La question du logement est de nouveau au cœur de l'actualité par la décision de justice d'annuler l'encadrement des loyers à Paris. Mais surtout par les discussions en cours à l'Assemblée nationale sur la loi de finances, qui s'efforce de traduire dans les actes les nouvelles orientations de la politique du logement tracées par le président de la République lors de son intervention télévisée du 15 octobre.
Emmanuel Macron avait alors dénoncé le coût de la politique antérieure, estimé à 40 milliards d'euros par an. L'argument a dû effrayer ceux qui l'écoutaient… surtout si l'on omet de dire que le logement rapporte 67 milliards d'euros par an en recettes fiscales. Puis il a affirmé que cette politique ne fonctionnait pas. Elle a seulement permis de lancer la construction de
402 000 logements dans les douze derniers mois, ce qui place la France très au-dessus des autres pays européens… Bien sûr, cela ne résout pas tout, et trop de nos concitoyens restent mal logés. Mais ils sont moins les victimes de la politique du logement que de la métropolisation de notre territoire menée sans vraie politique foncière, ce qui a renchéri considérablement le prix du sol malgré une concentration des aides dans les territoires par ailleurs les plus riches.
Affirmer que la politique du logement est coûteuse et inefficace aurait dû inciter le président de la République à faire des propositions fortes. Mais il s'est contenté de réexpliquer sa décision de diminuer les aides personnelles et de faire baisser les loyers pour neutraliser les conséquences de ces diminutions. En prenant l'opinion à témoin : c'est
" croquignolesque " a-t-il dit, on aide deux fois ! Avec les aides à la pierre, on aide une première fois. Avec les aides à la personne, on aide une deuxième fois… Certes, mais les premières permettent d'avoir des loyers abordables pour les ménages modestes, et les secondes permettent à nos concitoyens plus défavorisés d'y accéder. S'il n'y avait qu'un seul type d'aide, elle serait plus coûteuse et moins juste.
Improvisations dictées par BercyMais une autre affirmation est venue aggraver ce déni :
" A chaque fois qu'on a augmenté les APL, on a augmenté d'autant les loyers. " C'est totalement faux pour les loyers des logements sociaux, qui sont fixés de façon à équilibrer le financement de leur construction puis de leur entretien. Et ils sont plafonnés par l'Etat ! C'est pourtant sur les seuls logements sociaux que va tomber la sentence. En fait, tout est parti de la baisse de 5 euros des aides à la personne, d'ailleurs portée depuis jusqu'à 60 euros. Devant le tollé suscité, on a pensé qu'il suffisait d'obliger les organismes sociaux à baisser d'autant leur loyer… Une telle improvisation, dictée par Bercy, ne constitue en rien une politique du logement. En revanche, elle aura des conséquences néfastes, car cela revient à priver les organismes sociaux d'un milliard et demi de recettes chaque année, et donc de diminuer d'autant leurs capacités d'entretenir leur parc ou d'investir dans la construction.
Qu'à cela ne tienne, il n'y a qu'à faire des regroupements – ce qui est illusoire pour les offices d'HLM qui sont liés au territoire de leur collectivité de rattachement. Il n'y a qu'à mettre à contribution la Caisse des dépôts – ce qui diminuera d'autant ses propres capacités d'investissement dans d'autres actions publiques. Il n'y a qu'à prendre la trésorerie dans les organismes les mieux pourvus – parce qu'ils ne sont pas très actifs… ou bien gérés ?
On affirme enfin vouloir créer
" un choc de l'offre ". Mais après avoir ponctionné, voire plombé les organismes sociaux, et donc fortement réduit leurs capacités d'investir, ce n'est pas dans le secteur social qu'on verra les constructions fleurir et -l'offre exploser ! Quant à stimuler le secteur privé, mieux aurait valu ne pas traiter les investisseurs et les bailleurs de
" rentiers ", comme si leur activité était dépourvue de risques. Il est vrai que quand on supprime l'impôt sur la fortune, le maintien de sa part sur les biens immobiliers passe mieux quand on montre du doigt ceux qui les détiennent. Dans ce climat, heureusement qu'on a reculé et que le dispositif d'amortissement des investissements dans des logements locatifs a été maintenu – essentiellement dans les seules zones tendues. A trop décourager les investisseurs, l'effort reposera sur les seules épaules du public.
De plus, on veut supprimer les aides personnelles d'accession à la propriété. Dans un premier temps, on a annoncé la fin du prêt à taux zéro (PTZ) ; puis son maintien dans les zones dites " tendues ". Le président de la République a finalement dû reculer en le maintenant aussi dans le reste du territoire. Mais ce ne sera que pour deux ans et il sera ensuite divisé par deux ! En fait, il s'agit moins d'un maintien que d'un aménagement progressif de la sortie du PTZ. Or, sans PTZ, les primo-accédants qui n'ont pas d'apport personnel ne pourront plus accéder à la propriété.
L'exonération fiscale des plus-values des terrains constructibles n'est prévue elle aussi que dans les zones privilégiées où le foncier est très cher, où les propriétaires sont plus à l'aise, et où les collectivités pouvaient en tirer de meilleures recettes. Cette concentration des aides dans la France privilégiée soulève d'ailleurs une vraie remarque : la France modeste attendra !
Il est temps de se ressaisir. Bien sûr qu'il faut réformer et ajuster les outils à la situation présente. Bien sûr qu'il faut rechercher des économies. On doit et on peut le faire. Une loi sur le logement est annoncée. Mais après ce qui vient de se passer, un simple saupoudrage catégoriel ne suffira pas. Il faut d'abord s'appuyer sur une analyse correcte, puis développer une vraie vision pour le logement.
par Pierre-André Périssol
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