vendredi 28 septembre 2018

Donald Trump isolé au Conseil de sécurité des Nations unies


28 septembre 2018

Donald Trump isolé au Conseil de sécurité des Nations unies

Le président américain a fait face à un front uni entre l'Europe, la Russie et la Chine, prêtes à défendre l'accord sur le nucléaire iranien de 2015

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Une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies dirigée par Donald Trump : cela peut sembler incongru tant le président des Etats-Unis est coutumier des diatribes contre l'organisation et ne contrôle guère ses propos. En outre, de telles rencontres de chefs d'Etat pour un Conseil de sécurité sont exceptionnelles, même si elles n'ont aucune dimension décisionnelle et sont avant tout symboliques : la dernière en date remonte à 2014 avec Barack Obama sur la lutte contre la drogue et la précédente à 2009 et portait sur la lutte contre la prolifération nucléaire.
Mais les Etats-Unis président ce mois-ci le Conseil et M. Trump ne voulait pas manquer l'occasion de cette tribune, mercredi 26  septembre, pour revenir encore plus durement à la charge contre Téhéran au lendemain de son échange musclé avec son homologue iranien, Hassan Rohani lors de l'Assemblée générale des Nations unies. Avant de répéter ses récriminations dans une conférence de presse spectaculaire.
A l'origine, l'Iran devait être le seul thème à l'ordre du jour, mais Washington a finalement décidé d'évoquer plus largement la lutte contre la prolifération à l'occasion de la journée internationale pour l'élimination des armes nucléaires. Dans le même temps, le locataire de la Maison Blanche a mis en cause Pékin, l'accusant d'interférer dans les élections de mi-mandat de novembre contre son administration. " Ils ne veulent pas que je gagne, ou que nous gagnons, parce que je suis le premier président à défier la Chine sur les échanges " a-t-il lancé. Des allégations aussitôt rejetées par le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi, affirmant que " la Chine a toujours respecté le principe de non-ingérence dans les affaires d'un pays ".
La question du nucléaire iranien restait néanmoins au cœur de l'intervention du dirigeant américain. Les mots étaient un peu moins virulents que la veille devant l'Assemblée générale, mais le fond, lui, était aussi dur. " Un régime avec de tels antécédents comme le régime iranien ne doit jamais avoir le droit de se doter de l'arme nucléaire " a martelé M. Trump, dénonçant à nouveau " l'accord horrible et déséquilibré - de juillet de 2015 mettant sous contrôle le programme de Téhéran - qui permet à l'Iran de continuer ses visées de fabrication de la bombe, qui lui permet de continuer à fomenter le chaos et à construire des missiles ".
" Pressions maximales "Cinq mois après avoir dénoncé au grand dam de la communauté internationale ce texte signé par Téhéran et les " 5 + 1 " – les cinq membres permanents du Conseil de sécurité plus l'Allemagne –, il a promis que les sanctions rétablies par Washington entreraient " pleinement " en vigueur début novembre. Elles seront bientôt suivies de nouvelles mesures punitives " plus dures que jamais, pour contrer l'ensemble du comportement malveillant de l'Iran ", accusé de déstabiliser le Moyen-Orient. Menaçant il a mis en garde tous les pays qui continueront à commercer ou investir en Iran qu'ils " auront à subir des très lourdes conséquences ".
Face à lui tous les présents ont fait bloc pour défendre l'accord. Tout au long des échanges, Donald Trump est resté de marbre, sans répondre aux intervenants, comme l'exigent les règles du protocole. Le ministre des affaires étrangères russe Sergueï Lavrov a évoqué le risque " d'une montée des tensions dans l'ensemble du Moyen-Orient " si le dispositif de 2015 n'est pas sauvé. Son homologue chinois Wang Yi a rappelé que " le texte avait été obtenu de haute lutte ". Les alliés de Washington au Conseil, à commencer par les membres permanents européens, le Royaume-Uni et la France, ont été sur la même ligne. La première ministre britannique, Theresa May, a ainsi souligné que l'accord " demeure le meilleur moyen d'empêcher l'Iran de développer une arme nucléaire ".
" Nous devons bâtir ensemble une stratégie de long terme pour la gestion de cette crise qui ne peut se réduire à une politique de sanctions et d'endiguement " a pour sa part insisté Emmanuel Macron rappelant que les signataires de l'accord partageaient tous le même but : " Empêcher l'Iran de se doter de l'arme nucléaire et garantir par des contrôles internationaux la finalité pacifique de son programme. " D'où l'importance de le maintenir.
Paris prône le dialogue avec Téhéran tout en comprenant les inquiétudes américaines. D'où les propositions du président français réitérées à nouveau de compléter le texte avec de " nouvelles négociations sur l'encadrement du nucléaire iranien au-delà de 2025-2030 ", sur les missiles balistiques de la République islamique et " sur la stabilité régionale ". Ces thèmes étaient au centre de sa rencontre dans la soirée du 25  septembre avec le président Rohani. Ce dernier, lors d'une rencontre avec des journalistes new-yorkais, a affirmé que " tant que l'accord sert nos intérêts, nous resterons dans ce pacte et que les membres qui restent partie prenante de l'accord ont pris de très bonnes mesures pour avancer même si l'Iran a des attentes plus élevées ".
Les " pressions maximales " américaines d'une part et le dialogue prôné par les Européens pourraient être complémentaires. " Si nous avions tous suivi le président Trump, nous aurions tous tort (…). Parce que nous serions tous sortis de l'accord et l'Iran aurait repris son activité nucléaire ", a expliqué Emmanuel Macron lors d'une conférence de presse. Ce couplage a-t-il reconnu " pourrait même accélérer le processus ". Et de souligner " vouloir tout faire pour que ce soit ce scénario-là qui l'emporte ".
Marc Semo
© Le Monde

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