C'est la sidération. Dans les rangs " hamonistes ", on commence à peine à prendre la mesure des effets des révélations sur les violences sexistes à l'Union nationale des étudiants de France (UNEF) et au Mouvement des jeunes socialistes (MJS). Ces deux organisations ont longtemps été dans l'orbite de Benoît Hamon et de son courant. C'est là, en effet, qu'une bonne partie de la jeune garde socialiste a fait ses armes.
Depuis le début des années 2000, les deux mouvements de jeunesse ont été pilotés par des proches ou des alliés de Benoît Hamon. On les retrouvait par la suite dans les travées de l'Assemblée nationale, les cabinets ministériels ou dans les exécutifs des grandes villes socialistes. Ils ont siégé aussi dans les instances du PS, fonctionnant souvent en bande. Cette proximité a perduré jusqu'à une période récente. L'ancien ministre de l'éducation s'est d'ailleurs entouré, pour la présidentielle, d'anciens cadres de ces organisations. A l'image de Mathieu Hanotin, son directeur de campagne. Ou de Nadjet Boubekeur, sa responsable presse.
" Garde-fous "Le Mouvement du 1er juillet (M1717), lancé par Benoît Hamon, devait réunir, samedi 2 décembre au Mans, environ 1 400 sympathisants pour sa journée de fondation. Les affaires de l'UNEF et du MJS devraient être omniprésentes dans les discussions et les esprits. Les participants plancheront notamment, lors d'un atelier ad hoc, sur la question des rapports de domination des hommes sur les femmes. Preuve, pour Benoît Hamon, que le sujet est pris très au sérieux.
" On ne reste pas passifs. On veut avoir des référentes intégrées au mouvement dès maintenant pour recueillir la parole des femmes victimes, et les aider à agir. Ce dispositif doit être autonome de la direction pour ne pas interférer avec le politique. "
Le M1717 a en effet été confronté très tôt à un cas de violence de genre. Les hamonistes ont dû exclure, courant octobre, un conseiller régional d'Ile-de-France, Gilbert Cuzou, accusé par deux collaboratrices d'
" agressions et de harcèlement sexuel ". Le mouvement a décidé d'en faire un exemple : l'élu a été écarté à titre conservatoire avant d'être renvoyé, la parole des victimes a été aussitôt prise en compte, un fonds d'aide financière pour les démarches judiciaires a été créé.
" C'est une politique assumée pour installer une dynamique et une pression internes, et lutter contre ce genre de comportement ", souligne l'ancien député de Paris Pascal Cherki.
" On n'est pas atones, on a déjà réglé un cas et mis en place une réflexion sur ces sujets ", insiste Guillaume Balas, député européen. Sa collègue de Strasbourg, Isabelle Thomas, renchérit :
" On a pris le taureau par les cornes en mettant en place des garde-fous structurels dans l'organisation. On veut fonder un monde nouveau qui bazarde l'ancien. Cela veut dire aussi le sexisme et la domination masculine. "
" Effet de souffle "Pourtant, depuis quelques jours, à gauche, les adversaires de Benoît Hamon avaient l'intention de l'attaquer sur ce sujet.
" Comme d'autres, il est bien silencieux ", lâchait une des signataires de la tribune de 83 ex-militantes de l'UNEF qui dénonçaient les agressions dans le syndicat étudiant. Certains socialistes, sous couvert d'anonymat, vont plus loin :
" Cuzou, MJS et UNEF, ça fait beaucoup quand même. Ils doivent avoir peur chez Benoît… ", avance un membre du parti.
" Le groupe que les hamonistes avaient constitué dans ces organisations de jeunesse n'était pas réputé pour leur féminisme. Ce n'est pas un courant sympathique… Il faut que la presse cesse sa complaisance vis-à-vis de Hamon ", -taclait un autre cacique du Parti socialiste, ancien de l'Union nationale des étudiants de France.
Pour d'autres, la charge est injuste.
" L'effet de souffle peut expliquer le silence. D'autant qu'aucune organisation politique n'est exempte de ce genre de comportement ", estime une des initiatrices de la boîte mail balancetonporcalunef@gmail.com. Face à ces attaques, Guillaume Balas s'étrangle :
" Ceux qui veulent instrumentaliser ces affaires pour nous attaquer ont tort. Je les attends. Ils vont s'en mordre les doigts. Ils vont peut-être m'expliquer qu'à l'Assemblée nationale, chez certains députés, il n'y a pas de sexisme ? Ou dans certaines fédérations ? Le PS a-t-il mis en place des dispositifs comme nous ? "
Benoît Hamon, s'emporte lui aussi :
" C'est honteux que des gens nous accusent de silence ou de complaisance. On nous met en cause alors que nous avons été dans la rectitude et la constance. Chaque fois que je me tourne vers les autres organisations pour en parler, elles me disent “joker” ", explique-t-il. Ajoutant qu'il en a parlé spontanément lors de la matinale de France Inter du 23 octobre. M. Hamon assure également avoir pris rendez-vous avec Marlène Schiappa, la secrétaire d'Etat chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, pour évoquer la question.
Les cadres du M1717 soulignent tous que ce n'est pas un hasard si la parole se libère d'abord dans les organisations de gauche et en particulier chez les jeunes. Elles auraient plus baigné dans une culture féministe où les femmes sont aussi aux postes de responsabilité. Pour autant, pas question pour Isabelle Thomas d'en rester là :
" Il faut maintenant que cela fasse tache d'huile pour en finir avec ce vieux monde dans les organisations et partout dans la société. "
Abel Mestre et Sylvia Zappi
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