mardi 1 mai 2018

L'Organisation de libération de la Palestine rongée par les divisions


1er mai 2018

L'Organisation de libération de la Palestine rongée par les divisions

Plusieurs factions, notamment le Hamas, au pouvoir à Gaza, refusent d'assister à une réunion majeure du Parlement de l'OLP

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C'est le paradoxe de la vie politique palestinienne. Depuis onze ans, le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, et le Fatah du président Mahmoud Abbas sont en conflit ouvert.Affaibli et isolé, le Hamas a décidé, ces dernières semaines, d'épouser la ligne de son rival, en mettant de côté la lutte armée et en soutenant les manifestations le long de la bande de Gaza. Pourtant, cette convergence ne semble en rien favoriser une réconciliation. Au contraire : Mahmoud Abbas est décidé à modifier à sa main les institutions palestiniennes, en excluant d'y intégrer le Hamas.
C'est ainsi qu'il faut appréhender la réunion du Conseil national palestinien, qui devait débuter lundi 30 avril à Ramallah. Un rendez-vous très attendu, à l'approche du déménagement symbolique de l'ambassade américaine à Jérusalem, le 14 mai, et la conclusion de la " marche du grand retour " à Gaza, le lendemain. Le Conseil est le parlement de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP). Composée de plus de 700 membres de tous horizons, dont beaucoup de l'étranger, cette dernière ne s'est pas réunie en session complète depuis 1996. Cette réunion a pour but d'élire un nouveau comité exécutif mais aussi d'envisager la restructuration de l'OLP.
Celle-ci doit, selon de nombreux responsables, retrouver une place centrale. Depuis le début du cycle d'Oslo – les accords de paix signés en  1993 avec Israël –, l'Autorité palestinienne est devenue une sorte de cogestionnaire de l'occupation, estiment beaucoup de ses pourfendeurs. Le Conseil devrait aussi discuter d'un retrait de la reconnaissance d'Israël par l'OLP.
" Catastrophe nationale "" Je vois cette réunion comme un événement de transition, explique Hanan Achrawi, haute responsable de l'organisation. Il s'agit d'ouvrir la porte à la rénovation et de préparer une nouvelle loi en perspective d'élections. "
Le Hamas et le Jihad islamique ont refusé d'assister au Conseil national au rang d'observateurs. Les deux factions dénoncent les motivations de M. Abbas, contraires à un esprit d'union. " C'est une catastrophe nationale, estime Bassem Naïm, haut cadre du Hamas. Cette réunion nourrit la division en la déplaçant au niveau de l'OLP, censée incarner la maison symbolique de tous les Palestiniens. La légitimité de l'OLP risque en partie d'être remise en question, avec la promotion de nouvelles personnes par la volonté d'un seul homme. "
La tension monte encore entre les deux formations rivales. Le Hamas accuse à présent des responsables de l'appareil sécuritaire à Ramallah d'être derrière la tentative d'attentat contre le convoi du premier ministre, Rami Hamdallah, à Gaza, le 13  mars.
" On ne peut pas laisser le Hamas avoir un droit de veto sur la vie politique palestinienne ", souligne un responsable de l'OLP. Pourtant, une autre faction a manifesté son opposition à cette réunion. C'est le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) qui, dans un communiqué, a fait état de l'échec de ses contacts avec le Fatah pour repousser la session du Conseil, et a regretté qu'elle se tienne à Ramallah, au lieu d'être organisée à l'étranger, en dehors de l'emprise de l'occupant israélien.
De son côté, Zahira Kamal, la chef du parti de l'Union démocratique palestinienne (FIDA), juge nécessaire de participer au Conseil. " La situation politique est très dangereuse, dit-elle, après la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël par Trump. On doit se préparer. Un nouveau gouvernement, politique et non technique, doit être formé par toutes les factions. Tout le monde doit s'engager en faveur de la résistance populaire, en dupliquant partout le modèle de la marche à Gaza. "
" Faits irréversibles "Cela n'en prend pas le chemin. Comme si rien ne se passait à la frontière de Gaza, où une quarantaine de personnes ont été tuées et près de 1 700 blessées par balles depuis le 30  mars, M. Abbas a décidé d'accentuer ses pressions sur le Hamas. Le " raïs " veut une reddition complète du mouvement islamiste. Pour cela, il est prêt à considérer Gaza comme une entité rebelle et à couper tous les fonds.
" Abbas pense qu'il a tout essayé pour la réconciliation, décrypte un expert israélien.Il ne veut pas que le camp national, après lui, s'efface au profit du camp islamique. Il veut donc imposer des faits irréversibles, pour empêcher le Hamas de remettre en cause l'orientation depuis 1988 : construire un Etat à côté d'Israël et non à sa place. "
A la suite, officiellement, d'un " problème technique ", le gouvernement a suspendu le versement des salaires de mars à 20 000 fonctionnaires à Gaza. " On n'aurait pas dû faire cela, il s'agit d'une mesure punitive qui frappe la population ", regrette Hanan Achrawi, de l'OLP. En mars 2017, le gouvernement avait réduit ces salaires de 30  %.
Le 26  avril, le coordinateur spécial de l'ONU pour le processus de paix au Moyen-Orient, Nikolaï Mladenov, s'est ému de cette mesure devant le Conseil de sécurité. Estimant que cette décision avait un impact " dévastateur ", il a mis en garde : " Les services publics, déjà chancelants à Gaza, vont encore se rapprocher d'un effondrement total. Les hôpitaux, les cliniques, les écoles, l'eau, les installations de traitement des eaux usées, le ramassage des poubelles, les transports et les autres services essentiels seront atteints de façon critique. "
Piotr Smolar
© Le Monde


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