaporeuses promesses. Madame de la Galinette Centrée aimait à faire savoir à la cantonade qu’elle était née dans les anciens taudis de ce faubourg, et qu’elle s’était ensuite hissée à la force de sa volonté jusqu’aux salons dorés de l’hôtel de Ville où elle occupait la seconde place après le baron de la Paillote. Tous deux venaient de la Faction de la Rose. Mais la baronne, fort ambitieuse, avait des visées plus considérables. Elle se voyait à la capitale et œuvrait sans relâche à ce faire. Le Grand Vizir Manolo, qui avait désormais son crachoir attitré dans le salon d’une gazette fort en vue, affirma depuis Lutèce qu’il fallait « raser » les faubourgs populeux de Massalia et les "repeupler autrement". Il révélait ainsi le fond fort noir de son âme : cela n’avait-il pas été déjà fait – et de façon fort magistrale - au mitan du siècle précédent quand les troupes de Herr Adolf occupaient la ville ? La baronne, que l’on disait pourtant du dernier bien avec le Grand Vizir, et qui avait elle-même réclamé à cor et à cris quelques années auparavant que l’on fît donner la troupe dans ces faubourgs, désavoua ces manières. Elle entendait désormais être la Madonne des Malheureux et en faire son fonds de commerce.
En guise de tout potage, les pauvres de ces quartiers où l’on criait misayre depuis si longtemps reçurent des mots. Sa Lacrymale Verbosité promit – comme d’autres l’avaient fait avant lui - que l’on ouvrirait les cordons de la bourse : « La détresse est telle que ce n'est pas suffisant, on doit intensifier et avoir une échelle de temps et d'investissement bien supérieur". Mais ce que le Roy entendait d’abord fournir à la cité, c’était encore et encore des argousins. Ils arrivaient par bataillons et on ne savait plus les compter.
Le lendemain était le jour où les bambins et les bambines des escholes retrouvaient leurs fainéants de maitres et de maitresses. Monseigneur de la Blanche Equerre, Grand Chambellan à l’Instruction, accompagna le Roy dans une eschole fort délabrée, promise à la destruction. Les édiles de Massalia entendaient ainsi montrer l’incurie du vieux baron de la Godille, lequel s’était fort peu préoccupé des faubourgs dangereux de la cité. Quand on y défouraillait – cela arrivait maintes et maintes fois- et qu’un jeune Rien restait sur le sol, le vieux baron s’exclamait invariablement « tant qu’ils se tuent entre eux... ». Le baron de la Paillote affirmait à qui voulait l’entendre qu’avec lui et les siens, les choses changeraient, mais il fallait des écus, et il n’y en avait plus.
On ne sut qui - du Monarc ou de son Chambellan- fut acclamé avec le plus de chaleur lors du transport en carrosse vers l’eschole. Auparavant, Sa Facétieuse Altesse s’était adressé à tous les petits Riens et les petites Riennes qui retrouvaient en ce jour béni le gai savoir. Notre Joyeux Luron tenait en mains un portrait car il voulait en ce jour honorer la belle promesse faite à ses merveilleux amis les bouffons Maqueflaille et Gare-au-Litron, dont les noms et les visages hilares furent ainsi associés dans l'hommage à celui de l’infortuné maitre des moyennes escholes, qu’un fanatique assassin avait épouvantablement décapité. Partout dans le pays, on sut apprécier à sa juste mesure le sens de l’à-propos de Sa Formidable Indécence.
Cependant qu’à Lutèce, on se pâmait et on dissertait à l’infini sur les miracles que le Roy s’apprêtait à accomplir à Massalia – Madame la duchesse de la Courge se lança dans une dithyrambe des plus enflammées pour se consoler de n’être point dans les bagages de son Suzerain – dans sa bonne cité, le baron de la Paillote était aux anges. Il avait mandé que l’on organisât une fastueuse réception dans les salons du palais de l’Impératrice Eugénie. Avant les agapes, on se pressa pour écouter dévôtement Sa Généreuse Compassion, laquelle eut ces mots : « j’assume complètement que le devoir de la Startupenéchionne est d’être aux côtés des Massaliotes ». Aussitôt, dans toute la cité, on s’affaira à remplacer toutes les statues de la Bonne-Mère qui ornaient encore les angles des vieux immeubles délabrés par des statuettes en or massif à l’effigie de Notre Miséricordieux Monarc. Monseigneur Belsunce avait trouvé son digne successeur, alléluia !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire