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jeudi 27 septembre 2018

Le Labour n'exclut plus le maintien dans l'UE


27 septembre 2018

Le Labour n'exclut plus le maintien dans l'UE

Le Parti travailliste ouvre la porte à un référendum sur l'accord de sortie de l'UE, contre l'avis initial de Corbyn

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LE CONTEXTE
Compte à rebours
La sortie officielle du Royaume-Uni de l'Union européenne est prévue pour le 29 mars 2019, deux ans après le début des négociations de divorce engagées entre le gouvernement de -Theresa May et les Vingt-Sept.
Dans l'impasse à ce stade, en particulier sur la question irlandaise, les tractations sont entrées dans leur dernière ligne droite : un compromis est espéré en octobre, ou au plus tard en novembre. Il s'agit ensuite de laisser au Parlement européen et aux élus de Westminster le temps de ratifier l'accord. Les conservateurs britanniques refusent l'hypothèse d'un nouveau vote populaire pour ou contre l'accord de sortie.
Le badge qu'arbore Charles, chef d'entreprise et militant du Labour, dans les couloirs du congrès travailliste de Liverpool est sans ambiguïté mais pas très distingué : " Brexit, mes couilles ", proclame-t-il sur un fond jaune fluo. " L'immense majorité du parti est contre ce Brexit catastrophique et veut un second référendum, commente-t-il. Jeremy Corbyn - le chef du Parti travailliste - a promis d'écouter la base, c'est le moment ! "
Evénement impensable voilà un an, le congrès travailliste a massivement approuvé, mardi 25 septembre, une motion selon laquelle, " si nous ne parvenons pas à obtenir des élections législatives, le Labour devra soutenir toutes les options restant sur la table, y compris faire campagne en faveur d'un vote du public - référendum - ".
Fruit d'un compromis laborieux, la formulation permet d'afficher l'unité et représente une victoire relative pour les -militants du People's Vote, le collectif qui porte la revendication d'un second référendum, car elle n'exclut pas formellement que le maintien dans l'UE soit l'une des options proposées. Ce que les -dirigeants du parti voulaient éviter, estimant que " la question a déjà été tranchée ".
Ailleurs, dans une salle où sont réunis les travaillistes pro-Brexit, Mike, syndicaliste du nord de l'Angleterre, se lève et éructe : -" Finissons-en avec cette idiotie de deuxième référendum ! Ne désespérons pas nos électeurs pour faire plaisir à quelques bobos libéraux londoniens ! " Ses amis expliquent que l'Union européenne (UE) " est une création thatchérienne ultralibérale " qui va empêcher le parti d'appliquer son programme de renationalisations et d'investissement dans les services publics, seul à même de redonner confiance aux laissés pour compte de la précarité à la britannique.
FracturesAlors que le plan Brexit de la première ministre, Theresa May, vient d'être rejeté par les vingt-sept pays de l'UE et que la -menace d'un projet conservateur de déréglementation hors de l'Union se précise, le Parti travailliste devrait logiquement se trouver en position de force.
Mais le Labour, comme le pays tout entier, est divisé, et le congrès de Liverpool, le premier à  entrer dans le vif du sujet du Brexit, met à nu ces fractures : -entre le sud de l'Angleterre favorisé et le nord relégué ; entre les ouvriers favorables à la sortie de l'UE, car hostiles à  l'arrivée massive de main-d'œuvre du continent, et les membres des classes favorisées, qui voient le Brexit comme une insupportable amputation de leur univers.
" Personne n'exclut la possibilité de rester " dans l'UE, a déclaré Keir Starmer, le " M.  Brexit " du Labour, salué par une retentissante ovation debout, mais la formulation vague de la motion laisse les mains libres à M. Corbyn. Le bras droit de ce dernier, John McDonnell, en excluant l'option du maintien dans l'UE lors d'une interview à la BBC quelques heures après la rédaction du texte, a laissé planer le doute sur la bonne foi de la direction du parti. Un nouveau référendum suppose que le pays, lui aussi divisé, s'entende sur son principe et sur la question qui -serait alors posée.
Selon un sondage, 86 % des adhérents du Labour sont favorables à un nouveau " vote populaire "" Un Brexit conservateur est une menace contre un gouvernement Labour radicalement à gauche et une attaque contre les travailleurs. Il veut nous imposer une déréglementation à l'américaine ", estime People's Vote.
Mais Jeremy Corbyn – un euro-sceptique de gauche –, la direction du parti et les syndicats qui le financent préféreraient que la crise débouche sur de nouvelles élections législatives, qu'ils comptent bien gagner, plutôt que sur un référendum qui risque d'aliéner les 37 % d'électeurs Labour ayant voté en faveur du Brexit.
" Je ne vois aucune contradiction entre soutenir Jeremy - Corbyn - et exiger un second référendum. C'est la meilleure façon de gagner des élections ", assure Benjamin Eckford, 23  ans, étudiant en histoire, vêtu d'un tee-shirt écarlate frappé du slogan : " J'aime Jeremy. Je hais le Brexit ". Entre les militants comme lui qui souhaitent que le Labour se pose explicitement en " parti anti-Brexit " et ceux qui refusent de désespérer les partisans de la sortie de l'UE, la synthèse ne sera pas facile. " Le Brexit a divisé le pays. Nous devons le réunir autour de nos valeurs ", a déclaré Keir Starmer.
Le risque d'un " no deal "Le Labour va tout faire pour que l'impasse des négociations avec l'UE provoque la chute de Theresa May et la convocation d'élections. " Il est de plus en plus probable ", selon l'expression de M. Starmer, que les députés travaillistes votent, cet automne, contre l'accord, mauvais à leurs yeux, que Mme May va sans doute conclure avec l'Union. Ils espèrent ainsi obtenir la tête de la première ministre, même si ce n'est arithmétiquement possible que s'ils mêlent leurs voix à celles de leurs pires adversaires : les ultra-europhobes conservateurs comme Boris Johnson. Et même si leur vote augmenterait les risques d'un divorce sans accord catastrophique pour l'économie.
La question d'un deuxième référendum se poserait alors : ses partisans sont convaincus qu'y appeler aiderait le parti à gagner des élections en attirant les électeurs inquiets des conséquences du Brexit. M. Corbyn est d'un avis inverse, certains de ses proches le considérant même comme une forme de " suicide électoral ". On voit d'ailleurs mal comment un référendum pourrait être organisé d'ici à la date programmée du Brexit, le 29 mars 2019.
" Nous ne pouvons pas expliquer aux 17 millions d'électeurs qui ont approuvé le Brexit qu'ils sont des idiots. Nous devons reconstruire la confiance, notamment en notre système d'immigration ", plaide le député europhile Stephen Kinnock, inquiet du fossé croissant entre " cosmopolitans " et " communautarians " – les habitants des quartiers populaires – et de la perte de contact du Labour avec ces derniers.
Mais le modèle norvégien qu'il prône – pays non membre de l'UE mais disposant d'un accès libre au marché européen – maintiendrait la libre circulation des personnes et représenterait une " trahison du référendum " pour sa collègue Caroline Flint, élue Labour d'une circonscription majoritairement favorable au Brexit.
Divisé sur la question du second référendum, le Labour n'est uni en réalité que sur une idée : le Brexit peut permettre d'accéder au pouvoir. " Le message “on fera mieux que les conservateurs” marche bien car il est difficile de faire pire, mais le Labour ne nous dit pas comment ", persifle Anand Menon, professeur de politique européenne au King's College.
De fait, il reste aux  travaillistes à s'entendre sur quelques menus détails : un type de relation acceptable à la fois par les Britanniques et par l'UE et un projet pour le Royaume-Uni post-Brexit.
Philippe Bernard

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