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mercredi 26 septembre 2018

Le passé turbulent de la Voie lactée


26 septembre 2018

Le passé turbulent de la Voie lactée


Vue d'artiste représentant la perturbation du disque de la Voie lactée, à la suite du passage d'une galaxie naine.
ESA/CC BY-SA 3.0 IGO
astronomieL'exploitation des données du satellite Gaia a permis de réaliser une carte en six dimensions. Une représentation dynamique qui révèle une structure en escargot

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Il y a toutes sortes d'animaux dans le ciel : une petite ourse et une grande, un grand chien et un petit, un lion, un cygne, une girafe, un poisson volant, etc. A ce bestiaire, il faut ajouter une nouvelle bestiole, un escargot. Mais un escargot gigantesque, si grand qu'il recouvre bien des constellations et si subtil qu'il en était -jusqu'ici invisible. Ainsi que l'annonce, dans Nature  du 20 septembre, l'équipe internationale qui l'a découverte, cette structure s'apparente à une sorte de filigrane imprimé dans notre galaxie.
Pour la mettre au jour, ces chercheurs ont exploité les données fournies par le satellite Gaia de l'Agence spatiale européenne (ESA) qui, depuis son lancement fin 2013, cartographie la Voie lactée avec une précision inégalée. Le catalogue utilisé pour leur étude totalise 6  millions d'étoiles.
Une carte en 6DComme l'explique Céline Reylé, -astrophysicienne à l'institut Utinam (CNRS/université de Franche-Comté), qui a cosigné l'étude de Nature" ce catalogue fournit à la fois la position des étoiles dans le ciel, leur distance, mais aussi la manière dont elles se déplacent. On parle non plus de 3D mais de 6D, parce qu'on a les trois composantes de la position ainsi que les trois composantes de la vitesse. " Grâce à Gaia, les astronomes ne se -contentent plus d'observer des -piqûres blanches sur la toile noire du ciel, mais ont une vision véritablement dynamique des étoiles.
En combinant la vitesse de ces dernières et leur position au-dessus ou en dessous du plan de la galaxie est apparue une structure en forme de coquille d'escargot. " C'est un peu comme quand on observe un pavé lancé dans une mare, dit Céline Reylé. La vitesse des molécules d'eau présentes dans l'onde qui se propage et leur hauteur par rapport au plan moyen de la mare sont différentes de là où l'eau est calme. " Première signataire de l'étude, Teresa -Antoja (université de Barcelone) reconnaît qu'elle n'en a pas cru ses yeux lorsqu'elle a vu s'afficher la représentation graphique du catalogue sur son écran d'ordinateur : " Au départ, les caractéristiques nous ont semblé très bizarres. J'étais un peu stupéfaite et j'ai pensé qu'il pouvait y avoir un problème avec les données tant les formes étaient claires. " Trop claires pour être vraies ?
Avant d'être mises à la disposition de la communauté des astrophysiciens, les données de Gaia ont pourtant subi plusieurs tests de la part du consortium scientifique européen qui les traite. -Teresa Antoja et ses collaborateurs les ont néanmoins repassées à la moulinette pour vérifier qu'aucune erreur n'engendrait cet escargot si régulier. Et il a fallu se rendre à l'évidence : rien ne parasitait les données, cette structure galactique était réelle. Un choc d'autant plus grand que rien jusqu'alors n'avait laissé soupçonner son existence. Le saut qualitatif de Gaia changeait la donne, confirmant que, souvent, ce sont les instruments qui font les découvertes : " C'était comme si, subitement, vous aviez mis les bonnes lunettes et que vous voyiez les choses qu'il était impossible de voir avant ", commente Teresa Antoja.
Phénomène de rémanenceContrairement à l'eau de la mare qui finit par reprendre sa configuration initiale sans que l'on puisse deviner qu'elle a été agitée, la Voie lactée a donc gardé l'empreinte de l'événement qui l'a perturbée – Céline Reylé parle de " rémanence ". Il ne restait plus aux chercheurs qu'à identifier le pavé qui avait troublé la galaxie. Ainsi que le raconte Céline Reylé, des simulations leur ont suggéré que l'événement à l'origine de leur escargot était " le passage d'une galaxie naine à proximité de la Voie lactée il y a 300 à 900 millions d'années ". Même si la fourchette temporelle semble large, elle a permis de faire porter les soupçons sur la galaxie naine du Sagittaire, un groupe de quelques dizaines de millions d'étoiles qui n'a été découvert qu'en  1994.
A l'heure actuelle, cette galaxie-satellite se fait lentement dévorer par la grande cannibale qu'est la Voie lactée. Déjà bien disloquée, elle a dispersé une partie de son contenu le long de sa trajectoire. Mais il fut un temps où elle était bien mieux structurée et un de ses précédents passages correspond justement à la fourchette que les chercheurs ont établie.
L'étude de Nature souligne par contraste à quel point les informations manquent sur le passé, parfois turbulent, de notre galaxie. Découvrant les résultats de ce -travail, Timo Prusti, responsable scientifique de Gaia à l'ESA, a eu ce commentaire : " La Voie lactée a une riche histoire à raconter et nous commençons à la lire. "
P. B.
© Le Monde

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