samedi 3 juillet 2021

La lettre de PATRICK LE HYARIC samedi 3 juillet 2021

 

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 La Lettre du 03 juillet 2021
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La Lettre de la semaine... 
 
 
J’ai consacré mon éditorial de L’Humanité Dimanche aux résultats des élections départementales et régionales sous l’angle de la manifestation politique que constitue le niveau élevé d’abstention. 
 
Inventer une démocratie nouvelle
 
 
L’éditorial de L’Humanité Dimanche du 1 au 4 juillet 2021 – par Patrick Le Hyaric.
 
 
Lire ici
 
J’en redis quelques mots ici. Il ne s’agit pas d’un épiphénomène mais d’une tendance longue et lourde qui se manifeste de scrutin en scrutin. Mais cette fois un palier vient d’être franchi. Pour être efficace dans le travail et l’action militante, il convient de tenter d’en étudier les causes. Elles sont multiples, mais nous sommes sans doute à un point d’incandescence de la crise de représentations, de l’agonie de La 5ème République (dont la Constitution a été modifiée tant de fois) et peut être proche d’une crise institutionnelle.

C’est le reflet d’une vie politique toujours plus étouffée par l’omnipotence du président de la République et du présidentialisme qui atteint les partis, au détriment du Parlement, des corps intermédiaires et d’institutions servant à la concertation, d’un système médiatique tenu par les milieux d’affaires pour imposer le tempo des débats, leur contenu, bien loin des préoccupations populaires.
 
La confrontation d’idées sur le temps long, permettant la réflexion, est éliminée des écrans. Et, quand après le mouvement des Gilets jaunes le pouvoir inventa « la Convention Citoyenne pour le Climat », présentée comme un acte de revitalisation de la démocratie, la conclusion a été de retenir le moins d’idées possibles de celle-ci ou pour les détourner.
 
Ajoutons que l’État fait jouer de plus en plus un rôle de courroie de transmission des politiques nationales aux collectivités territoriales, dès lors qu’il leur rabote toujours plus les compétences générales. Loin de rapprocher les citoyens de la vie régionale, les grandes régions – n’ayant plus souvent rien à voir avec l’histoire et la géographie – ont encore éloigné les citoyens des lieux de décision. Elles n’ont d’ailleurs pas permis de réaliser des économies, contrairement aux promesses, à l’époque, de MM. Hollande et Valls.
 
Autrement dit, cette transformation territoriale (qui s’est faite sans concertation) n’a eu que pour objectif de conformer la France à un modèle d’organisation répondant aux vœux de Bruxelles, pour continuer d’affaiblir l’État républicain. Celui-ci est déjà lui-même encadré par les normes européennes de contrôle des budgets et d’unification vers le bas des politiques sociales. Sans oublier la pression qui pousse constamment au démantèlement des services publics.
 
Dans un tel contexte, encore aggravé par la campagne promotionnant le duo – parait-il « inévitable » – Le Pen/Macron qui nous a été ressassé durant ces derniers mois, les citoyens ont exprimé en masse leur refus d’avoir une nouvelle fois à choisir « un vote utile » dont ils savent qu’il les enferme dans des choix politiques, économiques et sociaux qui n’améliorent en rien leurs vies quotidiennes.

L’écosystème global médiatique, politique, culturel, tournent totalement le dos aux préoccupations des gens ordinaires. Ceux-ci savent de plus en plus que les alternances qui se succèdent ne créent pas les conditions d’une « alternative sociale, démocratique, écologiste ». Ainsi les forces dominantes ne sont pas mécontentes de ce sentiment d’impuissance qui se développe. D’ailleurs M. Macron a affiché plus que de la morgue vis-à-vis de ce résultat, marquant une indifférence totale, alors qu’il y avait engagé une quinzaine de ministres dans des listes qui ont terminé en général en queue de peloton. Il laisse ainsi croire aux abstentionnistes, qu’ils avaient eu raison de faire silence. Seulement, ce silence assourdissant fait beaucoup de bruit. Gare à la suite. La situation ne pourra pas rester statique et de puissants mouvements peuvent rapidement se développer pour refuser cette mécanique et ces enfermements dans de faux choix.
 
En ce sens, la mise à disposition de la candidature communiste de Fabien Roussel dans le débat peut constituer un atout pour les citoyens en recherche d’autre chose, pour promouvoir dans l’unité une issue transformatrice améliorant leurs vies. Elle doit pour cela refuser de s’inscrire dans la présidentialisation du pouvoir, mais viser à permettre une expression populaire puissante, à partir des lieux de vie et de travail des citoyens qui doivent pouvoir s’en servir pour dire ce qu’ils ont sur le cœur. Sans cela, il sera difficile d’ouvrir les portes d’un débouché politique. Car l’abstention contient un fort paradoxe. Elle traduit, un rejet fort du système en place, une puissante aspiration au changement, mais elle aboutit au statu-quo, à la reconduction des sortants, sans modifier les rapports de forces.
 
Pire, dans le Val-de-Marne, elle conduit à la non reconduction de la majorité de gauche animée par les communistes et d’extraordinaires présidents en la personne hier de Michel Germa et jusque-là par Christian Favier, qui a donné une nouvelle impulsion au département, à ses politiques sociales, scolaires, culturelles et de solidarité. Je souhaite qu’on puisse valoriser l’activité, les réalisations d’un homme (et de sa majorité) de la stature de Christian Favier. J’ai évidemment une forte pensée pour lui et pour les communistes du Val-de-Marne.
 
Je félicite toutes celles et ceux devenus conseillers régionaux ou départementaux communistes dans des listes d’union ainsi évidemment que nos amis Huguette Bello et Gabriel Serville et leurs équipes.
 
Pour revenir aux paradoxes de l’abstention, tout en l’analysant, nous ne pouvons pas rester au constat, nous ne pouvons pas non plus considérer que le silence des urnes soit d’essence révolutionnaire ou porteuse de solutions alternatives. L’un des travaux à déployer est donc celui d’initiatives avec les citoyens sur les moyens de régénérer la démocratie. L’autre est de réfléchir aux implantations militantes et aux pratiques militantes dans le cadre de profondes mutations dans la plupart des villes et de la société dans son ensemble. Ajoutons que les forces qui résistent le mieux sont celles qui sont composées de militants et non les mouvements créés pour porter un candidat à la présidentielle.
 
Taxation mondiale des multinationales et justice fiscale 
 
Ceux qui depuis des dizaines d’années nous ont traité comme des militants voulant toujours plus de taxes, ou refusant une fiscalité plus juste en ont pour leur frais. Les faits, les décisions nous donnent raison. Jeudi dernier, 130 États négociant sous l'égide de l'OCDE ont conclu un accord prévoyant une taxe mondiale à 15 % sur les multinationales. D’aucuns parlent de « l'accord fiscal international le plus important conclu depuis un siècle ». Son objectif est double : couper l’herbe sous le pied des paradis fiscaux tout en visant une meilleure redistribution des profits des multinationales – et tout particulièrement des géants du numérique. C’est le résultat d’un long combat des associations, des partis de gauche en Europe dont le Parti communiste français ; j’ai moi-même été très engagé au parlement européen sur ces enjeux.

Avec cet accord, l’OCDE estime que les États seront en mesure de recouvrer – au niveau mondial – 150 milliards de dollars de recettes fiscales de plus chaque année. C’est une très bonne nouvelle si les États utilisent cette somme pour améliorer les services publics et les infrastructures, développent la formation et le travail, tout en étant plus aptes à faire face à la crise générée par la pandémie de Covid-19.

Cette décision met en exergue le double-discours du gouvernement français en matière de fiscalité, qui se félicite d’un accord qui augmente la taxation des multinationales à l’international mais se refuse toujours à mettre en œuvre la révolution fiscale française pourtant nécessaire pour réduire les inégalités et progresser vers la justice.
 
Pire, le lundi de cette même semaine, le président recevait quelque 140 dirigeants d'entreprises internationales au château de Versailles pour une nouvelle édition de « Choose France », mini-forum de Davos visant à promouvoir l’attractivité de notre pays pour les investisseurs étrangers. Principaux arguments mis en avant : baisse des impôts de production de 10 milliards d'euros par an, régime fiscal des impatriés, soutien à la compétitivité…
 
Le jour suivant, le ministre de l’Economie et des Finances, M. Bruno le Maire, se targuait sur un plateau de télévision de faire partie de « la majorité qui a le plus baissé les impôts depuis 20 ans, ceux des français […] et ceux des entreprises », avant de s’en prendre à « l’impôt de production » (nouvelle expression issue de la novlangue européiste conçue pour détourner le regard de la valorisation du capital), « 7 fois plus élevé en France qu’en Allemagne ».
 
En effet depuis quarante ans les impôts sur le travail et les retraites augmentent et ceux du capital diminuent sans que cela ait un effet positif sur l’emploi correctement rémunéré, tandis que les inégalités sociales continuent de se creuser. Soit une puissance publique continuellement mise à mal avec une saignée qui nous coûte nos services publics, tandis que les forces capitalistes voient leur intérêts toujours mieux protégés (lire ici « Ah ! L’impôt » mon éditorial de L’Humanité Dimanche du 23 juillet 2020).
 
Ainsi, s’il y a de quoi se réjouir de l’accord trouvé à l’OCDE, loin d’être la panacée il ne doit être reçu que comme un premier pas. Et s’il est vrai que la France pourrait récupérer 5 à 10 milliards d'euros grâce à cet accord, il ne faut pas oublier que l’évasion fiscale continue de coûter aux français 60 milliards par an tant que le gouvernement refusera de prendre à bras le corps ce combat en préférant faire la chasse aux fraudeurs aux prestations sociales (1,7 milliards d’euros par an).
 
Par ailleurs, avec sa « réforme des impôts de production » consistant en une baisse de 50% de la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), le pouvoir macroniste a fait un cadeau aux entreprises de 10 milliards par an jusqu’à la fin du quinquennat.
 
Au total, la politique de baisse sur la fiscalité des entreprises aura représenté 25 milliards de manque à gagner pour le budget sur la durée de ce quinquennat.
 
Enfin, force est de constater qu’il aura été nécessaire que les États-Unis, avec l’arrivée de Joe Biden, se décident à faire le premier pas pour que très rapidement institutions internationales et gouvernements-vassaux européens s’alignent au sujet d’une mesure qui va à l’encontre des dogmes ultralibéraux et qui était demandée depuis des années par les forces progressistes – notamment les communistes français.

La prochaine étape pour confirmer une taxe mondiale à 15 % sur les multinationales aura lieu les 9 et 10 juillet prochain à Venise, avec la réunion des ministres des Finances du G20. Le chemin à parcourir est encore long pour atteindre un semblant de justice fiscale au niveau mondial. Nul doute qu’il sera semé d’embuches tant ces multinationales feront tout pour entraver l’applicabilité de tels mécanisme, s’ils voient le jour.
 
Modifications climatiques : des effets concrets !
 
Ces dernières semaines, nous avons vu comment l’équivalent d’un mois de pluie était tombé en quelques heures dans l’Oise, causant d’énormes dégâts, d’abord début juin puis une nouvelle fois seulement vingt jours plus tard provoquant tristement la mort d’un adolescent. La semaine suivante, c’est le département des Vosges qui était frappé par un violent orage de grêle (jusqu’à 60 cm !) obligeant à ressortir pelles à déneiger et chasse-neige en plein début d’été !

De l’autre côté de la planète, ce sont des vagues de chaleur d’une violence sans précédent qui s’abattent depuis dimanche sur l’ouest des États-Unis et du Canada, avec des pics de température entre 45° et 50°C. Les météorologues y ont constaté des phénomènes de « dôme de chaleur » qui ont provoqué plus de 500 morts soudaines et une multiplication des feux de forêts. D’autres zones de l’hémisphère nord ont aussi connu des températures inhabituellement élevées, comme l’ouest de la Russie.
 
Ces évènements nous offrent un nouvel aperçu des conséquences des changements climatiques et des dégâts qu’ils causeront dans les prochaines décennies. Mais nous devons être conscients que le pire est déjà là avec, à Madagascar, la première famine dont l’ONU attribue directement l’origine au réchauffement climatique. Dans ce pays frappé par la sécheresse depuis plusieurs années, les populations des campagnes – devenues trop arides – migrent vers les périphéries des villes où elles se retrouvent réduites à un état de pauvreté extrême. La situation y est dramatique. Présente sur place, l’ONU estime à 1 million le nombre de malgaches ne mangeant pas à leur faim.
 
La semaine dernière, les fuites bizarrement distillées d’un pré-rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat) laissaient transparaître des préoccupations sans équivoques. « Pénurie d’eau, exode, malnutrition, extinction d’espèces… La vie sur Terre telle que nous la connaissons sera inéluctablement transformée par le dérèglement climatique quand les enfants nés en 2021 auront 30 ans, voire plus tôt ». Ou encore : « La vie sur Terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes. L’humanité ne le peut pas » (lire « Climat. Au Giec, une fuite échaude les débats climatiques », l’Humanité du 24 juin 2021). De quoi alerter à nouveau, à six mois de la prochaine Conférence mondiale sur le climat (COP26 de Glasgow, Ecosse).
 
Un débat est entamé sur le fait de savoir si on doit continuer de parler d’Anthropocène ou s’il faudrait lui préférer le terme de Capitalocène, plus apte à pointer du doigt le principal facteur de la crise écologique globale qui se combine avec la crise sociale.
 
Le Conseil d’État vient de sommer le gouvernement français de prendre des mesures supplémentaires en matière climatique. Un camouflet qui revient à balayer son projet de loi « climat et résilience », qui vient d’être voté en première lecture au Sénat (lire « Politique climat : le gouvernement a neuf mois pour accoucher », l’Humanité du 2 juillet 2021).

Même s’il n’est assorti d’aucune pression financière, cet ultimatum inédit a pour date d’échéance le 31 mars 2022, c'est-à-dire 15 jours avant le premier tour de l’élection présidentielle. 
 
 
Le 6ème numéro de Travailler au Futur est disponible
 
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Le 3ème numéro de La Terre est disponible
 
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Manger mieux, c’est la préoccupation de tous tant on sait le lien qui existe entre une alimentation saine, équilibrée et une bonne santé. Qu’est-ce que manger mieux ? Pour répondre à cette question centrale, LA TERRE a convoqué, entre autres, le président de l’INRAE, une naturopathe, une spécialiste de la nutrition du Credoc et un « gaulois gourmet » !

Au sommaire de ce n° 3 du magazine du vivant, outre vos rubriques habituelles, la parole est donnée à Louise Deffontaines et Édouard Stalin, des maraîchers normands, et à Nadia et Thierry Jacquot, des éleveurs de bisons dans les Vosges. Vous voyagerez au coeur d’une ferme du Pays basque et en Louisiane. Vous saurez tout, pêle-mêle, sur le café, les « moulinages » d’Ardèche, les Éco-scores, les circuits courts, le prix du lait (et sa chute), les recettes sauvages et sur un maître du jardin né il y a 400 ans : Jean de La Fontaine.
 
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A découvrir : le nouveau livre de Bernard Vasseur
 
 
Du monde capitaliste comme religion
 
Le seul paradis dont nous puissions rêver est-il « un paradis fiscal » ? La promesse de « faire travailler votre argent » est-elle un acte de foi bien raisonnable pour votre banquier ? Et si le monde capitaliste n’était pas seulement une économie, une société et un État, mais aussi une religion comme le suggèrent Karl Marx et Walter Benjamin ? Une « religion de la vie quotidienne », non pas tournée vers l’au-delà mais vers un ici-bas qu’il faudrait aimer tel qu’il est, avec un culte sans dogme transcendant mais avec le concours de l’église bavarde des économistes, et enfermant bel et bien les représentations et les croyances des sociétés humaines dans lesquelles il s’installe. Une religion des marchandises et de l’argent (une « société de consommation » et « une économie de marché ») fondée sur l’effacement et le mépris du travail humain pourtant indispensable à la création des vraies richesses sociales.  12€ - 200 pages. 
 
 
Restant à votre disposition, et souhaitant que vous preniez soin de vous et de vos proches, recevez mes amicales salutations.

Patrick Le Hyaric

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