mercredi 26 septembre 2018

Inégalités : les faiblesses du modèle français...Emmanuel Macron, président des riches ?......


26 septembre 2018.

Inégalités : les faiblesses du modèle français

Le système de redistribution américain est étonnamment plus efficace que le nôtre, selon une étude

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L'Hexagone, champion de la redistribution ? Pas si sûr. D'après l'étude publiée mardi 25 septembre par des chercheurs du Laboratoire sur les inégalités mondiales (World Inequality Lab, WIL), dont l'économiste Thomas Piketty, et de l'Institut des politiques publiques (IPP), les cotisations, impôts et transferts sociaux en France ont été moins efficaces, ces trente dernières années, pour réduire les inégalités qu'ils ne l'ont été aux Etats-Unis. Ce constat a de quoi surprendre, puisque, dans le même temps, la France reste bien plus égalitaire… Explications.
Les inégalités avant impôts ont augmenté en France Alors que les écarts de revenu et de patrimoine n'avaient cessé de se réduire tout au long du XXe  siècle, le fossé entre riches et pauvres s'est nettement accru en France depuis les années 1980. Le" tournant de la rigueur ", sous François Mitterrand, a signé la fin de l'indexation des salaires sur les prix. Un décrochage aggravé par l'évolution des rapports de force dans le monde du travail et la poussée du chômage.
En se concentrant sur les revenus (du travail et du capital), le nouveau rapport coordonné par le WIL et l'IPP montre clairement cette hausse des inégalités avant impôts en France entre 1990 et 2018. Sur la période, la part du revenu total détenue par les 10  % les plus riches a crû de6  %, passant de 30 % à 32 %. A l'inverse, celle des 50  % les plus modestes a baissé de 8  %, tombant de 24  % à 22  %.
Comme l'ont déjà montré d'autres travaux sur le sujet, le phénomène est plus marqué encore aux Etats-Unis. Sur les trente dernières années, la moitié la plus pauvre de la population a vu sa part reculer de 25,6  %, quand celle des 10  % les plus aisés augmentait de 20,5  %. Les riches Américains captent aujourd'hui plus de 47  % du revenu total.
Le système américain est plus redistributif Les politiques redistributives atténuent-elles ces inégalités ? Indubitablement. Après impôts, cotisations et transferts, les pauvres sont un peu moins pauvres et les riches un peu moins riches des deux côtés de l'Atlantique. Le phénomène est plus net en France, où les inégalités après redistribution sont en légère baisse, entre 1990 et 2018.
Au cours de cette période, le système social et fiscal de l'Hexagone est devenu un peu plus progressif. Cette évolution tient d'abord aux politiques de réduction de cotisations sociales sur les bas salaires mises en place à partir de 1993, et à la hausse de la taxation du capital pour les plus riches. Au bout du compte, " prélèvements et transferts ont totalement absorbé l'augmentation des inégalités ", souligne le rapport.
Aux Etats-Unis, en revanche, les écarts entre riches et pauvres demeurent élevés, même après impôts. L'indicateur de redistribution a beau augmenter, comme en France, au cours des trois dernières décennies, les inégalités de départ sont telles que le fossé s'accroît.
Pourtant, à y regarder de plus près, le système social et fiscal américain est, étonnamment, plus redistributif que son équivalent français. En moyenne, sur la période 1990-2018, le revenu avant taxes des 10  % les plus riches en France équivaut à 7,1 fois celui des 50  % les plus pauvres. Après impôt, ce ratio tombe à 5,5. On peut donc en conclure que la redistribution a contribué à diminuer les inégalités de 23  %. Le même calcul, pour les Etats-Unis, montre que le ratio passe de 15,1 à 9,9, soit une baisse de 34  % après impôts.
Le modèle français est plus efficace en amont La moindre efficacité redistributive du système tricolore tient à la structure de ses prélèvements obligatoires. L'impôt sur le revenu (IR), progressif (le taux payé augmente avec le revenu), pèse ainsi seulement 4 points de PIB en France, contre 10 points outre-Atlantique. De plus, les impôts proportionnels (CSG), les taxes indirectes comme la TVA (qui rapporte quasiment deux fois plus que l'IR) ou celles sur le carburant et le tabac ont un poids important chez nous. Contrairement aux foyers aisés, qui épargnent, les ménages modestes consomment l'essentiel de ce qu'ils gagnent : une plus grande part de leurs revenus est donc aspirée par ces taxes.
Si notre système est en revanche plus égalitaire que celui des Etats-Unis avant redistribution et taxes, cela tient… à notre modèle social, c'est-à-dire à tous les autres leviers contribuant à limiter les écarts de revenus : l'accessibilité de notre université, moins chère qu'aux Etats-Unis, la qualité de notre système de santé, ou encore le smic, qui limite la pauvreté au travail. " Dit autrement : les dépenses publiques en amont de la formation des revenus peuvent jouer un rôle plus déterminant que fiscalité et transferts sociaux pour réduire les inégalités ", insiste Antoine Bozio, de l'IPP. Reste à savoir, concluent les auteurs, quelles sont les dépenses les plus efficaces en la matière, et dans quelles conditions…
Elise Barthet, et Marie Charrel
© Le Monde



26 septembre 2018

Emmanuel Macron, président des riches ?

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Six  milliards d'euros de baisse d'impôts pour les ménages. En présentant son budget 2019, lundi 24 septembre, le gouvernement espérait faire taire ceux qui désignent Emmanuel Macron comme " le président des riches ". Pas sûr que cela suffise, du moins si l'on se fie à la nouvelle étude publiée mardi par le Laboratoire sur les inégalités mondiales, codirigé par l'économiste Thomas Piketty, et l'Institut des politiques publiques.
Les chercheurs des deux institutions ont passé au crible l'évolution des prélèvements obligatoires ces trois dernières décennies. Ils dressent le constat suivant : tous prélèvements confondus (impôts et cotisations sociales sur le capital et le travail), le taux auquel les ménages les plus riches sont taxés a baissé en  2018, sous l'effet des réformes prises par Emmanuel Macron.
Cela tranche avec l'évolution amorcée sous François Hollande. En effet, l'intégration de certains revenus du capital dans le barème de l'impôt sur le revenu dès 2012 et la création d'une nouvelle tranche d'impôt sur le revenu à 45 % avaient fait gonfler le taux d'imposition global des 0,01 % les plus aisés de 40,5 % à 51 % entre 2011 et 2016. Mais ce taux a rechuté à 47,3 % en  2018.
" Cela tient principalement à deux réformes ", expliquent les auteurs. A savoir la transformation de l'impôt sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière – 330 000 foyers aisés en bénéficient –, et la création d'un prélèvement forfaitaire unique (PFU) au taux uniforme de 30 % sur les revenus du capital. Ces deux mesures ont coûté 4,5 milliards aux finances publiques en  2018, et profité aux gros patrimoines.
Depuis l'été, le président s'emploie à souligner le volet social de sa politique, censé contrebalancer les mesures prises en début de quinquennat. Dévoilés début septembre, les 8  milliards du plan pauvreté renforceront l'accompagnement vers l'emploi des plus fragiles et l'accès aux crèches pour les familles défavorisées. Mais il faudra du temps pour que ces dispositions aient une incidence sur le revenu des 8 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté.
Dix-sept  millions de ménages des classes moyennes profitent en outre de la disparition progressive de la taxe d'habitation. Il n'empêche : " D'après nos projections, la tendance observée cette année devrait se poursuivre en  2019 et 2020, car la baisse de l'impôt sur les sociétés profitera également aux plus aisés ", conclut M. Piketty.
M. C.
© Le Monde

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