jeudi 27 septembre 2018

L'exécutif face au " front uni " des élus locaux


27 septembre 2018

L'exécutif face au " front uni " des élus locaux

Edouard Philippe se rendra jeudi au  congrès de Régions de France. L'ambiance s'annonce électrique

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Il va y avoir du sport sur le Vieux-Port. La première mi-temps aura lieu dès mercredi 26  septembre, à Marseille, à l'occasion du " rassemblement des élus pour les libertés locales " organisé conjointement par les présidents de l'Association des maires de France (AMF), François Baroin, de l'Assemblée des départements de France (ADF), Dominique Bussereau, et de Régions de France, Hervé Morin, avec en attaquant de pointe le président du Sénat, Gérard Larcher. Deuxième mi-temps le lendemain. Alors qu'il n'avait pas prévu d'y aller, Edouard Philippe interviendra finalement jeudi en ouverture du congrès de Régions de France. Preuve supplémentaire, s'il en était, de la préoccupation de l'exécutif face au front des associations d'élus.
L'explication promet d'être rugueuse. Le premier ministre ne cache pas son envie d'en découdre. Il avait même proposé de se rendre dès mercredi soir au Palais du Pharo afin d'engager directement le débat avec ce qu'il appelle le " front du refus "" Il n'a pas envie de laisser dire n'importe quoi, confie son entourage. Il n'a pas peur de défendre son point de vue. Il faut en finir avec le double langage. "
En tout cas, M.  Philippe, qui pratique assidûment la boxe, va devoir tenir la garde haute. Car les trois larrons ne sont pas des perdreaux de l'année et, depuis un an, les relations se sont sérieusement tendues. Entre l'ex-maire du  Havre et le président de la région Normandie, elles étaient déjà fraîches, malgré – ou à cause de – la proximité géographique. Ainsi le centriste salue-t-il la nomination de son " ami " à Matignon d'un tweet ambigu : " Son talent de boxeur et son jeu de jambes vont certainement lui être utiles. " Le centriste ne se prive pas, pour autant, de déplorer dans la presse locale la " démarche individuelle " de l'ex-député de Seine-Maritime : " Si Edouard Philippe avait la capacité d'entraîner des dizaines de parlementaires, ça se saurait ", assène-t-il.
" Bal du mensonge "Au printemps 2018, c'est le clash. Le président de Régions de France ne digère pas de s'être fait rouler dans la farine sur le dossier de l'apprentissage, estimant que le premier ministre n'a pas tenu ses engagements. Il ne décolère pas. " Avec ce gouvernement, c'est Le Livre de la jungle, c'est Kaa et Mowgli : “Aie confiance.” Pour, à chaque fois, se rendre compte que c'est un faux dialogue, que c'est de l'endormissement ", bougonne-t-il. Dans son sillage, il entraîne pour la première fois les présidents de l'AMF et de l'ADF qui, dans un même élan, annoncent leur refus de signer les " pactes financiers " proposés par le gouvernement.
François Baroin, lui, était monté au créneau dès la rentrée de septembre  2017. Entouré des autres présidents d'associations du bloc communal, il avait sonné l'" alerte rouge ", dénonçant les atteintes portées par l'exécutif à la libre administration des collectivités locales et " une recentralisation rampante ". Bien qu'il soit régulièrement convié à l'Elysée et à Matignon, le maire (LR) de Troyes n'arrive pas à se faire à la " nouvelle grammaire " de l'exécutif. Entre Philippe le juppéiste et Baroin le chiraco-sarkozyste, le courant a du mal à passer.
" Le dialogue est courtois mais, derrière, il ne se passe rien, déplore M.  Baroin. On nous propose des discussions ; en réalité, ce sont des tables d'écoute. " Le président de l'AMF semble de plus en plus désabusé quant à la réelle volonté du gouvernement et du chef de l'Etat d'établir un véritable " dialogue républicain ". Il est vrai qu'il doit aussi composer, au sein de son association, avec les tenants d'une ligne intransigeante, hostiles à tout compromis, incarnée par son vice-président, André Laignel. Pour le maire (PS) d'Issoudun (Indre), la Conférence nationale des territoires au sein de laquelle l'exécutif entend entretenir " un pacte de confiance entre l'Etat et les territoires " se résume à " un bal du mensonge "" Si c'est uniquement pour afficher une volonté de discussion, nous n'avons aucune vocation à être des poteaux d'affichage ", tempête l'inaltérable président du Comité des finances locales.
Dominique Bussereau, qui s'est mis en congé de LR, était certainement le plus disposé des trois à entretenir des relations cordiales avec la majorité. Ce proche de Jean-Pierre Raffarin voyait d'un œil plutôt bienveillant ce jeune président de la République qui n'était pas loin de lui rappeler sa jeunesse giscardienne. Lui aussi, cependant, compte dans les rangs de son association des présidents de département qui, pour la plupart, sont nettement moins conciliants.
" Main tendue "La situation s'est brusquement dégradée au début de l'été. Le gouvernement avait fait aux départements une série de propositions afin de les soulager sur la prise en charge des mineurs non accompagnés et des allocations individuelles de solidarité. Il leur proposait notamment une revalorisation du plafond des " frais de notaire ". Mais, au lendemain de la décision prise par la majorité des départements de ne pas signer les contrats de maîtrise de la dépense locale, le premier ministre retirait son offre.
Malgré plusieurs rendez-vous à l'Elysée et à Matignon, la brouille ne s'est pas dissipée. D'autant que l'exécutif y a ajouté quelques maladresses. Ainsi a-t-il tout bonnement omis d'inviter le président de l'ADF à la présentation du plan  pauvreté, le 13  septembre. La veille, Emmanuel Macron appelle lui-même Dominique Bussereau pour tenter de réparer l'impair. " Le problème, ce n'est pas que tu ne m'aies pas invité, lui répond ce dernier, fort irrité. C'est que tu ne m'aies pas consulté avant. "
Pourtant, le président de la Charente-Maritime ne désespère pas de rétablir une relation de dialogue, même si " on n'est pas encore entré dans les preuves d'amour ". Il dit ne pas douter de la bonne volonté personnelle du chef de l'Etat et du premier ministre mais constate que " la technocratie a repris le pouvoir "" Il faut maintenant que ça débouche, prévient-il. Nous sommes toujours dans une démarche de main tendue mais il faut que, dans notre main, on ait du concret. " Le premier ministre sait à quoi s'en tenir. En un an, l'exécutif aura réussi l'exploit de ressouder des associations qui, d'ordinaire, avaient plutôt tendance à ferrailler entre elles.
Patrick Roger
© Le Monde



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