vendredi 1 mars 2019

Alexandre Benalla, pour tout l’or du Tchad le 22.01.2019


"Diplomatie de l’ombre
Dans ce conflit secret, l’armée française n’est jamais loin. Ses drones fournissent aux forces tchadiennes de précieux renseignements sur les mouvements des comités d’autodéfense dans une région qui ne compte pas un seul jihadiste. La France approvisionne en carburant l’armée tchadienne, à hauteur de 4 millions d’euros par an. C’est une information officielle, connue. Ce qui est moins rendu public, c’est que ce carburant alimente certainement les hélicoptères qui s’en vont massacrer des civils dans le Tibesti. A Faya-Largeau, à un peu moins de 500 kilomètres de la ligne de front, un hôpital de campagne est tenu par des médecins tricolores et les blessés des forces régulières s’y font soigner. Et l’on ne peut s’empêcher d’établir un parallèle avec les heures les plus sombres de la Françafrique, lorsque Paris appuyait la répression des insurgés camerounais de l’UPC ou le génocide des Tutsis au Rwanda, quand Paris oubliait d’être, selon la formule de Clemenceau, «un soldat de l’humanité» pour fermer les yeux sur des crimes contre cette même humanité. Car l’Elysée sait ce qui se passe au Tibesti, il n’ignore rien de cette sordide guerre de l’or auquel Alexandre Benalla va se retrouver également mêlé.
Dans ce pan de l’affaire, l’homme-clé n’est pas l’ancien garde du corps de Macron mais bien son nouveau mentor, Philippe Hababou Solomon. L’homme d’affaires israélien est un habitué du Palais rose, où Déby le reçoit en ami. Et Hababou Solomon le lui rend bien : il a récemment joué les missi dominici pour réconcilier le Tchad avec deux Etats. Le Qatar tout d’abord, pour qui Hababou Solomon travaille en tant que consultant, cultivant sa proximité avec la famille de l’émir Tamim al-Thani. Israël, ensuite. Même si des mercenaires liés au Mossad travaillent depuis 2006 au Palais rose où ils sont affectés à la cellule d’écoutes téléphoniques, les relations diplomatiques entre le Tchad et l’Etat hébreu étaient rompues depuis 1972. Le lien s’est reconstitué à la faveur d’un séjour de Déby à Tel-Aviv, fin novembre. A cette occasion, le Premier ministre, Benyamin Nétanyahou, a consenti d’importantes ventes d’armes au président tchadien, notamment des véhicules blindés RAM MK, indispensables à la «pacification» du Tibesti.
Fin novembre, moins d’une semaine après le retour du président tchadien en provenance d’Israël, c’est au tour d’Hababou Solomon d’atterrir à N’Djamena, en compagnie d’Alexandre Benalla. La visite est aussi courtoise qu’intéressée. Hababou Solomon vient chercher sa rétribution pour ses bons offices, sa diplomatie de l’ombre au Qatar et en Israël. La délégation de dirigeants de la société turque Sur International qui les accompagne et qui vient vendre des uniformes militaires est un leurre, une couverture. Hababou Solomon et Benalla ont des ambitions de Rockfeller plutôt que de fripiers. Au soir du 3 décembre, Hababou Solomon annonce à Déby que des investisseurs qataris proches de l’émir sont prêts à se lancer dans l’extraction de l’or du Tibesti.
Les Qataris ne sont pas des néophytes en la matière. En 2014, ils avaient déjà participé à l’exploitation de l’or du Batha, une région du centre du pays. Là, l’affaire promet d’être encore plus juteuse. Le montage est simple : une joint-venture domiciliée en Turquie mais à capitaux qataris, Barer Holding, doit discrètement prendre le contrôle d’une société fantôme, Sogem SA, qui dispose déjà d’un agrément étatique pour exploiter l’or depuis le 11 avril. Il faut dire que la Sogem SA est contrôlée en sous-main par des proches de Déby, notamment son neveu et grand argentier, Abderrahmane Mahamat Itno, alias «Bedey». En échange, Barer Holding s’engage à apporter la mise de fonds pour démarrer l’exploitation aurifère. La joint-venture pourra ensuite s’approprier 65 % des bénéfices, 35 % allant au clan Déby.
Atout maître
Dans la négociation, l’ancien garde du corps d’Emmanuel Macron a été plus qu’un intermédiaire. Il s’est révélé atout maître. Car Déby en est persuadé : en s’adressant à Benalla, il parle à l’oreille d’Emmanuel Macron. Est-ce réellement le cas ? Emmanuel Macron a-t-il fait de son ancien garde du corps l’instrument d’une diplomatie parallèle ? Pourtant, l’Elysée a toujours affirmé tout ignorer de l’équipée de Benalla en terre tchadienne, passeports diplomatiques en poche. Quoi qu’il en soit, les 22 et 23 décembre, le président français s’est rendu à N’Djamena et a affiché un soutien indéfectible à Déby. Sans un mot bien entendu pour la tragédie qui se déroule dans le nord, loin des caméras. Pendant ce temps, la ville de Miski n’a pas cessé d’être assiégée, Kouri Bougoudi d’être un théâtre d’affrontements et chaque matin sur les montagnes acérées d’un Tibesti-martyr, d’une région bientôt envahie par les pelleteuses des multinationales de l’or, se lève une aube encore plus rouge que la veille."

LIBERATION.FR
Quel était le véritable objet du voyage de l'ancien garde du corps du président Macron au Tchad ? La question reste entière, malgré l’audition de l’intéressé devant une commission sénatoriale ce lundi. C’est peut-être en direction de la nouvelle manne du pays, l’or du Tibesti, qu’...

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