Déjà classé " cancérogène probable " pour l'homme par le Centre interna-tional de recherche sur le cancer (CIRC) – avis auquel s'opposent les agences réglementaires européennes et américaines –, voici que le glyphosate est mis en cause pour ses effets sur les abeilles -domestiques (Apis mellifera).
Une équipe de chercheurs du département de biologie intégrative de l'université du Texas à Austin (Etats-Unis) publie, dans la dernière édition de la revue
Proceedings of the National -Academy of Sciences (
PNAS), une étude montrant que l'herbicide, principe actif du célèbre désherbant Roundup et substance phytosanitaire la plus utilisée au monde, peut augmenter la mortalité des butineuses, en agissant sur leur flore intestinale.
Ces nouveaux travaux ajoutent une nouvelle cause possible au déclin accéléré des abeilles domestiques – un phénomène -constaté dans tous les territoires dominés par les activités agricoles. Les dégâts indirects des herbicides (qui détruisent les fleurs sauvages) sur les pollinisateurs sont, eux, déjà bien connus.
Modification du microbiote
" Nous montrons que l'abondance des espèces principales du microbiote intestinal est réduite chez les abeilles exposées au -glyphosate et ce, à des concentrations rencontrées dans l'environnement, écrivent le biologiste Erick Motta (université du Texas à Austin) et ses coauteurs.
Les -jeunes butineuses exposées à cette substance voient leur mor-talité augmenter lorsqu'elles sont ensuite exposées à Serratia -marcescens,
une bactérie pa-thogène opportuniste. " Les chercheurs notent en outre que des travaux précédents ont montré que -l'altération du microbiote des abeilles réduit leur gain de poids, modifie leur métabolisme et augmente leur mortalité dans la ruche.
Surprenant ?
" Ces dernières années, il est devenu de plus en plus clair que l'ensemble des bactéries formant le microbiote intestinal jouent un rôle vital dans le maintien de la santé, et ce chez des -organismes aussi différents que les abeilles et les humains, explique le biologiste Dave Goulson, professeur à l'université du Sussex (Royaume-Uni), spécialiste de l'étude des pollinisateurs, qui n'a pas participé à ces travaux.
Cette découverte montrant que ces bactéries sont sensibles au pesticide le plus utilisé au monde est donc inquiétante. "
Pour les abeilles, donc, mais aussi pour
" tous les animaux hébergeant une flore intestinale bénéfique ", dit M. Goulson. Donc potentiellement pour l'homme. Les auteurs de l'étude indiquent d'ailleurs qu'une étude pré-cédente a montré que la flore intestinale d'animaux d'élevage -vivant à proximité de zones -agricoles était affectée par le célèbre herbicide.
D'autres effets délétères du -glyphosate sur les abeilles domestiques ont déjà été relevés. En particulier, des travaux publiés en 2015 dans
Journal of Experimental Biology indiquent que leur exposition à des doses rencontrées fréquemment dans les zones agricoles
" altère leurs capacités cognitives nécessaires au retour à la ruche ".
Là encore, de l'insecte à l'homme, il pourrait n'y avoir qu'un pas. En 2002, une étude épidémiologique conduite aux Etats-Unis parmi des familles de travailleurs agricoles et publiée dans
Environmental Health -Perspectives, suggérait déjà que les enfants de parents -manipulant des herbicides à base de -glyphosate avaient un risque plus que triplé de présenter des troubles neuro-comportementaux (hyperactivité, troubles de l'attention), par rapport à ceux dont les parents ne l'utilisaient pas.
Stéphane Foucart
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