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mercredi 26 septembre 2018

Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, souhaite une réforme en profondeur de l'Unédic


26 septembre 2018

" Le système n'incite pas au retour à l'emploi "

Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, souhaite une réforme en profondeur de l'Unédic

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Elu, début juillet, à la tête du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux est déçu par les choix du gouvernement en matière de fiscalité. Le mouvement qu'il préside devrait participer aux négociations sur la réforme de l'assurance-chômage.


Que pensez-vous du budget 2019 ?

Mon jugement est très mitigé. Ce projet de loi de finances ne donne pas de cap suffisamment clair. Il y a certes du positif, avec la baisse de l'impôt sur les sociétés et l'effet trésorerie de " l'année double CICE + baisse des charges ". Mais des signaux très dommageables pour les entreprises sont envoyés : par exemple la modification de la fiscalité des brevets qui aboutit à la quasi-disparition d'un avantage concurrentiel pour les entreprises françaises qui inventent les technologies de demain. La fiscalité écologique – une bonne chose sur le principe – ne cesse de s'accroître sans véritable stratégie d'ensemble. Enfin, je ne peux pas croire qu'à l'heure du numérique, qui permet des gains de productivité sans précédent, on ne puisse pas aller plus loin dans la baisse de la dépense publique : si cette orientation n'est pas prise, les impôts ne pourront pas être réduits, ce qui débouchera très vite sur une impasse pour la compétitivité de notre économie.


C'est un projet de loi de -finances qui relèverait plus de  l'ancien monde ?

Les arbitrages de dernière minute furent la plaie des trente dernières années, en matière de fiscalité. Je ne voudrais pas que l'on retombe dans ces travers.


Le projet de budget de la Sécurité sociale ne reprend pas, à ce stade, l'idée de faire payer par les entreprises une partie des arrêts maladie : vous avez été entendu ?

Nous en déduisons qu'il n'y aura pas de mesures brutales, donc strictement budgétaires, qui stigmatiseraient les entreprises. Mais il est indéniable qu'il y a un sujet. L'absentéisme est un problème multi-causal, qui implique tout le monde : employeurs, salariés, médecins, etc.


Que pensez-vous de l'idée d'instaurer un jour de carence supplémentaire ?

Pourquoi pas ? Cela fait partie d'un bouquet de solutions qu'il faut explorer tous ensemble. Sans tabou.


Le ministère du travail a exposé, le 21  septembre, ce qu'il attendait des partenaires sociaux pour réformer l'assurance-chômage. Le Medef participera-t-il à des négociations, sur cette base ?

Il est important que le système d'assurance-chômage soit axé sur la reprise d'emploi. Or en France, nous sommes confrontés au paradoxe suivant : un taux de chômage élevé, et des emplois non pourvus par centaines de milliers. Une réforme en profondeur s'impose. Les orientations esquissées par le ministère du travail nous semblent suffisamment ouvertes pour permettre la discussion. Je recommanderai, donc, au conseil exécutif du Medef qui se tient le 1er  octobre, d'envisager d'entrer en négociations à partir de la lettre de cadrage qui nous sera prochainement communiquée – à condition qu'elle reprenne les éléments dévoilés le 21  septembre.


En quoi l'assurance-chômage peut résoudre le paradoxe que vous décrivez ?

Aujourd'hui, le système n'incite pas au retour à l'emploi. Il doit être changé, en se posant, notamment, les questions de la " permittence " - allers-retours entre CDD et périodes d'inactivité - , du montant des indemnisations et de leur durée. La dégressivité peut aussi être une option, sans que ce soit l'alpha et l'oméga de la réforme.


Le bonus-malus, pour pénaliser les entreprises abusant des contrats courts, ne devrait pas figurer dans la lettre de cadrage : vous avez donc marqué un point…

C'est une théorie intellectuellement séduisante pour un économiste mais impraticable dans les faits. La solution est plutôt dans les branches où les négociations se poursuivent, par ailleurs. Nous mettrons sur la table d'autres solutions qui ne soient pas pénalisantes pour l'emploi.


Plusieurs syndicats ont -menacé de ne pas s'asseoir à la  table des négociations si le bonus-malus est écarté…

Chacun prendra ses responsabilités. On ne peut pas, à la fois, se plaindre que l'Etat récupère toutes nos prérogatives et ne pas s'asseoir à la table des négociations. La seule manière de répondre au gouvernement, c'est de montrer que nous, partenaires sociaux, avons une capacité de gestion et d'initiative.


Que vous inspire la situation financière de l'Unédic, endettée à hauteur de 35  milliards d'euros ?

Le fait que l'Etat garantisse la dette du régime a contribué à déresponsabiliser les partenaires sociaux et à creuser les déséquilibres – même si la crise de 2008 a lourdement pesé, bien sûr, sur les comptes. Faites la comparaison avec les retraites complémentaires du privé, qui sont cogérées par les organisations d'employeurs et de salariés : elles affichent 60  milliards de réserves et ont su faire preuve d'initiatives pour préserver la durabilité du système.


Plusieurs sources nous rapportent que les tensions, qui avaient prévalu lors de la campagne pour la présidence du Medef, ne se sont pas dissipées…

J'ai l'opinion inverse. Une ma-jorité claire s'est dégagée au -moment du vote. J'ai ensuite fait en sorte de rassembler toutes les  fédérations, y compris celles qui ne m'avaient pas soutenu. Aujourd'hui, nous sommes tous alignés sur les sujets qui nous préoccupent : budget, assurance-chômage…


La politique du gouvernement va-t-elle dans le bon sens ?

Les seize mois écoulés ont été marqués par des réformes plutôt positives. Il ne faudrait pas que les  sondages conduisent à l'idée d'opposer systématiquement -l'intérêt des ménages et des entreprises. Les ménages, ce sont d'abord des salariés du secteur privé. Quand la fiscalité sur les  entreprises baisse, ils en bénéficient, puisque l'activité, donc  l'emploi, s'améliore. Emmanuel Macron a été élu car il répondait à un souhait de transformation chez une majorité d'électeurs : il doit poursuivre dans cette voie.


Le Brexit est-il une menace pour les entreprises ?

A court terme, oui, car la France est l'un des premiers pays exportateurs vers le Royaume Uni. A long terme, la décision de nos voisins britanniques peut être bénéfique au reste de l'Europe car les Etats membres de l'Union seront poussés, par un sentiment d'urgence, à approfondir leurs relations, à accélérer la convergence fiscale et sociale. Dans le monde économique, la volonté d'une Europe plus forte, plus soudée va se consolider. Ce sera plus que nécessaire pour faire face aux défis créés par " l'America first " de Trump et le capitalisme d'Etat chinois.
Propos recueillis par Sarah Belouezzane, Raphaëlle Besse Desmoulières, et Bertrand Bissuel
© Le Monde

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