vendredi 28 septembre 2018

Bruxelles devrait maintenir la pression sur le budget français


28 septembre 2018

Bruxelles devrait maintenir la pression sur le budget français

Si la Commission européenne se montre très dure face à un budget italien trop à la dérive, elle ne pourra alors pas fermer les yeux sur le cas de la France

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La saison d'examen des projets de budgets nationaux s'ouvre ces jours-ci à Bruxelles et l'exercice promet d'être encore plus acrobatique que les années précédentes. Comment la Commission va-t-elle parvenir à faire respecter les règles du pacte de stabilité et de croissance, hautement complexes et de plus en plus contestées, sans pour autant avoir la main trop lourde en dressant les capitales contre elle ni verser dans le deux poids deux mesures ?
Présenté en conseil des ministres, lundi 24  septembre, le budget prévisionnel français pour 2019 fait partie des dossiers difficiles, même si le premier sur la liste reste sans conteste celui de l'Italie, dont Bruxelles redoute qu'il prévoie un vaste plan de relance, en dépit de l'endettement abyssal du pays (130,7  % du produit intérieur brut en  2018, le deuxième de la zone euro derrière la Grèce).
Eu égard aux chiffres annoncés par le gouvernement d'Edouard Philippe, la copie hexagonale semble d'ores et déjà hors des limites bruxelloises. Le déficit public français, en lui-même, n'est pas problématique. Il devrait remonter à 2,8  % du PIB en  2019, soit une hausse de 0,2 point par rapport à 2018 (2,6  % attendus).
Signaux d'inquiétudeC'est certes un peu décevant pour la Commission, laquelle espérait que la France le réduirait plus rapidement, après être restée neuf ans d'affilée au-delà du plafond de 3  % autorisé par les traités (elle n'est sortie de la procédure dite des " déficits excessifs " que cette année).
Mais le malaise vient plutôt de l'effort structurel (les réductions budgétaires liées à des réformes structurelles), qui, d'après les règles européennes, doit atteindre 0,6  % de PIB par an. Comme cet objectif est difficile à tenir, le pays concerné peut prendre deux ans – sous certaines conditions – pour l'atteindre.
Or, en  2018, l'effort structurel tricolore n'excédera pas 0,1  % du PIB. Le déficit structurel devrait donc être théoriquement réduit – cette fois sans faute – de 0,5  % à 0,6  % en  2019. Avec la copie actuelle, Paris est assez loin du compte (il manque environ 6  milliards d'euros de coupes supplémentaires). La Commission ira-t-elle jusqu'à sanctionner la France ? Le bras dit " préventif " du pacte de stabilité et de croissance permet d'en arriver là, mais l'institution n'a jamais fait usage de cette " option nucléaire ".
Et il est très peu probable qu'elle la déclenchera dans le cas de la France. Car, si la règle du plafond d'un déficit public à 3  % du PIB est vérifiable, le calcul de l'effort structurel est plus complexe à établir et peut donner lieu à des discussions entre Bruxelles et les capitales.
Par ailleurs, l'esprit du " bras préventif " consiste moins à " taper sur les doigts " qu'à convaincre les Etats membres de poursuivre l'assainissement de leurs finances publiques afin de réduire leur endettement et de contenir leur déficit sous les 3  % de PIB.
La Commission, qui multiplie les signaux d'inquiétude à la veille de la présentation du budget italien, s'apprête-t-elle pour autant à mieux traiter Paris que Rome ? C'est ce dont s'est inquiété le vice-président du conseil, Luigi Di Maio, juste après la publication des chiffres français. " Déficit de 2,8  % pour la France. Nous sommes un pays souverain, exactement comme la France. L'argent est là et vous pouvez enfin le dépenser au nom des citoyens. En Italie comme en France ! ", a-t-il tweeté.
Remontée du déficit transalpinAu vu des chiffres, il est vrai que le déficit nominal italien est bien plus faible que celui de l'Hexagone (1,7  % attendu en  2018). Mais si ses signaux bruxellois sont au rouge, c'est parce que l'Italie accuse l'un des plus forts taux d'endettement de l'eurozone, un facteur majeur de déstabilisation économique de la Péninsule.
Une remontée du déficit transalpin en  2019 – prévisible si les forces antisystème au pouvoir depuis la fin du printemps tiennent leurs promesses de campagne – rendra encore plus compliqué de combler la dette. En début d'année, la Commission escomptait que le déficit tombe à 1  % du PIB italien en  2019 ; elle redoute désormais qu'il dépasse largement les 2  %.
Bruxelles estime que les fondamentaux français sont nettement plus solides : le pays accuse une dette élevée mais contenue (96,4  % du PIB en  2018), et sur les 2,8  % du déficit attendus en  2019, 0,9  % sera dû au manque à gagner conjoncturel pour l'Etat lié à la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en allégements de charges.
Bien que ces deux cas soient difficilement comparables, la Commission sait qu'elle aura du mal à fermer les yeux sur les coquilles de la copie française, et à ne pas mettre un peu la pression sur Paris si elle se montre très dure face à un budget italien trop à la dérive. Elle se prépare donc à un exercice de communication périlleux. Car que pèsent les subtilités du " bras préventif " du pacte de stabilité et de croissance et quelques dixièmes de point de PIB face aux arguments des populistes ?
Cécile Ducourtieux
© Le Monde

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