vendredi 1 mars 2019

LES HOMMES DE LA CASTAGNE ce SONT ENCORE FAIT REMARQUER ! le 22.01.2019


LES HOMMES DE LA CASTAGNE ce SONT ENCORE FAIT REMARQUER ! 



Témoignage

Gauthier T.

Allez je me lance, pendant que c'est frais. Ca risque d'être un peu long.

17h10. A cette heure précise selon l'officier de la BAC, je suis en Garde à vue avec mon camarade de lutte Xavier. Pour que vous ayez une meilleur vision des choses que moi à ce moment précis, la garde à vue c'est en termes légaux une privation de votre liberté, c'est-à-dire qu'à partir de ce moment vous êtes totalement restreint le temps que soit menée une enquête à charge contre vous. Mais revenons quelques minutes auparavant.
Un peu avant 17H. Fin de manifestation, dans la rue qui mène aux invalides, nous sommes en queue de cortège avec 5 amis à discuter politique et entonner notre propre version du chant maintenant connu des manifs gilets jaunes : "Eeee-mmanuel Ma-cron, présiiiiiii-dent des pat-rons, où est l'coffre de Benallaaaaaa?". Le cortège s'arrête, ca reflue et on craint un mouvement de foule dû à des échauffourées, on reste donc quelques minutes au pied de la station saint-francois xavier. Le temps de faire une pause pipi, et de s'interroger mutuellement sur l'endroit où allons nous aller boire un verre après ou éventuellement rentrer, un mouvement de bacqueux accapare l'attention des manifestants présents, poursuivant à priori quelqu'un, ils écopent de huées de la foule et se replient derrière une rangée de CRS en lâchant quelques gazs au passage. S'ensuit une pause, un de ces moments où tous ceux ayant participé à une manifestation de ce genre sentent que la charge des forces de police ne va pas tarder, celui où en prévision d'éviter les flashballs perdus et de pouvoir guider les camarades moins prévoyants dans le nuage qui en général s'ensuit, j'enfile mes (feu) protections, casque, visière de ski et masque à cartouches. Une fois protégé d’éventuelles erreurs de visée policières, je cherche mes camarades et alors que je m'approche j'entends le bruit caractéristique des lacrymos qui éclatent et nous voila dans le nuage de gaz. Mouvement de foule qui recule dans une rue perpendiculaire, je rejoins mes camarades et nous nous dirigeons dans une autre rue, en parallèle d'une brigade de la BAC. Nous ne courrons pas, nous ne sommes pas vindicatifs, nous nous éloignons juste des échauffourées histoire de pouvoir respirer sereinement et aller boire un coup pour continuer la discussion. La brigade qui marche au même rythme que nous l'a d'ailleurs j'imagine bien compris, vu que ce n'est pas nous qu'elle surveille. En même temps, 5 cheminots en gilets fluos orange, on a vu plus discrets comme agitateurs.
Nous arrivons à un croisement, l'air est plus libre, la brigade qui marchait au même rythme que nous repart de là où l'on venait, nous sommes loin de toute tension (la foule est partie dans une direction totalement opposée). C'est safe. On se regroupe pour savoir quelle est maintenant notre direction. Je pose mon sac au sol pour pouvoir y mettre mon équipement de protection quand je sens une main sur mon bras. Une voix grave me dit "Monsieur, c'est la police, vous pouvez vous mettre sur le côté?"
Là dans les films le temps s'arrête mais en fait non. D'un réflexe normal, parce que j'ai conscience de n'avoir rien du tout à me reprocher, je me dis que je suis juste dans le passage... et je me mets sur le côté. Il est 17h10. L'homme masqué m’attrape plus fermement et me dit : " Monsieur, c'est la police, vous êtes en garde à vue, mettez les mains derrière le dos.".
C'est la que le temps s'arrête.
Le temps s'arrête. Garde à vue? me dis-je, ca n'est manifestement pas un contrôle de routine. Le cerveau turbine à 200km/h. "Qu'ai-je fait? Qu'est-ce que j'ai dans mon sac? Depuis combien de temps me surveillent-ils? Que font-ils à mes collègues?"
J'ai juste le temps au milieu de cette confusion de demander au policier: "Puis-je savoir pourquoi vous m'arrêtez?" Il répondra : "On ne vient pas en manifestation pacifique avec ce genre d'équipement, monsieur. Vous êtes là pour en découdre." Stupeur, le policier serait-il capable de prédire mes mouvements et pensées? Je dénie bien entendu, mais c'est déjà trop tard, mes mains sont dans mon dos, encagées dans un Serreflex. D'un rapide coup d’œil je m'aperçois qu'ils sont de toute façon une dizaine armés jusqu'au dents. Dans mon dos j'entends mes camarades qui crient, de me libérer, de libérer mon collègue qui s'est fait arrêter aussi pour une raison d'autant plus inconnu puisqu'il n'avait même pas de protections (mais il est noir, sans doute facteur aggravant pour ces gardiens de la paix. Oui c'est une supputation, mais s'ils ont le droit d'en faire, je me permets aussi.)
Le policier fouille mon sac et mes poches, je sens la déception dans ses paroles quand il dit que je n'ai qu'un casque audio, un bonnet, des gants et rien de répréhensible. Je lui précise qu'il est inutile de jeter mes affaires au sol, bravade de l'homme attaché et mis aux fers.
Et aussi vite que le temps s'était arrêté, il s’accélère très vite. J'ai le temps de répondre à ma camarade qui me crie "Je préviens sabrina" d'un signe de tête et je suis enfourné dans la clio, mes affaires jetées comme un paquet de merde dans le coffre. Pendant que je vois mon pote se faire plaquer contre la voiture et les policiers lui intimer de se calmer, celui que je suppose le chef est à l'avant et remplit le pv d'interpellation, nom, prénom, identité classique. Dans ma tête la seule réponse c'est "ne t’énerve pas, reste calme, ils ne veulent que rajouter rébellion à ton dossier". Celui qui m'a arrêté revient à la charge:
"_ Vous êtes cheminot? Vous avez jamais fait de privé avant? Ça se voit.
_ Si, si, j'ai travaillé plusieurs années dans le privé."
Ça ne l'arrange pas pour son discours, il décide donc d'ignorer ma réponse.
"_ Parce que moi j'ai travaillé dans le privé avant, et je le vois avec les jeunes qui sortent de l'école et qui en arrivant dans la fonction publique se laissent aller et pantouflent comme vous. Mais franchement, moi je sais qu'on devrait se réjouir, on est quand même pas mal dans la fonction publique et vous feriez mieux d'arrêter de trop en demander."
Surtout ne pas répondre, je sais ce qu'il veut. Il veut que je lui dise à quel point sa miette est chaude, croustillante et dorée. Que quand il la glisse sous sa langue, sa miette diffuse un goût de miette pendant plusieurs jours et que franchement ca pourrait être pire, il pourrait n'avoir pas de miette. Parce que je vais lui répondre quelque chose il va mathématiquement ajouter rébellion ou outrage, alors je garde le silence. Je n'ai même pas le réflexe de demander pourquoi je suis en garde à vue, de toute façon il n'ont pas vraiment besoin de raison.
J'entends ses collègues réagir aux invectives de ma collègue que je n'entends pas mais que je suppose assez argumentées puisqu'ils disent: "Arrête Serge, ca ne sert à rien de discuter avec ces gens-là, tu le sais bien! " "Si tu veux je peux utiliser ma grenade, je vais lui mettre dans le cul, on va bien rire" et autres arguments montrant l'état d'esprit de ces gens-là (comme dirait Brel).
Une phrase me marque, je n'en comprends pas la portée tout de suite pourtant. "17h10, déjà deux interpellations, on est bien sur les chiffres!" Effectivement je ne l'apprendrais plus tard, mais la manifestation était autorisée jusqu’à 17H. Il est 17H10 nous sommes donc un attroupement.
Finalement, j'apprends que ca ne sera pas la clio. Les chiffres ne permettent sans doute pas qu'on utilise le véhicule à des fins de transport de prisonniers, il vaut mieux la garder pour transporter des interpellateurs. Un camion arrive avec trois gardiens de la paix, nous sommes donc embarqués sans n'avoir eu aucune notification de pourquoi, autre que le port du casque et du masque pour moi et la détention d'arme pour mon collègue (un brise-vitres à 5€ déjà pas très efficace pour briser les vitres, alors pourquoi pas le considérer comme une arme.) Nous voilà trimballés dans Paris, les fers plastifiés aux poignets dans un véhicule vieillissant dont les portes tiennent à peine et dont les ceintures ne donnent pas envie d'avoir un accident. Normal, c'est un véhicule de police secours, ceux que l'on appelle, nous, gens lambdas, quand on à besoin de la police en urgence. Mais aujourd'hui ils sont réquisitionnés pour transporter des prisonniers de guerre, du butin, alors la plèbe attendras.
Nous sommes amenés au commissariat du 17e, nos fers toujours bien attachés. Et ici commence la découverte de l'inertie inhérente à la bureaucratie policière. Nos transporteurs sont décontenancés, où doivent-ils nous amener? Que doivent-ils faire de nous? On leur dit au 3e c'est les OPJ, une fois en haut on nous dit de redescendre, pour vérifier qu'on est pas ivre, les mains toujours bien serrées, terroristes que nous sommes. Éthylomètre et la joie du loto, 0,11g mince! Il est même pas ivre en plus! Nos transporteurs plutôt sympas malgré leur fonction demandent a nos futurs geôliers "On peut les détacher", réponse de l’intéressée : "Ils sont calmes?" Approbation des autres, nous voilà libérés de nos chaînes modernes, avec de belles marques. Au moins sauront-ils que nous sommes calmes, me dis-je.
Me voilà emmené au 3e dans le bureau des OPJ.
Les OPJ vous feront toujours croire qu'ils sont vos meilleurs amis, ca n'est pas le cas. Vous qui lisez cela, si jamais cela vous arrive, sachez que le seul travail de l'OPJ et il le fait comme son travail donc bien c'est d'instruire une enquête contre vous. Tout ce que vous direz et ferez sera retenu contre vous. Donc même s'il est sympa, c'est pas votre copain. Il me notifie que je suis en garde à vue pour "Attroupement en vue de commettre des délits, des dégradations ou des destructions d'ordre public". Ah? Mais comment ca? L'attroupement c'est quand les manifestations ne sont pas autorisées, réponds-je innocemment. Et là sans perdre une dent, l'OPJ me répond oui mais elle était autorisée jusqu'à 17h, vous avez été interpellé à 17h10.
On ne rigole pas avec la montre dans la police, surtout quand elle justifie de remplir des camemberts.

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