Un mano a mano. Invité de " L'Emission politique " sur France 2, jeudi 26 septembre, le premier ministre, Edouard Philippe, débattra un moment avec le président du parti Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez. Une confrontation attendue avec gourmandise chez les observateurs avisés de la droite. L'un d'eux, qui a eu de hautes responsabilités en Chiraquie, s'en délecte par avance : " Politiquement, ça va être du cristal. Ce sont deux pur-sang sur un hippodrome bien dégagé, deux individus parfaitement équipés intellectuellement. " Qui vont utiliser cet échange pour parler à leur base et marquer leurs différences, après avoir cohabité pendant près de quinze ans au sein du même parti.
D'un côté, le chef du gouvernement espère montrer qu'
" il existe aujourd'hui deux droites, et chacun représente l'une d'elles ", pour reprendre les termes de Gilles Boyer, conseiller politique d'Edouard Philippe.
" Beaucoup d'électeurs, poursuit l'ancien directeur de campagne d'Alain Juppé,
ne se reconnaissent pas dans une droite dure ", qui serait incarnée selon lui par Laurent Wauquiez.
De l'autre côté, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes veut au contraire instiller l'idée qu'il sera le seul représentant de la droite authentique sur le plateau de France 2, jeudi soir. Selon certaines sources au sein de LR, M. Wauquiez pourrait pousser M. Philippe dans ses retranchements sur deux sujets : la dépense publique – que le gouvernement a renoncé à faire baisser à l'occasion du budget 2019 – et l'Europe.
" Absence d'estime "
" Pour les militants, cela montrera la fracture nette, le fait que Philippe, Le Maire, Darmanin, ne sont pas des hommes de droite, qu'ils ne mènent pas une politique de droite ", explique-t-on dans l'entourage de M. Wauquiez.
" Il peut passer du statut de patron de LR à celui de patron de la droite ", veut croire le député LR de l'Oise Eric Wœrth. Au-delà, ce débat va mettre aux prises deux personnalités de la même génération – M. Philippe a 47 ans, M. Wauquiez 43 ans – et issues du même moule – Sciences Po et ENA pour le premier, Sciences Po, ENA et Normale Sup pour le second. Des similitudes qui ne les ont pas empêchés d'emprunter des trajectoires opposées.
" Ils ne s'aiment pas, assure sans ambages un familier du premier ministre.
Ils ont une absence d'estime réciproque, et ce depuis toujours. Non seulement ils ne s'apprécient pas au plan humain, mais ils sont antithétiques au niveau des valeurs. "
Ils n'étaient pourtant pas très éloignés à leurs débuts en politique, en 2002. L'un et l'autre travaillaient dans l'ombre de deux cofondateurs de l'UMP : Alain Juppé, dans le cas de M. Philippe, et le centriste Jacques Barrot pour ce qui concerne M. Wauquiez.
" Sur le plan des idées, la filiation était proche ", reconnaît-on à Matignon. Durant ses années de compagnonnage avec M. Juppé, l'actuel premier ministre a observé avec consternation le virage pris par M. Wauquiez vers la droite dure, dès la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy. M. Philippe multipliait alors les propos peu amènes à l'endroit de M. Wauquiez, qui a soutenu M. Sarkozy en 2016. Ministre pendant cinq ans et présidentiable revendiqué, l'ancien maire du Puy-en-Velay faisait moins de cas du juppéiste, qui n'occupait pas le même rang au niveau national.
" Edouard Philippe n'existait pas, rappelle un élu de droite.
A l'époque, il ne dégageait pas d'ambition. Il avait l'image du type brillant qui veut garder sa mairie ou retourner travailler dans le privé. "
Au fond, les deux hommes n'ont jamais cherché à se connaître.
" Ils ne sont pas faits pareils : ils n'ont pas la même dialectique politique, ils n'ont pas la même façon d'aborder les sujets, ils ne les portent pas médiatiquement de la même façon ", énumère Gilles Boyer.
Aujourd'hui, ils s'affrontent pour le leadership d'une droite modérée éclatée par la défaite de François Fillon en 2017 et l'irruption d'Emmanuel Macron sur la scène politique. Edouard Philippe drague certains maires LR de grandes villes et de villes moyennes lors de déjeuners à Matignon, espérant les attirer dans ses filets en prévision des municipales de 2020. Laurent Wauquiez, lui, cherche à profiter des difficultés dans les sondages du chef de l'Etat pour raccrocher un à un les wagons avec l'électorat de droite, qui semble se détourner de M. Macron. Et préparer les batailles à venir. L'affrontement ne fait que commencer.
Olivier Faye, et Cédric Pietralunga
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