Le 19 mai dernier, aurait dû sortir mon huitième livre, « Cas de force majeure ». Vous n’avez pas rêvé, j’ai bien écrit « aurait dû ». Car il était apparemment écrit que l’année 2021 serait marquée par la déroute éditoriale sous toutes ses formes.
Le projet était finalisé, prêt à être envoyé à l’impression. J’avais travaillé comme un forçat dessus, car la thématique des violences policières traverse mon œuvre depuis plus de quinze ans et que ce livre devait constituer une sorte d’aboutissement en l’abordant de front et sans filtre. Les équipes des Éditions des Équateurs avaient pris le relais. Mon éditrice, la formidable Jeanne Pham-Tran, l’excellent graphiste Stéphane Rozencwajg, le maquettiste, tous avaient œuvré pour faire de ce livre une réussite. Mais c’était sans compter le grand patron de la boîte, Olivier Frébourg qui, à quelques semaines de la sortie, était entré dans le jeu.
Son problème ? L’une des histoires du recueil (que vous pouvez également lire sur cette page) retrace le parcours de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur. Une histoire directe, mais sans aucune diffamation, qui reprend point par point le parcours d’un triste individu. La présence de cette histoire dans le recueil était pour moi une évidence : comment pourrais-je attaquer la base de l’institution policière sans m’interroger sur les responsabilités du grand patron ? Quel auteur engagé peut se targuer sans honte de s’attaquer à une partie du peuple (les policiers) sans questionner les liens hiérarchiques, le rôle sociétal et systémique, la responsabilité des élites ?
Olivier Frébourg n’a pas annulé le livre, il n’en a pas eu le courage : il a simplement demandé le retrait de l’histoire de Gérald, ou d’en modifier chaque case, de telle sorte que le récit ne ressemblerait plus à rien, vidé de sa substance. J’ai donc pris mes responsabilités en refusant cette censure détournée et en quittant le jeu. Le livre « Cas de force majeure » ne peut exister sans l’histoire de Gérald, de la même manière que « Cas d’école » n’aurait pu exister sans l’histoire de Jean-Michel Blanquer.
Je n’ai pas de haine vis-à-vis de Frébourg. Il a bien le droit d’être de droite, d’avoir des amitiés merdiques et, surtout, il a le droit de mettre son pognon là où il veut. Les Éditions des Équateurs sont son bébé et il les gère comme il l’entend. Je regrette par contre profondément le fait qu’il soit incapable d’assumer ce qu’il est et qu’il m’ait fait mariner (de même que son équipe) dans un flou total sans donner aucune nouvelle, n’osant pas clamer d’une manière claire que, non, il ne veut pas qu’on s’en prenne à son camarade Gérald, un type dont il partage les valeurs.
Je suis aujourd’hui profondément amer. C’est la première fois que l’un de mes projets suscitait autant d’attentes, chez les lecteurs, chez les libraires et même chez les représentants des grandes enseignes comme la FNAC. Et ce projet ne verra pas le jour.
Vous avez été nombreux à me demander des nouvelles de ce livre, à vous interroger sur le fait qu’il ne soit pas encore sorti. Ce long message me permet de vous répondre de la manière la plus transparente possible. Je vous remercie tous, lecteurs réguliers et occasionnels, de continuer de faire vivre cette page. Votre soutien et votre présence me donnent la force de continuer.
Si un éditeur courageux passe par là et souhaite prendre le relais, qu’il n’hésite pas à me contacter. Le livre est prêt, il n’y a plus qu’à.

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